près vingt mois de massacres quotidiens de civils -surtout des femmes et des enfants- et des actes d’un indicible sadisme mortifère, dont la famine organisée contre les habitants de Gaza, l’État israélien, mais aussi la société israélienne, voient leur heure de la vérité approcher comme jamais auparavant. Alors, l’État sioniste peut-il devenir « normal », un État plus ou moins pareil aux autres ? En somme, est-il « réformable » ou est-il condamné à s’enfoncer de plus en plus dans la barbarie raciste, obscurantiste et exterminatrice de ses voisins qu’il traite de sous-hommes ? Et la société israélienne, peut-elle se défaire de ses fascistes et aspirants dictateurs ou il est déjà trop tard pour qu’elle se libère de ses tentations totalitaires et de ses démons suprématistes ?
La réponse à ces interrogations est donnée d’abord par les événements de ces vingt derniers mois. Évènements qui ont vu l’État israélien franchir l’une après l’autre toutes les « lignes rouges », non seulement en se transformant en une machine à tuer massivement et en commettant les pires crimes contre l’humanité, mais aussi en les revendiquant publiquement, allant jusqu’à se déclarer systématiquement fier de ces « exploits » macabres ! Le constat est donc catégorique : l’État israélien suit une évolution inexorable et pleinement assumée vers sa transformation en État criminel et hors la loi !
Mais, ce qui rend cette évolution encore plus redoutable et sinistre c’est qu’elle est rendue possible par la complicité active et l’approbation enthousiaste de la très grande majorité des citoyens israéliens ! Cette amère, et si dangereuse, vérité qu’on avait pu constater jour après jour ces vingt derniers mois, est maintenant pleinement confirmée par les conclusions d’une enquête d’opinion publiée par Haaretz [1] et passée – « évidemment » - presque sous silence par les grands médias de nos pays : 82% des Israéliens veulent expulser les Palestiniens de Gaza, et 47% d’eux veulent les tuer tous, enfants inclus !
Et aussi, 56% des Juifs israéliens veulent expulser d’Israël ses citoyens Palestiniens, et ce pourcentage monte a 66% pour les Israéliens de moins de 40 ans. Il est à noter que, selon la même enquête, 70% des Israéliens dits « libéraux » et laïcs soutiennent l’expulsion des Gazaouis de leur terre, ce qui nous éclaire déjà sur la vraie nature de leurs manifestations contre Netanyahou et son gouvernement : oui, ils veulent très sincèrement renverser ce gouvernement, et une partie d’eux, surtout les familles des otages, veulent le cessez-le feu. Mais, tout ça ne veut pas dire qu’ils veulent une paix durable avec les Palestiniens, ni qu’ils sont contre leur expulsion de Gaza ou même contre leur extermination. D’ailleurs, il suffit de lire attentivement la plupart de leurs proclamations pour voir que, sauf rares et très louables exceptions, ils ne sont pas contre ou même soutiennent la reprise de la guerre d’extermination contre les Palestiniens après un cessez-le-feu qui permettrait la libération des otages détenus pas Hamas.
De même, l’énorme pourcentage (97% !) des Ultra-orthodoxes (Haredim) qui soutiennent l’expulsion de Gazaouis devraient rendre plus circonspects ceux qui dans nos pays, s’empresseraient de penser du bien du parti de ces mêmes Haredim vu qu’il prépare, ces jours-ci, la chute du gouvernement Netanyahou. En Israël, on peut être contre Netanyahou et être aussi mauvais ou même pire que lui…
La réponse aux interrogations de l’heure de la vérité israélienne, que donnent tant les événements des derniers vingt mois, que l’enquête d’opinion déjà citée, ne laisse donc aucun doute : Non, ce monstrueux Etat sioniste n’est pas « réformable », comme d’ailleurs n’est pas « réformable » la societe israélienne qui soutient activement ses politiques génocidaires ! Ce qui a comme conséquence que même si Netanyahou est éloignée du pouvoir, les politiques criminelles continueront parce qu’elles correspondent aux vœux de la très grande majorité de la population juive d’Israël. Alors, inutile de parler des divers « solutions » du problème moyen-oriental (un ou deux états) avant de répondre a la question primordiale : que faire de l’État sioniste et surtout que faire de cette société israélienne ?
