Faudra t-il en passer par le 49A (devenu l'article 50) ?

Comment anticiper au mieux le choc à venir (organisation de la société, questions politiques, conseils financiers, etc).

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AJH
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Faudra t-il en passer par le 49A (devenu l'article 50) ?

Message par AJH » 19 mars 2010, 12:54

Edit le 20 mars. En fait l'article 49A est devenu l'article 50 dans la version consolidée du TRAITÉ SUR L'UNION EUROPÉENNE .
Les deux seules différences tiennent au fait que l'article 188N est devenu l'article 218 et que l'article 205 est devenu l'article 238


Bonjour
Je viens d'ouvrir un groupe facebook " Faudra t-il en passer par le 49A ? "


Qu'est ce que le 49A (Article 50 du Traité de Lisbonne)?
1. Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union.

2. L’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union. Cet accord est négocié conformément à l’article 188N , paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il est conclu au nom de l’Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen.

3. Les traités cessent d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai.

4. Aux fins des paragraphes 2 et 3, le membre du Conseil européen et du Conseil représentant l’État membre qui se retire ne participe ni aux délibérations ni aux décisions du Conseil européen et du Conseil qui le concernent.

La majorité qualifiée se définit conformément à l’article 205 , paragraphe 3, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

5. Si l’État qui s’est retiré de l’Union demande à adhérer à nouveau, sa demande est soumise à la procédure visée à l’article 49 .
(Le premier qui trouve l'article 188 N aura droit à toute ma reconnaissance)


Pourquoi cette suggestion sous forme de question "Faudra t-il en passer par le 49A ?" ?

L'État, c'est-à-dire nous tous, doit payer un intérêt sur la dette publique qui ne fait que croître . 40% du montant de ces intérêts sont versés aux résidents (des français), 60% à des non-résidents (à qui, en fait, nous faisons donc quasiment cadeau de deux Airbus A320 tous les jours !).
Au fil des années, cet argent distribué aux plus riches plombe les finances publiques et il faut couvrir par l'emprunt le déficit toujours justement proche du montant des intérêts.

Et au total, c'est plus de 1300 milliards d'euros d'intérêts que nous avons payé entre 1980 et 2008!

Si nous n'avions pas eu d'intérêts à payer, la dette initiale de 239 milliards d'euros à fin 1979 aurait totalement disparue entre 2005 et 2007 (l'année 2008 correspondant à un endettement anachronique comme le seront également 2009 et 2010 et sans doute 2011). Tout au long de ces années, les soldes auraient été positifs pour un total de 217,8 milliards d'euros qui auraient pu être utilement utilisé pour le bien être collectif de la population. »

Nous payons donc, chaque jour, 150 millions d’euros d’intérêts … 1 milliard par semaine, sans rembourser évidemment aucun centime du « capital » !

Comment se sortir de la spirale de la dette

Le document Natixis N° 24 du 25 janvier 2010 (http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=51403), signé Patrick Artus, fait le point sur cette question et estime qu’il n’y a que 4 possibilités :

(1) soit les épargnants acceptent de détenir une dette publique croissant rapidement, sans demander en conséquence des taux d’intérêt de plus en plus élevés (C’est bien ce qui s’est produit au Japon depuis 20 ans)

(2) soit le taux d’endettement public est réduit par l’inflation ; C’est ce qui s’était produit dans les années 1970, après le premier choc pétrolier

(3) soit les États passent à des politiques budgétaires plus restrictives ;
C’est l’option choisie par beaucoup de pays au début des années 1990, par exemple Suède, Finlande, Italie
On sait aussi que ces programmes de consolidation budgétaire ont un coût en emploi et en croissance plus faible s’ils sont basés sur la baisse des dépenses publiques et non sur la hausse des impôts.
Pour qu’une politique budgétaire plus restrictive puisse être mise en place, il faut évidemment qu’elle soit acceptée politiquement et socialement.

(4) soit il y a défauts sur une partie de la dette publique.

Nous estimons qu’il y a une 5° possibilité qui serait une sortie « douce » pour les pays endettés de la zone euro.

Cette solution ne nécessiterait quasiment que l’adjonction d’un 3° paragraphe à l’article 123 du Traité de Lisbonne et une très légère modification des Statuts de la BCE

Actuellement :
Article 123
1. Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées "banques centrales nationales", d'accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres ; l'acquisition directe, auprès d'eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite.
2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux établissements publics de crédit qui, dans le cadre de la mise à disposition de liquidités par les banques centrales, bénéficient, de la part des banques centrales nationales et de la Banque centrale européenne, du même traitement que les établissements privés de crédit.

