un nouveau complot :
https://www.mediapart.fr/journal/econom ... du-pouvoir
La« La décroissance, voilà l’ennemie ! » Tel est désormais le mot d’ordre de tout ce que la France et l’Europe comptent de dirigeantes et dirigeants politiques, économiques et médiatiques. Face à la crise écologique, sociale et géopolitique qui secoue la planète, la priorité serait désormais de sauver la croissance du PIB, qui, soudain, devient synonyme de bien-être, de développement et même d’humanité.
Ainsi, le premier ministre belge, Alexander de Croo, libéral flamand allié au niveau européen à Emmanuel Macron, a, lundi 22 mars, devant des patrons allemands, fustigé la décroissance comme « complètement contraire à la nature humaine ». Une « nature humaine » que l’Open-VLD, le parti libéral flamand, semble donc mieux connaître que deux millénaires et demi de philosophes qui hésitent encore sur sa définition.
Mercredi 24 mai, un des blogueurs économiques les plus influents aux États-Unis, Noah Smith, publiait un texte sur le danger de la décroissance titré : « nous ne pouvons pas laisser la décroissance advenir ». Et pointait l'influence néfaste selon lui du mouvement décroissant en Europe.
Deux jours plus tôt, à Paris, l’économiste proche du pouvoir Jean Pisani-Ferry présentait à la première ministre, Élisabeth Borne, un rapport de France Stratégie qu’il a coordonné sur les « incidences économiques de la transition écologique ». Rapport qui a toutes les chances de disparaître du débat public aussi vite qu’il est apparu, puisque le gouvernement a déjà fermé la porte à la plupart des propositions du rapport, notamment à la taxe sur le patrimoine.
Illustration 1
Jean Pisani-Ferry en 2020. © Photo Bruno Levy / Challenges / REA
Mais l’intérêt de ce texte est peut-être ailleurs : là encore, toute l’introduction du rapport vise à écarter l’option de la décroissance, qui « supposerait d’annuler la majeure partie des gains de revenus réels des derniers siècles ». L’argument est bien connu et a d’ailleurs été synthétisé dans une formule devenue célèbre d’Emmanuel Macron : la décroissance serait une logique « amish », du nom de cette secte protestante états-unienne essayant de vivre comme au XVIIe siècle.
Jean Pisani-Ferry conclut que « ce n’est pas par la décroissance que l’on atteindra la neutralité climatique ». Tout le monde est donc soulagé. À commencer par Dominique Seux, éditorialiste de France Inter et des Échos, qui, dans sa chronique du mardi 23 mai, pouvait proclamer que « croissance et décarbonation sont compatibles » et que « ce sont clairement les plus pauvres qui [...] seraient les victimes » de la décroissance. Autrement dit, fermez le ban, la décroissance est une lubie ; place aux savantes modélisations des macro-économistes pour nous expliquer comment la croissance va nous sauver.""""""""""""""""""""""""
L'Homme succombera tué par l'excès de ce qu'il appelle la civilisation. ( Jean Henri Fabre / Souvenirs Entomologiques)