Pour les scientifiques travaillant sur les risques systémiques, la pression des activités humaines sur tous les écosystèmes est désormais telle qu’un effondrement global menace nos sociétés. Une alerte que les économistes partisans de la croissance ignorent et que les défenseurs du progrès rejettent, au nom de l’inventivité humaine. (Dossier paru dans l'Actuariel / Accroche Presse, oct. 2018)
LA DYNAMIQUE INTERNE DE L’EFFONDREMENT
L’explication ? « Les variables “démographie” et “production industrielle et agricole” suivent des croissances exponentielles, explique Pierre-Yves Longaretti, physicien à l’Ipag et chercheur dans l’équipe Steep de l’Inria¹. Par ailleurs, le modèle intègre des boucles de rétroactions positives qui amplifient ce caractère exponentiel. Ainsi, l’intensification de la production agricole, destinée à nourrir une population grandissante, renforce encore l’augmentation “naturelle” de la population. » Attention, le modèle inclut également des boucles de rétroactions négatives. Exemples : la pollution, qui croît tendanciellement avec la démographie, restreint l’espérance de vie ; la diminution des ressources non renouvelables réduit le rendement du capital. En toute logique, ces forces contraires à la croissance devraient nous empêcher de dépasser les limites des écosystèmes. Mais ce n’est pas le cas. Les impacts négatifs se développent en effet dans l’ombre et ne sont pas tangibles suffisamment tôt. « Ce retard est au cœur de la dynamique de l’effondrement, poursuit Pierre-Yves Longaretti. Comme la menace n’est pas ou est mal identifiée, les mesures préventives ne sont pas prises à temps. Résultat : quand le danger devient réel, il est trop tard pour intervenir. Les capacités de renouvellement des ressources naturelles ne sont plus seulement dépassées : elles s’érodent. »
ET TOUT A COMMENCÉ PAR…
Si un effondrement devait se produire, quel serait le facteur déclenchant ? Le dérèglement climatique, le pic pétrolier ou encore un krach financier sont de bons candidats…
À lui seul, le dérèglement climatique peut conduire à l’effondrement. Des migrations, des tensions, voire des guerres pour l’accès aux ressources vitales sont à craindre, ainsi que l’extension des groupes terroristes qui tirent profit de la fragilisation des plus démunis. Le Conseil de sécurité des Nations unies s’est d’ailleurs réuni le 11 juillet dernier pour discuter de la menace que le climat constitue pour la sécurité et la paix dans le monde. D’autres conséquences de l’accaparement généralisé des ressources et des milieux naturels par l’homme pourraient également entraîner le même type de scénario. À commencer par le déclin massif de la biodiversité.
LES PHYSICIENS TOMBENT DE LEUR CHAISE
En toute logique, l’absence de débat de fond contribue en effet à ce que rien ne bouge. Pour Jean-Marc Jancovici, fondateur du cabinet de conseil Carbone 4 et auteur d’un site de référence sur les questions d’énergie et de climat, « l’asymétrie de moyens entre compter ce que Jean-Baptiste Say a dit de compter et compter le monde physique dont on dépend est absolument massive³ ». Gaël Giraud, chef économiste à l’Agence française de développement (AFD), fait le même constat : le discours des économistes « fait tomber de leur chaise les physiciens, pose-t-il dans une interview sur Présages, un site de podcast spécialisé sur l’effondrement. Et l’une des raisons pour lesquelles nous arrivons à raconter autant de bêtises, nous les économistes, c’est que nous avons des modèles qui n’ont pas grand-chose à voir avec le monde réel, dans lesquels il n’y a pas d’énergie, pas de matière, il n’y a que des dollars, ou des unités monétaires, qui permettent de mesurer à la fois du capital et du travail ».
Etc, etc ...
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