La proposition d’adjonction pourrait être sensiblement celle ci :

123/3 – Dans le but de soutenir l’économie des pays membre, et par exception au paragraphe 1, un seul établissement de crédit sous contrôle de l’État et nommément désigné pour chaque État peut obtenir de la part de la Banque Centrale Européenne les fonds correspondants aux obligations d'État déposées en contrepartie, pour une utilisation exclusive d'investissements reconnus d'utilité publique ou collective, dans des domaines d'application dont la liste aura été préalablement définie et votée par le parlement de chaque État. Le taux d'intérêt appliqué à cette émission monétaire sera celui dit "de refinancement" appliqué aux établissements de crédit privés.

Évidemment, ce faible intérêt payé par un pays reviendrait dans un "pot commun" dans les comptes de la BCE (zone euro) et serait repartagé au prorata des parts de chaque État de la zone euro: un État qui emprunterait proportionnellement plus que les autres en rapport de sa participation dans la BCE serait donc redevable d'une partie des intérêts qu’il ne récupérerait pas mais qui deviendrait donc un bénéfice supplémentaire pour les autres pays.

Comme l’écrit Jacques Sapir : « pourquoi la Banque Centrale Européenne prête-t-elle à 1% aux banques alors que le gouvernement doit emprunter à 3,50% ? »

Toute la question est de savoir qui va contrôler et donc interpréter "la liste préalablement définie" pour obtenir le refinancement de la banque centrale : est ce que c'est la Banque centrale elle-même ? c'est la solution alors monétariste qui l'emporte puisqu'elle a toujours comme mission principale de lutter contre l'inflation, et qu'à ce titre elle pourrait toujours refuser de tels financements en adoptant par exemple une vision très restrictive des critères d'éligibilité.

Ou bien, autre solution, la Banque centrale sera tenue d'obtempérer, mais elle perd alors le contrôle de la politique monétaire.

Réflexions complémentaires:

- J’ai du mal à croire que l’obligation de payer des intérêts limite le gouvernement dans ses choix budgétaires de dépenses. Nous voyons bien qu’actuellement il n’en est rien et que même le montant brut de la dette (qui paraît faramineux mais je pense qu’il faut être naïf pour penser qu’elle puisse être « naturellement » remboursée) n’a aucun effet sur les décisions de dépenses, si ce n’est peut être au détriment des moins favorisés.

- Si nous étions dans un monde « raisonnable » (et sans Traités européens) je suggèrerais que la Banque de France puisse financer (par monétisation d’obligations sans intérêt) tous les besoins raisonnables d’investissements collectifs (je reste conscient du débat nécessaire concernant cette délimitation) , mais que le montant des amortissements comptables annuels des biens financés par ce circuit soit remboursé par prélèvement sur les recettes fiscales à la banque de France, et donc déduit de la dette. Ce serait peut être un des freins opposable aux monétaristes. Et dans tous les cas, à charge pour les recettes fiscales de financer le fonctionnement.

Comme nous l’avons écrit par ailleurs, si une collectivité a:

1 – un besoin,
2 – la volonté de le satisfaire,
3 – les moyens techniques et énergétiques,
4 – un excès de main d’œuvre et le savoir-faire,

… l’impossibilité souvent alléguée du manque de financement est une mauvaise excuse car une vraie richesse équilibrera « le bilan » d’une création monétaire éventuellement nécessaire pour la réaliser. Il faut évidemment par la suite « détruire » cette monnaie. L’impôt y pourvoira.

Quelles « menaces » possibles vis-à-vis des partenaires de l’U.E.

- Commencer par la « désobéissance européenne» sur les points que nous sommes obligés d'appliquer alors qu'ils nous affaiblissent (monnaie, dette, commerce extérieur, TVA, etc), sans demander l'avis des autres pays de l'U.E..

- Poursuivre par la menace de quitter la zone euro par application de l’article 49A de Lisbonne

- Le faire si nécessaire.

Quel parti politique soutiendra ce programme ?

?
Dernière modification par AJH le 20 mars 2010, 14:09, modifié 3 fois.
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Re: Faudra t-il en passer par le 49A ?

