Quelle proportion d'uranium dans la croûte planétaire est requis pour le développement de la vie?
Je trouve un seul article sur le sujet, sur un site que je ne connaissais pas, un seul article mais qui a l'air très bon (et ses commentaires aussi)
https://www.ca-se-passe-la-haut.fr/2020 ... s-cle.html
Une équipe de chercheurs vient de montrer que l'abondance en uranium et en thorium est un paramètre clé pour l'habitabilité d'une planète, via la génération d'un champ magnétique protecteur issu de la dynamique thermique des couches internes, elle même dirigée par la décroissance radioactive de l'uranium et du thorium... Une étude publiée dans The Astrophysical Journal Letters.
Si la radioactivité naturelle de la Terre était un peu plus faible, notre planète ne serait pas habitable, mais si elle avait été un peu plus élevée, elle n'aurait pas été habitable non plus... C'est pour résumer ce que trouvent Francis Nimmo (University of California) et ses collaborateurs en étudiant l'impact qu'a l'abondance des couches internes d'une planète rocheuse en éléments radioactifs à très longue période (U-235, U-238 et Th-232). [...]La production de chaleur radiogénique actuelle est estimée à 22 TW, dont 15 TW provenant du manteau seul. La chaleur interne de la Terre provient ainsi en grande partie de la décroissance radioactive des milliers de milliards de tonnes d'uranium et de thorium (et de leurs descendants) qu'elle contient. Mais cette quantité d'éléments radioactifs à très longue période n'est pas la même pour toutes les planètes rocheuses, loin de là. Tout dépend en effet du nuage protostellaire dans lequel elles se sont formées. L'uranium et le thorium sont des éléments forgés par des processus rares comme les collisions d'étoiles à neutrons (induisant une capture rapide de neutrons, qu'on appelle le processus-r). On sait que la teneur en uranium de planètes rocheuses peut ainsi très facilement varier d'un facteur 10 à 100 d'un système planétaire à l'autre.
Ce qu'ont calculé Nimmo et ses collaborateurs, c'est l'effet d'une telle variabilité de la teneur en éléments radioactifs sur le devenir thermique d'une planète et les conséquences qui en découlent pour son habitabilité potentielle. Ils modélisent ce que donnerait sur Terre une teneur en uranium et thorium seulement 3 fois plus faible et 3 fois plus élevée.
L'effet le plus important qui est induit par la chaleur interne d'une planète tellurique est l'effet dynamo, qui apparaît par le déplacement de charges électriques dans le coeur métallique liquide, qui produit finalement un champ magnétique, à même de protéger l'atmosphère du rayonnement cosmique. [...]
Francis Nimmo et ses collègues montrent qu'en fait, la Terre a échappé de peu à ce tableau : les valeurs d'abondance en uranium et thorium apparaissent juste suffisantes pour que la Terre ait pu conserver une dynamo continue et efficace, et sans produire une trop forte activité tectonique. Avec trois fois moins ou trois fois plus d'actinides, l'habitabilité de notre planète était plus que fortement compromise.
[...] si elle a trop de chaleur produite par la radioactivité, ça ne se passe pas non plus très bien... [avec une]abondance en uranium et en thorium était trois plus élevée, l'effet dynamo n'aurait pas été possible durant une très longue période de l'histoire de la Terre (située entre 3,2 et 4,2 milliards d'années après sa naissance) ! En effet, ces éléments qui se trouvent en grande quantité dans le manteau terrestre le rendraient globalement plus chaud et le manteau agirait de fait comme un isolant vis à vis du noyau métallique liquide
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Avec plus de chaleur interne radiogénique, la planète a aussi beaucoup plus d'activité volcanique à sa surface et d'activité tectonique, ce qui pourrait produire plus de dégazage et donc augmenter la densité atmosphérique, mais sans champ magnétique, l'atmosphère se retrouve balayée par le vent solaire et le rayonnement cosmique...
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A contrario, une planète sans chaleur interne suffisante est une planète géologiquement morte, sans activité volcanique et donc sans atmosphère, et avec un champ magnétique réduit à la portion congrue, voire quasi inexistant, laissant s'installer une forte irradiation de la surface.
On peut ainsi passer très vite d'une planète géologiquement morte à une planète très active, les deux cas étant a priori inhabitables, et uniquement en faisant bouger la variable de la teneur en uranium et en thorium du manteau rocheux.
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On s'attend naturellement à une très forte variabilité de l'abondance en uranium et en thorium dans la matière constitutive des étoiles et des planètes qui vont se former autour d'elles. Car cette abondance dépend de la proximité du nuage de gaz et de poussière initial d'un nuage résiduel de collision d'étoiles à neutrons qui contiendrait les éléments lourds en question.
L'abondance en éléments lourds comme l'uranium et le thorium peut être estimée, indirectement, dans les étoiles proches (et donc les planètes qui les entourent). Un autre élément formé dans les fusions d'étoiles à neutrons peut en effet être mesuré dans le spectre des étoiles, c'est l'europium, qui va pouvoir servir de traceur. Francis Nimmo et ses collaborateurs ont récupéré des données de l'abondance en europium (mesurée relativement au magnésium) dans une grande population d'étoiles proches de notre galaxie, dans le but de connaître la variabilité naturelle de cette abondance et comparer avec notre système solaire. Résultat : le Soleil se situe bien au milieu de la plage, mais surtout, ce que montrent les chercheurs, c'est que de très nombreuses étoiles ont au moins deux fois moins d'europium et de très nombreuses autres en possèdent plus de deux fois plus.
alors est-ce qu'on peut estimer quel proportion de systèmes stellaires ont ni trop ni trop peu d'uranium et thorium?
Et puis, une collision d'étoile à neutrons (événements très rares, mais finalement eux aussi essentiels à la vie, c'est la destruction créatrice stellaire) , ça peut ensemencer en uranium les nuages protostellaires sur combien d'années lumières? La diffusion d'uranium a-t-elle été modélisée?
Un point m'étonne dans cette histoire :
" le Soleil se situe bien au milieu de la plage" (de l'abondance en europium, marqueur d'uranium).
On n'a pas besoin de se situer dans la moyenne pour permettre l'apparition de la vie, puisque la vie est probablement très peu répandue et reste exceptionnelle (même si ça aide, d'être dans la moyenne).
Pourquoi le système solaire dans la moyenne sur ce paramètre là?
Il reste du boulot pour comprendre tout ça.
Dans le futur, les observations qui permettront de caractériser l'atmosphère d'exoplanètes offriront la possibilité de déterminer une corrélation entre l'abondance mesurée en uranium et thorium (via le traceur europium) et la nature de l'atmosphère, voire de trouver une variabilité au sein d'un même système stellaire...