Il y a 16 mois, en décembre 2023, on écrivait déjà que « le massacre méthodique et le nettoyage ethnique des Palestiniens qui a commencé avec la liquidation de ce qui est ce véritable ghetto de Gaza, se font en toute conscience car ils correspondent aux objectifs historiques du projet sioniste : la création, par l’extermination, l’expulsion et la soumission des indigènes, d’un État exclusivement juif sur l’ensemble des terres du Grand Israël ! ». Et on continuait en tirant la conclusion suivante : « un tel État est par nature monstrueux, inhumain et... irréformable » …et « la solution qui s’impose crève les yeux : il faut changer cet État de fond en comble, afin de le rendre au moins « normal »,« comme les autres ». En somme, il faut le dé-sioniser ». [2]
Arrivés à cette conclusion, on s’interrogeait comment faire pour de-sioniser Israël. Alors, on se tournait vers deux grandes expériences du passé qui pourraient nous aider : celle de l’Allemagne nazie, et celle de l’Afrique du Sud de l’Apartheid. Et voici ce qu’on écrivait : « La dénazification de l’Allemagne à la fin de la Deuxième Guerre mondiale a été imposée par les puissances qui l’ont vaincu sur le champ de bataille. L’Apartheid sud-africain, la « purification » et la « normalisation » de l’État s’est faite de l’intérieur, à l’initiative de deux populations jusqu’alors ennemies. Sur la base de ces précédents, on peut déjà exclure l’application à Israël du modèle de la dénazification allemande parce qu’il présupposerait la défaite militaire d’Israël, ce qui conduirait très probablement à un terrible bain de sang de sa population juive ».
Ayant donc exclu la dénazification a l’allemande, notre article d’alors se déclarait en faveur de « la variante sud-africaine qui suppose que la dé-sionisation d’Israël vienne de son intérieur, à l’initiative de ses propres citoyens ». Aujourd’hui, tenant compte non seulement des massacres et autres crimes contre l’humanité, perpétrés, jour après jour, par l’État israélien à Gaza -mais aussi de plus en plus en Cisjordanie. Et tenant compte surtout des dispositions pogromistes et exterminatrices de la grande majorité des citoyens (juifs) d’Israël, nous ne pensons plus comme il y a 16 mois, en décembre 2023 : Un scénario de dé-sionisation à la sud-africaine de la société israélienne nous paraît improbable sinon impossible, d’autant plus que le temps court contre une éventuelle « pacification » de cet État et de cette société.
Malheureusement, ce qui apparait déjà, mais en filigrane, dans l’horizon israélien est la purge de cette société d’abord de ses (rares) éléments critiques du génocide palestinien, et ensuite de tout citoyen (juif) qui osera revendiquer des droits et libertés démocratiques. Alors, confrontés à une telle situation dominée par une extrême droite fascisante, obscurantiste, très agressive et violente, il est très probable qu’on assistera à l’exacerbation et la généralisation d’un phénomène qui pointe déjà le nez : l’exode massive d’Israël de ses citoyens tant soit peu libéraux et laïcs qui tiennent à leurs droits individuels les plus élémentaires. Le résultat d’une telle évolution sera qu’il n’y aurait plus en Israël que des factions d’extrémistes plus ou moins délirantes et suprématistes, lesquelles tôt ou tard se battront entre elles, tout en inventant des nouveaux « ennemis » qu’il faudra bombarder sinon exterminer afin de perpétuer leur pouvoir fondé d’ailleurs sur le sentiment d’extrême insécurité qui résulte du mythe fondateur d’un Israël prétendument condamné à vivre encerclé par des ennemis soi-disant héréditaires.
Notre conclusion ne pourrait pas être optimiste, d’autant plus que nous ne voyons pas comment les Israéliens pourraient redevenir des êtres plus ou moins « normaux », arrêtant de favoriser, et de pratiquer, le nettoyage ethnique et l’extermination des Palestiniens, et demain peut-être d’autres de leurs voisins, au nom du mythe de ce Grand Israël biblique qu’il faut reconstituer. Donc, pour l’instant nous ne sommes sûrs que d’une chose : quand Israël rencontrera ses premières vraiment grandes difficultés, et ses soutiens d’aujourd’hui, qui sont des antisémites patentés, se tourneront de nouveau contre les juifs, ceux qui prendront leur défense seront, de nouveau, les mêmes qui les ont toujours défendus bec et ongles et au péril de leur vie. C’est-à-dire ces quelques gens de gauche, de préférence des révolutionnaires, qu’on ose qualifier aujourd’hui d’antisémites…