Message par Jaguar75 » 19 mars 2010, 18:36

A part LO, le NPA et le Front de Gauche d'un côté, DLR, le MPF et le FN de l'autre, je ne vois pas qui soutiendrait un tel programme.

Le partis "de gouvernement" de droite, centre et gauche ont approuvé les étapes successives de l'intégration (essentiellement économique) européenne.

Et pour un gouvernement, Bruxelles reste un bouc émissaire commode pour justifier des politiques impopulaires; s'il n'y a plus Bruxelles, vers qui détourner l'ire des électeurs? Dieu? Ca risque de moins bien marcher!
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Re: Faudra t-il en passer par le 49A ?

Message par Spiritatus » 19 mars 2010, 21:37

AJH a écrit :(Le premier qui trouve l'article 188 N aura droit à toute ma reconnaissance)
voulant me perdre dans les méandres bruxelliens et obtenir toute ta reconnaissance ai creusé un brin la question, puis me suis rendu compte qu'à la profondeur qu'il a fallu creuser pour trouver qqch normalement j'aurais du voir jaillir du pétrole

Le traité dé Lisbonne déjà c'est pas un texte en soit mais une série de modification apportée à plusieurs anciens traités.
Donc quand tu parles de 49a, tu parles en fait de la modification que le traité de Lisbonne à apportée à l'article 49a du "traité sur l'union européenne" .

Après depuis que Lisbonne à été signé, la numérotation des articles du "traité sur l'union européenne" a été modifée
En l'occurrence, l'article 49a devient l'article 50 du TRAITÉ SUR L'UNION EUROPÉENNE

Du coup me semble que tu peux renommer ton groupe facebook car l'article 49a n'est plus d'actualité ;)

Et cet article 50 te dis pas d'aller voir le 188N, mais plutôt d'aller jeter un coup d'oeil vers l'article 218, paragraphe 3 du TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE

Au passage l'ensemble des lois européenne ca se trouve par là http://eur-lex.europa.eu

Zut alors, n'ai pas trouvé ce fameux 188N n'aurais pas le droit à la reconnaissance d'AJH

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Re: Faudra t-il en passer par le 49A ?

Message par AJH » 20 mars 2010, 07:47

Spiritatus

Tu as vraiment le droit à toute ma reconnaissance.

Ce labyrinthe est très représentatif des institutions de l'U.E. elles même : comment ce schmilblick * peut-il survivre?
Le Schmilblick est un objet imaginaire créé par Pierre Dac dans les années 1950.

Selon Pierre Dac, son concepteur, cet objet ne sert absolument à rien et peut donc servir à tout car il est rigoureusement intégral.

Voici sa description :

« Le Schmilblick des frères Fauderche est, il convient de le souligner, rigoureusement intégral, c'est-à-dire qu'il peut à la fois servir de Schmilblick d'intérieur, grâce à la taille réduite de ses gorgomoches, et de Schmilblick de campagne grâce à sa mostoblase et à ses deux glotosifres qui lui permettent ainsi d'urnapouiller les istioplocks même par les plus basses températures. »
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Re: Faudra t-il en passer par le 49A (devenu l'article 50) ?

Message par AJH » 20 mars 2010, 14:10

En fait l'article 49A est devenu l'article 50 dans la version consolidée du TRAITÉ SUR L'UNION EUROPÉENNE.

Les deux seules différences tiennent au fait que l'article 188N est devenu l'article 218 et que l'article 205 est devenu l'article 238
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Re: Faudra t-il en passer par le 49A (devenu l'article 50) ?

Message par AJH » 26 mars 2010, 09:54

Un article d'un juriste (Cédric Mas) sur le blog de Jorion
Sortir de l’Europe? Pistes de réflexion et de solutions juridiques, par Cédric Mas

Un Etat membre peut-il sortir unilatéralement de l’Union Européenne ? Peut-il remettre en cause l’adoption de l’Euro ?

Ces questions prennent une place de plus en plus importante dans l’actualité du fait de la crise financière et économique qui frappe le monde, et plus particulièrement l’Europe. Et par une curieuse coïncidence, c’est dans les dernières phases de l’intégration européenne qu’a été pour la première fois mis en place un mécanisme juridique de retrait du Traité de l’Union Européenne (TUE), à savoir le dispositif de l’article 50, que nous appellerons « exit clause ».

