Stockage, pourquoi la nouvelle feuille de route énergie (PPE) en parle si peu
AURÉLIE BARBAUX Usine Nouvelle le 04/05/2020
Publiée par décret le 23 avril 2020, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour les périodes 2019-2023 et 2024-2028 en métropole fait la part belle au développement des énergies renouvelables électriques, éoliennes et solaires. Malgré leur intermittence, le texte n’évoque que de façon parcellaire les questions de stockage d’énergie. Explications.
La nouvelle PPE ne prévoit aucun objectif de stockage, mais a invité à étudier l'ajout de 1,5 GW de STEP à horizon 2030-2035.
Dans l’énergie, il y a stockage et stockage. Et les batteries électriques ne sont pas tout. L’énergie peut également être stockée sous forme de gaz (naturel ou hydrogène), d’hydraulique (barrage ou STEP) ou de chaleur. La France dispose par exemple de 13 à 20 TWh de stockage thermique via les ballons d’eau chaude.
En tout cas, sauf pour les zones non connectées des îles du Ponant de la pointe Bretagne (Ouessant, Molène, Sein) et plus à l’ouest Chausey, le stockage électrique chimique, sous forme de batterie, est le grand absent de la nouvelle feuille de route énergie de la France qui fixe les objectifs à 2023 et 2028.
Malgré +50% de solaire et d'éolien
La nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), dont le décret a été publié le 23 avril 2020, fait pourtant la part belle au développement des énergies renouvelables électriques, éoliennes et solaires, célèbres pour leur intermittence.
L’électricité d’origine renouvelable (hydraulique, éolien et solaire) devra en effet représenter 27% de la production électrique en 2023 (contre 18,6 % en 2018) et de 33 à 36 % en 2028, sachant que l’hydraulique représente une moyenne assez stable de 10 %. Dans la consommation, les renouvelables pèseraient ainsi 36 % en 2023 et de 49 à 52 % en 2028. En dix ans, les capacités installées d’énergie renouvelable électrique augmenteront de 50 %.
Pas de besoin de stockage électrique en Métropole
Pourtant aucun objectif de stockage par batteries n’est fixé. Et pour cause. Le texte de la PPE le répète à plusieurs reprises : "A l’horizon de la PPE, en 2028, avec la pénétration des énergies renouvelables et l’évolution du mix électrique fixées par la présente PPE, il n’y a pas de besoins additionnels de stockage pour assurer l’équilibre offre demande." Le système électrique métropolitain, intégré au système électrique européen, a déjà suffisamment de résilience. Et ce constat "reste valable jusqu’à l’horizon 2 035 dans les scénarios Volt (40 % d’ENR et 56 % de nucléaire en 2035 – 55 GW) et Ampère (50 % d’ENR et 46 % de nucléaire en 2035 – 48,5 GW) présentés par RTE dans son bilan prévisionnel 2017."
RTE, le transporteur d’électricité qui gère les lignes à haute et moyenne tensions et assure l’équilibrage de la tension sur le réseau en temps réel, assure en effet que l’intégration d’importantes capacités d’énergies renouvelables (plus de 100 GW installées à l’horizon 2035) ne nécessitera pas de développer de nouvelles flexibilités pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande. Cela soulève néanmoins "de nouveaux défis qui pourront être traités en utilisant tous les leviers de flexibilités existants, notamment la flexibilité de la demande, le stockage et les interconnexions." RTE testant par exemple actuellement un système de ligne virtuelle avec batterie, le projet Ringo... mais qui n’a pas vocation à mettre de l’énergie en réserve, juste à équilibrer l’offre et la demande sur le territoire.
1,5 GW de STEP à étudier pour 2030
Conséquence, "la loi ne fixe aujourd’hui aucun objectif sur le stockage de l’électricité", écrit la PPE, qui ne fixe aucun objectif d’augmentation de stockage électrique, à une exception près, le stockage hydroélectrique. La PPE ne prévoit que d’engager d’ici à 2023 les démarches permettant le développement des stations de pompage d’électricité (STEP) pour un potentiel de 1,5 GW identifié en vue de mises en service des installations entre 2030 et 2035. Il viendrait s’ajouter aux 4,3 GW de STEP et 13 GW de barrages hydrauliques existants.
L'hydrogène juste évoqué
Et si la PPE identifie bien l’hydrogène comme "le moyen de stockage massif inter-saisonnier des énergies renouvelables électriques intermittentes le plus prometteur" et le power to gas (production de gaz de synthèse à partir d’énergie renouvelable) comme "la seule façon de stocker de l'électricité sur de très longues périodes", le texte repousse à 2035 voire 2040 leur développement. La PPE invite néanmoins à "étudier l'intérêt de la réutilisation de cavités salines pour le stockage d'hydrogène". Des cavités utilisées pour le gaz naturel qui pourrait bientôt être libérées quand ce n’est pas déjà fait.
Surcapacités annoncées dans le Gaz
Car pour le stockage du gaz naturel aussi, la France est largement fournie en capacité de stockage, voire excédentaire. "Sur les dix années à venir, il n’y a pas de besoin de nouvelle infrastructure de stockage souterraine de gaz naturel ou de remise en activité d’une des trois infrastructures de stockage souterraines actuellement sous cocon", estime la PPE. D’ici à 2023, il faut conserver les capacités existantes, soit 138 TWH répartis dans onze sites souterrains (8 aquifères et 3 salins) gérés par Storengy (Engie), Téréga et un par Géométhane. Et à partir de 2024, les besoins de stockage devraient baisser et la prochaine PPE identifiera les infrastructures de stockage qui ne seraient plus nécessaires pour assurer la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel à moyen et long terme.
OK pour le pétrole, le CO2 oublié
Pas de problème non plus en matière de stockage pétrolier. La France dispose d’une capacité de stockage globale stable depuis 2015, de l’ordre de 41 Mm³ – dont 12,9 Mm³ dans les raffineries et 7,5 Mm³ hors raffineries pour un total de 20,4 Mm³. Ces infrastructures sont dédiées à plus de 60 % au stockage de produits finis. En revanche, c’est de solution de stockage de CO2 dont la France pourrait avoir vite besoin, car les puits de carbone végétaux ne suffiront pas à atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050. Mais de cela, la PPE ne dit rien, alors qu’il existe un potentiel géologique en France de stockage du CO2, explique le BRGM. La stratégie nationale bas carbone, qui projette une trajectoire à 2050, n’est pas beaucoup plus loquace sur le sujet.