Mesurer le CO2 selon les gigaoctets consommés : l’idée qui consterne le secteur du numérique
Une méthode de calcul discutable
Julien Lausson Numerama le 24 décembre 2021
Préciser la quantité de gaz à effet de serre générés par la consommation de données : voilà la nouvelle information que les opérateurs auront l’obligation de préciser chaque mois en 2022. Une idée qui provoque une levée de boucliers dans le secteur du numérique.
Nouvelle polémique en vue concernant l’impact du numérique sur l’environnement et la manière de l’évaluer. Au Journal officiel du 23 décembre 2021 a été publié le décret n° 2021-1732, qui fait hurler sur les réseaux sociaux les spécialistes des nouvelles technologies. Selon ce texte, les dispositions qu’il contient doivent entrer en vigueur le 1er janvier 2022.
De quoi s’agit-il ? Le décret s’intitule : « modalités d’information, par les opérateurs de communications électroniques (accès fixes et mobiles) sur la quantité de données consommées dans le cadre de la fourniture d’accès au réseau et son équivalent en émissions de gaz à effet de serre ». En clair, il s’agit d’imposer aux opérateurs de renseigner le volume d’émissions carbones générées par la consommation de données.
Ce décret vient compléter une loi entrée en vigueur en février 2020, nommée loi de lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC). C’est notamment via ce texte qu’a été introduit l’indice de réparabilité (et ses critères de notation, précisés dans un décret à part), qui permet d’évaluer la facilité de réparation d’un produit high tech, comme un smartphone.
Dans le détail, le décret s’applique aux opérateurs et aux fournisseurs au sens large. Il leur est demandé de présenter auprès de l’abonné :
* le type d’abonnement : Internet fixe ou Internet mobile ;
* le volume de données consommées : en gigaoctets (Go), arrondi à l’unité, et, le cas échéant, accompagné de la mention « données estimées » ;
* l’équivalent en émission de gaz à effet de serre : en grammes équivalent CO2 (g éqCO2), arrondi à l’unité ;
* la synthèse des modalités de calcul utilisées.
Le décret ne dit pas quelle est la méthodologie appliquée pour effectuer ces calculs, mais pointe vers l’Agence de la transition écologique (ADEME), qui dépend du ministère de l’Écologie. Cet indicateur doit se baser sur « le volume réel de données consommées », relevé par l’opérateur, pour dire à l’internaute ce qu’il génère en gaz à effet de serre en accédant au réseau.
« Ces informations peuvent être accompagnées d’une représentation graphique » et « peuvent également figurer sur les documents de facturation » ajoute le décret. Elles sont aussi à retrouver sur l’espace personnel de chaque abonné et doivent être actualisées chaque mois. Chaque information mensuelle portera évidemment sur le mois écoulé (en décembre, vous verrez novembre).
De prime abord, ces informations semblent avoir de l’intérêt pour comprendre plus finement l’impact individuel que l’on a, en matière d’émissions de gaz à effet de serre, en utilisant sa connexion Internet pour consulter ses mails, lire une vidéo, afficher un site web ou jouer aux jeux vidéo. Après tout, la réflexion traversait notamment les suggestions de la Convention citoyenne sur le climat.
Un décret qui enflamme le milieu informatique
Mais le problème ici tient à la manière d’établir ces mesures, qui reposent sur un postulat contesté et sur des règles de calcul discutables. C’est ce qu’illustre sur Twitter Pierre Beyssac, ingénieur en informatique, connu pour être à la fois le porte-parole du Parti pirate et pour avoir cofondé Gandi.net, un service d’enregistrement de noms de domaine et d’hébergement web.
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La méthodologie de l’ADEME est décrite dans un article du 14 décembre et elle consiste en deux multiplications, la première pour les réseaux mobiles et la seconde pour les réseaux fixes.
Empreinte carbone (en gCO2e/mois) = Quantité de données consommées par l’utilisateur (en Go/mois) x Ratio moyen majorant représentatif de l’impact du « Réseau Mobile France » (en gCO2e/Go), sachant qu’au 1er janvier 2022 cette valeur est estimée à 49.4gCO2e/Go (gramme CO2 équivalent par Gigaoctet).
Empreinte carbone (en gCO2e/mois) = Impact moyen de la consommation Internet fixe d’un Français (en gCO2e/mois), sachant qu’au 1er janvier 2022 cette valeur est estimée à 4.1 kgCO2e/mois par abonné.
Cette méthode de calcul est justement dénoncée par Pierre Beyssac et d’autres,
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lire
https://www.numerama.com/tech/803201-me ... rique.html
perso je fais en moyenne 80 Go par mois* en 4G et zéro en fixe (pas de box wifi). Selon la méthodologie Ademe je fais donc prés de 4 kg CO2 par mois soit environ la même chose que la valeur donnée de 4.1 kg par mois moyen pour un internet fixe.
*sachant que mon abonnement me permet jusqu'à 130 Go par mois, chiffre que je n'ai jamais atteint depuis que le forfait est passé de 70 à 130 Go l'été dernier (à prix d'abonnement constant, merci Orange).
on peux lire avec intérêt les arguments de Pierre Beyssac qui affirme la démarche Ademe comme trop simpliste :
https://signal.eu.org/blog/2021/03/09/l ... lectuelle/