En effet, avant l’adoption du Traité de Lisbonne (mais la clause était déjà présente dans le projet de traité constitutionnel refusé), les traités instaurant et organisant l’Union Européenne ne comportait pas de possibilité, ni de procédure permettant à un Etat membre de se retirer unilatéralement. Je vous propose d’aborder ici cette procédure, avant d’essayer d’étudier d’autres mécanismes qui permettraient à un Etat membre de revenir sur ses engagements au sein de l’Union Européenne.

1)« L’exit clause »

Il s’agit de la procédure prévue par l’article 50 du TUE (ancien article 49A). Dans cet article, il est précisé que tout Etat membre peut, à tout moment, et conformément à ses règles constitutionnelles, décider unilatéralement de se retirer. Une fois cette décision notifiée au Conseil Européen, une procédure lourde est mise en place, qui prévoit l’engagement de négociations (article 188N) impliquant le Conseil Européen, la commission et le Parlement, et même la Cour de Justice des communautés européennes (CJCE) si elle est saisie par un autre Etat membre.

A la suite de ces négociations, soit un accord est conclu organisant les modalités du retrait, soit ce retrait est effectif deux ans après la notification de la décision de retrait. Ce texte n’est juridiquement pas satisfaisant à plus d’un titre. Notamment on relèvera qu’il ne vise que le retrait intégral et définitif de l’Union Européenne, et ne concerne donc pas le retrait de l’Eurozone. De même, il ne saurait régler la question du retrait d’une province ou d’une région d’un Etat membre (c’est déjà arrivé pourtant avec le Groenland en 1984). Mais surtout, sous couvert d’instaurer un droit garantissant la souveraineté des Etats membres au sein de l’Union, les rédacteurs ont de fait habilement permis d’instaurer un mécanisme lourd et long, et dont la simple existence permet d’écarter la mise en œuvre des mécanismes de retrait des traités internationaux prévus dans le droit international public classique, et particulièrement dans la Convention de Vienne, qui prévoyait un droit plus simple à exercer et surtout soumis à un délai d’un an.

Concrètement, l’Etat qui souhaiterait exercer son droit de retrait devrait d’abord prendre sa décision conformément à ses règles constitutionnelles internes (pour la France, ceci supposerait donc une révision de la Constitution, soit la procédure de décision politique la plus lourde qui soit !). Cette condition n’a rien d’anodin, puisqu’elle suppose que les règles du jeu démocratique puissent se dérouler normalement (donc hors de toute situation exceptionnelle, de troubles politiques ou sociaux rendant impossible l’organisation d’élections par exemple). L’enjeu du facteur temps est important, car il convient de relever que les effets néfastes d’une décision de retrait du TUE sur les économies et les sociétés concernées se feraient rapidement sentir, aggravant les risques spéculatifs notamment. C’est ainsi que le pays souhaitant quitter ou suspendre ses engagements européens dans un contexte difficile se retrouverait confronté à une dégradation de sa situation, sans pouvoir y faire face, puisqu’il serait encore lié par l’obligations contraignante de respecter les règles communautaires. Or, entre l’annonce de la décision et sa notification au Conseil, il va s’écouler un délai non négligeable, auquel il va falloir ajouter le délai de deux ans prévu dans « l’exit clause ». En outre, il est possible que la décision prise par un Etat membre de se retirer engendre un effet d’entraînement et que d’autres prennent la même décision.

Le fonctionnement normal des Institutions pourrait rapidement s’en trouver affecté, remettant en cause la possibilité même de suivre la procédure prévue à l’article 50, et augmentant le risque de conflits d’intérêts entre les Etats membres. Bref, vous aurez compris que la mise en œuvre de « l’exit clause » dans un contexte de dégradation économique et sociale importante est très difficile, puisque les mécanismes juridiques ont été conçus de telle manière que l’Etat qui aurait le malheur d’annoncer son retrait se retrouverait livré aux pires conséquences d’une décision pas encore applicable, sans avoir les moyens d’y remédier. Serions-nous donc enfermés dans une « prison européenne », dans un engagement irrévocable et perpétuel ? Malgré la position d’une certaine doctrine, manifestement influencée par le courant libéral dominant, il n’en est rien.

