- la poursuite de la tendance actuelle
- un nouveau choc pétrolier
- un atterrissage en douceur
(D'après ce que je comprends, "l'atterrissage en douceur" est une crise assez importante pour ralentir la demande en pétrole, mais insuffisante pour être qualifiée de choc pétrolier. Pour résumer, c'est une récession.)
De façon étonnante, ils ne poussent pas plus loin leur analyse. Même si le choc pétrolier est évité en 2005, en sera t-il de même en 2006 ? Et l'année d'aprés ? Et la suivante ?
Voici le texte complet du communiqué :
Évolution des prix du pétrole : les scénarios de l'IFP
Les cours du pétrole brut sur les marchés internationaux atteignent, en monnaie courante, des valeurs sans précédent. Pour la première fois, le prix du baril de WTI à New York a dépassé le seuil de 45 $ et le prix du baril de Brent à Londres le seuil de 42 $. L'IFP propose l'analyse des facteurs à l'origine de cette situation et un panorama des scénarios d'évolution possibles.
L'analyse
1. Les fondamentaux macro-économiques, qui influencent directement les marchés de matières premières en général et de l'énergie en particulier, bénéficient depuis 2003 de deux soutiens majeurs :
a) la croissance économique chinoise, qui reste proche de 7 à 8 % en rythme annuel, stimulée par une industrialisation rapide (associée à des coûts de main d'oeuvre très bas) et par la diffusion rapide dans les provinces les plus avancées de modes de consommation de masse sur le modèle occidental (le parc automobile a augmenté de 50 % depuis 2000). L'activité chinoise explique en grande partie le regain de dynamisme tant du Japon que de l'ensemble de l'Asie du Sud-Est.
b) la croissance économique américaine stimulée par une politique monétaire volontariste visant à soutenir la consommation directement via des taux d'intérêt historiquement faibles et indirectement via la restauration des marges bénéficiaires des entreprises et le cercle vertueux des créations d'emplois.
2. Depuis le second semestre 2003, toutes les régions du monde présentent simultanément une croissance de la demande pétrolière très supérieure à la tendance historique depuis le contre-choc de 1986. Les estimations concernant la demande mondiale en 2004 ont été massivement revues à la hausse au cours des derniers mois pour s'établir actuellement à 82 mb/j, soit une croissance de 2,6 mb/j par rapport à 2003 à comparer à la moyenne de 1,3 mb/j entre 1989 et 2002. La zone Asie et les États-Unis sont les premiers contributeurs et représentent 67 % de la croissance de la demande pétrolière mondiale depuis 2002.
3. La croissance rapide de la demande pétrolière mondiale depuis 18 mois s'est traduite par l'érosion des capacités de production de pétrole brut excédentaires localisées dans les seuls pays producteurs de l'OPEP : de 4,6 mb/j en moyenne en 2002 à moins de 2 mb/j en moyenne en 2003, puis 1 mb/j environ au cours du 2e trimestre 2004.
4. Le marché pétrolier a été caractérisé depuis 1990 par des capacités excédentaires détenues par l'OPEP représentant 5 à 7 % en moyenne du total des capacités mondiales, assurant à l'OPEP une faculté de régulation à la hausse comme à la baisse, ce qui a contribué à une stabilisation du prix moyen du baril entre 18 et 20 $. Des capacités excédentaires plus faibles, de l'ordre de 2 à 3 % en moyenne, et ponctuellement proches de 1 %, ont directement contribué aux niveaux de prix élevés observés en 2000, 2003 et 2004.
5. Dans le contexte actuel de quasi-saturation des capacités de production, l'OPEP perd son pouvoir de producteur d'appoint et de régulateur. Il en découle deux conséquences :
a) les décisions de l'OPEP relatives aux quotas de production perdent toute signification aussi longtemps que des capacités excédentaires représentant 3 à 4 % du total des capacités ne sont pas restaurées. Dans les circonstances actuelles, la capacité de l'OPEP à enrayer la hausse du prix du brut est très faible.
b) tout événement susceptible de perturber les approvisionnements pétroliers qui ne pourrait être contrebalancé par les capacités excédentaires de l'OPEP provoque immédiatement une hausse de prix brutale et significative.
6. Les facteurs de déstabilisation du marché pétrolier se sont multipliés depuis janvier 2004 et concernent les plus importants pays producteurs :
a) perturbations avérées des approvisionnements : actions de sabotages récurrentes en Irak sur les pipelines d'exportation, conflits sociaux au Nigeria ;
b) perturbations anticipées des approvisionnements : attentats en Arabie Saoudite, menaces sur la production de la compagnie russe Youkos par suite du contentieux avec le gouvernement russe, tensions politiques au Venezuela.
7. Les niveaux absolus de stocks pétroliers aux États-Unis et en Europe se situent toujours dans le bas de la fourchette historique, même s'ils sont actuellement supérieurs à ce qu'ils étaient en 2000 et 2003. Ces niveaux sont toutefois faibles au regard de la vigueur de la demande.
La hausse du prix du baril de brut depuis début juillet reflète la perception de fondamentaux tendus et de menaces crédibles sur les approvisionnements sans dimension spéculative particulière. Les premiers signes de pressions inflationnistes dans les pays importateurs de l'OCDE amènent à s'interroger sur la durée de la situation actuelle et à évoquer les perspectives pour les prochains 18 mois.
