Message
par Geispe » 17 juin 2005, 21:35
Dans le même style, il y a un bon moment, nous avions songé à la question, dans un texte intitulé
Nous sommes tous des drogués du confort moderne.
Voici le parcours qui mène à la drogue…
Le jeune essaie par curiosité, par opportunisme, parce que les copains en parlent, parce qu’il paraît que c’est agréable « planant », ou à la mode.
Nous essayons les nouveautés du confort moderne, parce que l’occasion se présente, parce que les autres le font, parce que la pub nous en vante les agréments.
Puis le jeune en reprend, car l’effet est réellement plaisant, la vie est beaucoup plus rose, et puis, il est sûr de se maîtriser, de s’en passer, si besoin est.
Ce confort est bien agréable, il facilite et agrémente la vie, et nous n’avons pas l’intention d’abuser.
Peu à peu, le recours à la drogue devient habituel, et, sans qu’il s’en aperçoive, il lui faut des doses plus fortes pour obtenir l’effet désiré. Une bonne part du budget commence à partir dans son approvisionnement.
Nous prenons vite l’habitude de notre petit confort et cherchons des nouveautés, des moyens plus performants pour nous divertir, faciliter nos tâches : télé grand écran, nombreuses chaînes, voiture plus confortable et rapide, électro-ménager hi-tech, voyages plus exotiques…et cela commence à peser sur notre porte-monnaie…
La drogue est devenue un besoin puissant et permanent, alors même que l’effet « planant » s’estompe. Il doit se démener pour trouver l’argent nécessaire.
Nous « ne pouvons plus nous passer » de…de notre série télévisée, notre voiture, nos sorties, notre shopping, nos repas gastronomiques, notre crème de beauté, nos informations quotidiennes, notre chauffage douillet, notre banquet de Noël, notre nouvelle tapisserie, notre séance de musculation, nos vacances confortables…Et tout cela nous est d’autant plus indispensable que nous devons nous battre pour tout financer : stress, heures supplémentaires, demandes d’augmentation…
Le monde du toxicomane finit par se réduire à sa drogue, qui estompe son sens de la réalité, le coupe du monde et des gens qui l’entourent ; il se réfugie dans un univers clos, solitaire et virtuel, il ne se drogue plus pour le plaisir, mais par peur d’être confronté au » monde extérieur ». Il n’a plus le sens de la moralité et trouve tout à fait normal « d’arnaquer » ses meilleurs amis et les membres de sa famille, de commettre des larcins, de mentir et de mendier, pourvu qu’il ait sa dose.
Il sait pertinement que la drogue ruine sa santé et l’expose à tout moment à une overdose, mais cela ne le dissuade pas plus que les indications sur les paquets de cigarettes ou le cancer du poumon n’arrêtent un fumeur invétéré…
Nous finissons par vivre comme des automates au milieu de notre confort, la vie devient routine, le films les plus spectaculaires nous amusent modérément, nous zappons avec lassitude entre des dizaines de chaînes, nous nous émouvons à peine en entendant les informations dramatiques quotidiennes, les pays les plus exotiques ne nous étonnent plus, nous exécutons dans la routine les fêtes qui sont à l’ordre du jour ; nous nous arrangeons pour être sollicités en permanence par tous ces plaisirs, pour nous éviter de trop réfléchir, nous prenons soin de ne jamais être à court de confort moderne : chauffage, télés, lumière partout, « voiture-appartement » réfrigérateurs et congélateurs garnis, médecine de confort, agréments du lieu de travail…
Nous oublions volontiers que cela fait de nous des pollueurs, des oppresseurs, des vendeurs d’armes ; que nous accumulons des déchets nucléaires pour nos descendants, que nous sommes responsables des guerres et des crises dans les pays ou nous allons chercher les matières premières qui nous sont destinées, que l’on chasse pour nous des paysans de leurs terres ou les réduit aux travaux pénibles mal payés, que pour nous des animaux d’abattoirs et de laboratoires sont maltraités, que des autochtones deviennent dépendants du tourisme pour assurer nos vacances, que la pollution augmente inexorablement pour que nous soyons assurés de l’approvisionnement et de la croissance. Nous ne nous demandons plus d’où vient notre confort pourvu que nous ayons « notre dose ».
Nous savons très bien que le confort moderne nous rend malades : que la « bonne bouffe » et la sédentarité entraînent obésité, caries, diabète et maladies cardio-vasculaires, que les écrans de télé et d’ordinateur nous cassent les yeux, que la culture acquise sur les bancs d’école nous démolit le dos, que la pollution nous intoxique, que la voiture mutile et tue, et pourtant rien de tout cela ne nous empêche de jouer à la roulette russe avec notre santé et notre vie…
Pour se procurer sa drogue, le toxicomane va être amené à entraîner d’autres dans son « trip » : en faisant goûter des novices, il les réduit à l’état de pourvoyeurs.
Dès que nous faisons goûter à des habitants des pays sous-développés à notre forme de confort moderne, nous les plaçons dans le cercle vicieux qui consiste à devoir produire, travailler, afin de pouvoir se procurer ces plaisirs : l’appât d’une télé, d’une mobylette, de l’instruction, de la médecine moderne, ou d’une machine, suffit à entraîner les autochtones dans le circuit de production-consommation – et à nous assurer leur docilité…
Le toxico est pris au piège : même s’il a envie de sortie de son cercle vicieux il ne peut pas ; même s’il arrive à décrocher il est vite repris par un environnement où tout le pousse à recommencer : le stress de la vie « normale », insistance des copains, et nombreuses tentations. Et puis, à quoi cela lui servirait-il de renoncer à son petit refuge virtuel pour avoir en contrepartie la morne vie de métro-boulot-dodo…
Même si notre vie tout confort nous paraît fade, immorale, inutile, stressante, nous n’avons aucune possibilité et aucune envie d’en sortir – il n’y a pas d’alternative.
La seule solution est le sevrage pur et dur…avec son accord, ou contre son gré, enfermer le toxicomane dans un endroit où il n’a aucun accès à la drogue. C’est un traitement très pénible, mais le seul qui soit efficace. Ensuite, s’il a de la chance, il sera placé dans un environnement susceptible de lui faire reprendre goût aux plaisirs simples de la vie : au contact de la nature calme et bucolique, il pourra faire du jardinage, de l’équitation, de l’artisanat, retrouver confiance et dialogue au sein d’un petit groupe convivial – pour retourner ensuite à la vie normale et à ses tentations…
Pour nous tous le sevrage, brutal mais salutaire, se fera par l’arrêt de l’ère moderne suite à la disparition de la ressource pétrolière… Ensuite, nous aurons l’occasion de renouer avec un mode de vie plus simple... Par contre, pour nous ce sera définitif...