2) Les autres options pour sortir de l’Union

Bien qu’ils soient très instructifs sur l’ampleur de l’aveuglement idéologique qui prédomine parmi les juristes qui conseillent les institutions européennes et gouvernementales, je vous épargnerais les débats sur le fait de savoir si le droit international public (et la Convention de Vienne) ont vocation à s’appliquer à l’intérieur de l’Union européenne. Relevons seulement que la CJCE elle-même fait application des principes de la Convention de Vienne. Et c’est tant mieux, car cette Convention codifie les pratiques normales régissant les relations internationales et se révèle particulièrement respectueuse du principe de souveraineté des Etats (principe intangible et absolu si l’on s’en tient aux travaux préparatoires de la Charte de l’ONU).

Nous avons vu que la possibilité normale de retrait d’un traité, prévue dans cette convention (article 56) n’est pas applicable puisqu’il existe une « exit clause » dans le TUE. Perdu alors ? Non car dans sa grande sagesse, ou plutôt conscient que le droit international devait s’adapter aux réalités diplomatiques, la Convention de Vienne a instauré d’autres possibilités de se retirer, de dénoncer ou de suspendre l’application d’un traité. On comprend mieux pourquoi tant de juristes veulent la voir écartée en ce qui concerne les relations intra-communautaires.

Sous réserves du cas de certains traités (par exemple les traités délimitant des frontières…), le droit international public a clairement affirmé que le principe « pacta sunt servanda » (« les conventions doivent être respectées »), n’avait ni pour objet, ni pour effet de limiter la souveraineté des Etats, surtout lorsque le Traité en question instaurait une Organisation Internationale, ce qui est le cas pour l’Union Européenne. Il en sera de même, le droit étant réaliste, pour tout traité constituant une atteinte, même limitée, à la souveraineté des Etats. De fait, aucune Etat ne peut définitivement se séparer d’une partie de ses compétences régaliennes!

C’est ainsi que la convention de Vienne a prévu de multiples autres fondements permettant à un Etat ayant signé un Traité, de s’en libérer unilatéralement, de manière temporaire (suspension) ou définitive (dénonciation). Il s’agit notamment des situations de violation du Traité (article 60), d’exécution impossible (article 61), de changement fondamental de circonstances (article 62), ou de rupture des relations diplomatiques (article 63). Et parmi ces hypothèses, l’œil aguerri des lecteurs de ce blog aura immédiatement relevé la survenance d’un changement fondamental de circonstances (que nous appellerons de son petit nom de CFC – non rien à voir avec un poulet grillé, même si l’existence de CFC veut parfois dire que cela sent le brûlé).

Qu’est-ce qu’un CFC me direz-vous ?

C’est en fait la reprise d’un vieux principe de droit international public, « rebus sic standibus » (« les choses demeurent en l’état »), qui signifie qu’un traité est signé dans un cadre donné, et que si ce cadre change fondamentalement pour une des parties, elle ne saurait être contrainte à continuer à l’appliquer. La notion de CFC est donc une notion intimement liée à la question de la Souveraineté d’un Etat, qui n’est donc pas si obsolète et dépassée que cela. Il s’agit de permettre à un Etat de se libérer d’un traité, lorsque son existence, ou ses intérêts vitaux sont en cause. Il existe donc un « droit de conservation » de l’Etat qui prime sur tout engagement international. Un peu comme l’état de nécessité pour les personnes physiques.

Le CFC lui-même doit consister en une circonstance imprévisible lors de la conclusion du traité, qui ne touche pas un élément essentiel au consentement des parties au traité, et qui transforme radicalement la portée des obligations à exécuter en application du traité. En pratique, cette notion a été fréquemment utilisée. Citons par exemple la dénonciation en 1966 par la France de certains accords militaires sur l’OTAN, la suspension par la France en 1928 de l’accord conclu avec les USA le 29/04/1926 sur les dettes de guerre, la note soviétique du 27/11/1958 sur la caducité des accords interalliés sur le statut de Berlin, la remise en cause par l’Algérie en 1964 des accords d’Evian, la suspension en 2007 par la Russie du Traité FCE et des accords associés, dit Traité de Paris du 19/11/1990… Je vous épargne bien entendu l’annexion en 1908 de la Bosnie Herzegovine par l’Autriche-Hongrie (qui nous a valu 6 ans après quelques millions de morts), ou la dénonciation en 1919 des accords sino-japonais du 24/05/1915 sur la Province de Chantoung : nous sommes entre gens de bonne compagnie, civilisés et respectueux des lois et de la parole donnée…

Certes, la notion de CFC est assez mal vue par les juridictions internationales, lorsque son recours a donné lieu à un contentieux¹. Ce rejet systématique n’a connu qu’une exception, notable et particulièrement intéressante puisqu’elle concerne la Cour de Justice des Communautés Européennes². La notion de CFC est suffisamment large pour que rien ne puisse l’exclure dans un contexte de crise économique, sociale et financière majeure. Rien n’interdit donc à un pays confronté à une situation économique et sociale exceptionnellement dégradée, d’invoquer un CFC pour se retirer du TUE, ou à tout le moins de l’Union monétaire européenne (c’est-à-dire de l’Euro).