Les perspectives pour fin 2004 et 2005
À court terme, les facteurs décisifs dans l'évolution des prix sont la croissance de la demande, le taux d'utilisation des capacités de production et de raffinage et les facteurs exogènes (géopolitique, conditions climatiques hivernales dans l'hémisphère nord, événements ponctuels comme les ouragans dans le Golfe du Mexique). Quel que soit le scénario retenu, la production non-OPEP devrait maintenir une croissance globale de 1 mb/j par an en 2004 et 2005 pour atteindre 50 à 51 mb/j.
L'IFP propose trois scénarios différenciés à l'horizon 2005 selon les facteurs dominants du marché : une demande toujours vigoureuse dans un contexte géopolitique détendu (la poursuite de la tendance actuelle), une rupture significative et durable des exportations affectant un grand pays producteur (un nouveau choc pétrolier), un fort ralentissement de la demande pétrolière illustrant les interactions entre énergie et situation macroéconomique (l'atterrissage en douceur).
· Scénario de référence : la poursuite de la tendance actuelle
Aucune perturbation des approvisionnements physiques n'est observée : la situation se normalise au Venezuela, l'Irak conserve un volume d'exportations au moins égal à celui du début de l'année 2004, le contentieux de la compagnie Youkos trouve une issue et le volume de la production russe n'est pas affecté, la situation interne de l'Arabie Saoudite reste stable. Les conditions climatiques de l'hiver 2004-2005 sont normales aux États-Unis et en Europe. Le marché gazier américain bénéficie de niveaux de stockages suffisamment élevés pour conserver le prix du gaz en deçà de 6 $/MBtu. La demande pétrolière mondiale conserve un rythme de croissance soutenu de l'ordre de 1,5 mb/j, mais inférieur à celui des 12 derniers mois, traduisant les premiers signes de réaction à la période de prix supérieurs à 35 $ (WTI) depuis plus de 8 mois. Le pic de consommation hivernal s'établit entre 82 et 83 mb/j si une saisonnalité normale est respectée. La saturation des capacités de l'OPEP, en dépit d'un ultime effort de la part de l'Arabie Saoudite qui produit près de 10,5 mb/j, ne permet toutefois pas de reconstituer les stocks de brut et de produits raffinés au-delà des niveaux moyens des 4 à 5 dernières années. La prime de risque associée aux facteurs géopolitiques tend à diminuer, mais le marché demeure susceptible de réagir avec nervosité à tout imprévu : le prix du baril de brut (WTI) évolue dans une fourchette de 35 à 40 $. Les indices de prix à la consommation des pays les plus développés s'établissent à 2,5 % environ et amènent les banques centrales à retarder la baisse des taux (Europe), voire à les relever graduellement (États-Unis).
· Scénario de crise : un nouveau choc pétrolier
L'un des grands pays exportateurs est l'objet d'une déstabilisation majeure affectant durablement les volumes exportés : attentats visant les infrastructures pétrolières (pipelines reliant les principaux terminaux d'exportation, sites de production, tankers) en Arabie Saoudite, chaos généralisé en Irak, troubles politiques au Venezuela... L'offre n'est plus en mesure de satisfaire la demande à l'occasion du pic de consommation hivernal. Les stocks pétroliers dans les grands pays consommateurs atteignent les niveaux les plus bas jamais observés. En dépit de l'utilisation concertée d'une fraction des stocks stratégiques, le prix du baril atteint les valeurs synonymes de choc pétrolier en 1979-1982 (80 $ de 2003). Plusieurs secteurs économiques subissent une hausse violente des coûts de production : transports aériens et terrestres, agriculture, chimie. La hausse du prix du baril se propage aux autres marchés énergétiques (gaz, charbon, électricité) et génère une volatilité qui s'auto-alimente. L'inflation est multipliée au minimum par un facteur 2. Les marchés financiers plongent et nourrissent des anticipations très négatives de la part des entreprises et des ménages. La croissance économique mondiale est immédiatement affectée.
· Scénario de modération de la demande : l'atterrissage en douceur
Aucun événement ne perturbe la production et les exportations des grands pays producteurs. La Chine, principal pilier de la croissance mondiale et asiatique en particulier, voit sa demande énergétique ralentir fortement sous l'effet de plusieurs facteurs internes : libéralisation des prix à la consommation, apparition de goulets d'étranglement, notamment dans la logistique, arrêt de la politique de stockage, mesures d'économies d'énergie drastiques. La demande pétrolière aux États-Unis stagne, répondant à retardement aux hausses de prix des derniers mois. Les autres pays occidentaux et les pays asiatiques suivent. La croissance de la demande pétrolière mondiale s'établit à environ 1 mb/j. Le retour de capacités de production excédentaires au sein de l'OPEP, de l'ordre de 2 % des capacités mondiales, et une certaine reconstitution des stocks dans les pays de l'OCDE ramènent le prix du baril (WTI) vers 30 $. La tendance baissière par rapport à 2003 et début 2004 relance le débat de l'objectif de prix de l'OPEP et des tensions internes à l'organisation dans l'attribution et le respect des quotas de production. La question des capacités de production n'est plus jugée prioritaire à court terme.
Chacun des trois scénarios présentés propose une vision cohérente, mais simplifiée, du champ des possibles. L'histoire enseigne que le marché pétrolier subit l'influence de facteurs multiples et, pour certains, indépendants et qu'il peut évoluer très rapidement d'une situation d'abondance à une situation de pénurie et vice-versa. La situation que nous observerons jusqu'en 2005 pourrait traverser des périodes relevant de ces trois scénarios. Il reste à espérer que nous saurons éviter le scénario de choc pétrolier.