L’avantage est que cette décision n’est alors soumise qu’à une procédure légère (c’est la Convention de Vienne – art. 65 – et non Bruxelles, rappelez-vous), et surtout à un délai plus court : 3 mois, sauf urgence où ce délai peut encore être raccourci. D’ailleurs, la dénonciation partielle est tout aussi juridiquement envisageable, n’en déplaise à certains, puisque là encore prévue à l’article 44.3 de la Convention de Vienne. Mais je vous propose d’étudier la remise en cause de l’Euro, sans remise en cause de l’adhésion à l’Union européenne dans une seconde partie.

¹ Voir CIJ 25 septembre 1997 Cabcikovo c/ Nagyanioros, sur la dénonciation le 19/05/1992 par la Hongrie du Traité avec la République Tchèque de 1977 – voir aussi CPJI, affaire des Pêcheries, Islande c/ UK (tiens, tiens !) du 02/02/1973 ;
² CJCE aff. Racke du 16/06/1998 sur la suspension d’un accord de coopération CEE / Yougoslavie suite à la guerre, aff. C-162/96 – le cas est atypique mais il n’en constitue pas moins un précédent difficile à remettre en cause ;
Un ajout concernant la sortie de l'euros (sans sortir de l'UE)
Sortir de l’Euro ? Petite suite juridique, par Cédric Mas

Cet article est la suite d’un précédent intitulé « SORTIR DE L’EURO ? Pistes de réflexion et de solutions juridiques »

La question est simple : un Etat a-t-il le droit de renoncer unilatéralement à l’Euro ?

Si l’on en croit les juristes et experts européens, aucune sortie de l’Euro n’est possible. Il faut dire que « l’exit clause » créée par le Traité de Lisbonne (TUE) ne vise que la sortie de l’Union européenne. Ils en tirent argument pour considérer qu’une dénonciation partielle du TUE est juridiquement impossible.Or, au contraire, l’absence de mention d’une telle dénonciation partielle dans le TUE, permet de revenir au droit international public classique, et particulièrement à la Convention de Vienne.

Pour fonder leur refus d’une telle remise en cause partielle (essentiellement dirigée contre l’Euro), ils invoquent également les dispositions des différents traités européens. Pourtant, ces textes précisent seulement qu’à une date et selon des procédures spécifiques, il sera arrêté une « fixation irrévocable des taux de change », entre la monnaie unique (à l’époque l’écu) et les monnaies nationales. Il faut une sacré dose d’imagination pour transformer la fixation irrévocable de la valeur de la monnaie unique (c’est important, nous y reviendrons), en adoption irrévocable de cette monnaie unique par les pays concernés.

Conscients de la faiblesse de cet argument, ils appuient enfin leur thèse sur le fait que les dispositions du TUE rendent à terme obligatoire l’adhésion à l’Euro, l’adoption de cette monnaie étant indissociable de la volonté d’adhérer à l’Union européenne, et ce pour tous les États membres, c’est-à-dire y compris le Royaume-Uni… Or, relevons que la réalité des dérogations négociées par certains États membres est une évidente démonstration du contraire, mais surtout l’Euro (et plus généralement les engagements liés à l’Union monétaire) paraît aisément divisible des autres engagements du TUE.

Il est donc juridiquement possible qu’un État membre du TUE se retire de l’Eurozone SANS dénoncer la totalité du TUE.

Le fondement juridique est l’article 44.3 de la Convention de Vienne, qui précise qu’un traité peut être remis en cause partiellement (par dénonciation, suspension ou retrait) :
- si les parties l’ont convenu (ce n’est pas le cas dans le TUE) ;
- si un État signataire peut invoquer une des causes de remise en cause unilatérale (voir précédent billet), à l’égard d’une partie seulement d’un traité qui doit obéir à trois conditions cumulatives.

Ces trois conditions sont importantes et sont les suivantes :
- ne pas altérer la fonctionnalité du traité,
- ne pas porter sur des dispositions essentielles sans le consentement des autres parties
- ne pas aboutir à une situation injuste du fait de l’exécution du reste du traité non-dénoncé.

A ce stade, les lecteurs auront compris qu’il est difficile de contester que certains éléments du TUE, comme l’adhésion à l’Euro, sont parfaitement « divisibles ». De même, il est impossible de soutenir que l’adhésion d’un Etat membre à l’Euro a constitué un élément déterminant pour l’adoption par un autre Etat membre de cette monnaie unique.

Alors que faire : suspendre ou dénoncer l’Euro ?

La question de la suspension peut sembler intéressante en ce qu’elle offrirait un argument politique de poids : nous ne faisons que reprendre temporairement notre souveraineté monétaire. On tente de rassurer les populations et les marchés, voire nos partenaires…

Pourtant, l’idée d’une simple suspension de l’application de la partie du TUE relative à l’Union monétaire se révèle en pratique une fausse bonne idée. En effet, la remise en cause partielle et temporaire d’un traité, décidée unilatéralement par un Etat, est un procédé classique en droit international pour certains types de traités internationaux, et constituent ce que d’éminents auteurs ont appelé un « succédané vertueux à la dénonciation ». Un délai bref entre la décision et son entrée en vigueur paraît plausible, du fait de son caractère temporaire. C’est un avantage certain permettant d’espérer prendre de court les spéculateurs!

Toutefois, cette suspension doit être mise en œuvre de telle manière qu’elle permette une ré-application utile et rapide de l’Euro ou de toute autre disposition séparable du Traité. On pourrait imaginer un Etat membre entraîné dans un conflit militaire avec un Etat tiers, qui suspendrait alors une partie de ses engagements au titre du TUE (déréglementation économique et sociale, libre circulation des biens et des personnes, engagements budgétaires et financiers liés à l’Eurozone etc…), le temps de « régler » son différend solitairement. Au vu de la solidarité actuelle montrée par les Etats européens entre eux, cette hypothèse n’a rien d’invraisemblable… Cette suspension immédiate pourrait aussi résulter de la décision unilatérale d’un Etat d’émettre à nouveau une monnaie, qui aurait cours légal en même temps que l’Euro sur son territoire, et dans laquelle seraient instantanément converties la dette publique et les transactions privées.

En outre, la question de la fin de la suspension (c’est-à-dire du retour dans l’Eurozone) va poser un problème, puisqu’en théorie, l’Etat membre ne sera pas soumis à la procédure d’adoption de l’Euro prévue par les textes, et surtout, le taux de change de l’Euro ayant été irrévocablement défini (si si, rappelez-vous), il risque de se révéler obsolète vis-à-vis de la nouvelle monnaie et des évolutions économiques respectives de la zone Euro et du pays… En pratique, si une sortie temporaire de l’Euro peut être unilatérale, un retour devra être négocié, ce qui revient à rapprocher la suspension de la dénonciation partielle…

Il semble donc préférable d’opter pour une dénonciation partielle, qui a l’avantage de la clarté, dès lors que l’Etat est en mesure de pouvoir invoquer un Changement Fondamental de Circonstances (cf. billet précédent). Restent à organiser la restitution par la BCE des avoirs de l’Etat membre, et la question matérielle de l’émission de la monnaie (quelle monnaie, quel cours…). Eu égard à la pression spéculative importante qui risque de se déclencher contre l’Etat « sortant » et contre l’Eurozone, la gestion du « timing » est essentielle pour le succès d’une telle décision…

Terminons ce propos en relevant qu’une décision unilatérale de réinstaurer une monnaie nationale et une Banque centrale indépendante de la BCE, aurait des conséquences politiques, économiques et sociales extraordinaires et difficilement prévisibles. Certains commencent à les envisager mais le plus important reste à inventer¹, dans ces matières qui échappent totalement au domaine juridique.

¹ Voir par exemple l’article de Bernard Connolly, du 7 avril 2009 « Germany and the EMU Ponzi Game », notamment le paragraphe 7 « Withdrawing from the Euro » – ou encore l’article de Jean-Luc Gréau « Peut-on sortir de l’Euro? »
La convention de Vienne :
http://untreaty.un.org/ilc/texts/instru ... ancais.pdf
Vous voulez les misérables secourus, moi je veux la misère supprimée ( Victor Hugo )
Sociétal et Dette et monnaie
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