Agrocarburants

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pierre
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[Agrocarburants] Quelques (gros) inconvénients.

Message par pierre » 12 juin 2005, 16:13

bonjour a tous...info pris sur l actualite de wanadoo....

Dimanche 12 Juin 2005

Les céréaliers français parient sur les biocarburants

Les céréaliers français parient sur le développement des biocarburants, en plus des besoins de l'alimentation, un thème qui sera au centre de leur 81e congrès prévu mercredi et jeudi à Lille.

"Des prix mondiaux qui se maintiennent au-dessus de 130 dollars la tonne de blé sont la preuve que la demande en céréales est forte et que le monde a besoin de la production européenne", écrit l'Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB) dans le texte d'orientation de son congrès.

La production de l'Europe des 25 représente près de 1/5e de la production de blé mondiale et 14% de la production de céréales fourragères, selon les céréaliers.

Actuellement, ces pays absordent à eux seuls la plus grande part de leur production, soit 235 millions de tonnes (63% pour l'alimentation animale, 24% pour l'alimentation humaine et 13% pour l'agro-industrie), et en exportent 30 millions de tonnes.

L'AGPB prévoit un accroissement des "besoins alimentaires" en Afrique, au Moyen-Orient, en Extrême-Orient et en Amérique du Sud, mais aussi une plus forte "demande en énergies nouvelles".

L'annonce lundi de la construction en France de six nouvelles usines de biocarburants (trois dans le secteur du biodiesel, trois dans le secteur de l'éthanol) a satisfait les céréaliers, qui se désespèrent de voir des champs en jachère, à l'heure de la baisse des subventions européennes.

"Compte tenu de l'évolution du prix des produits fossiles, l'utilisation de céréales à des fins énergétiques se conçoit maintenant beaucoup plus aisément, surtout sous forme de biocarburants", estime l'APGB.

Etant donné qu'un hectare de céréales peut produire l'équivalent de 4,8 tonnes de pétrole, "on peut entrevoir que la France dispose d'un substantiel réservoir d'énergie avec sa céréaliculture".

Au moment où le nouveau gouvernement Villepin place la création d'emplois en tête de ses priorités, la filière céréalière suggère d'explorer plus avant la piste des biocarburants que la France a jusqu'à présent fortement négligée.

En effet, selon l'AGPB, outre "la réduction de la dépendance de la France pour son approvisionnement en pétrole", la production de 1.000 tonnes de biocarburants permettraient de créer "de 2,8 à 5,8 emplois contre 0,02 pour l'équivalent en essence".

Enfin, produire 2% de la consommation nationale d'électricité à partir de grains ou de céréales entières pourrait encore mobiliser 730.000 hectares. Les nouvelles utilisations - autres qu'alimentaires - pourraient donc permettre d'absorder la production de 2,2 millions d'hectares de céréales en 2010, estime l'AGPB.

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Message par Papey » 13 juin 2005, 00:53

Reste à savoir comment sont produites ces céréales, avec des fertilisants nécessitant du pétrole et du gaz naturel, ou bien sans...
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Message par epe » 28 juin 2005, 20:16

Pour produire quatre kWh de bio-éthnanol, il faut un kWh d'énergie non renouvelable pour la fabrication notamment des pesticides, des engrais et des produits chimiques utilisés pour la culture des plantes

Les biocarburants pas complètement verts

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Agrocarburants

Message par alan » 18 août 2005, 16:07

un communiqué d'aujourd'hui du ministère de l'agriculture :
Le développement des bioénergies, une réponse à la hausse du prix du pétrole
Paris, le 18.08.2005

http://www.agriculture.gouv.fr/spip/lem ... a5096.html

Dans un contexte de hausse du prix du pétrole, le Premier ministre a rappelé que le développement des biocarburants et de la biomasse constituait un enjeu afin de réduire la dépendance énergétique de la France.
Le Gouvernement a arrêté en 2004 un plan biocarburants dont l'objectif est triple : assurer de nouveaux débouchés pour les produits agricoles, diminuer les émissions de gaz à effet de serre et réduire notre dépendance énergétique.
La mise en œuvre de la première étape (2005-2007) de ce plan permettra de tripler la production de biocarburants d'ici 2007. Les agréments fiscaux notifiés en mai dernier, à hauteur de 480 000 tonnes pour la filière biodiesel et 320 000 tonnes pour la filière éthanol, permettront la construction, à l'horizon 2007, de 6 nouvelles usines.
La deuxième étape (2008-2010) consiste à atteindre en 2010 l'objectif national, et recommandé au niveau européen, de 5,75% d'incorporation de biocarburants dans les carburants.
A cet égard, le Gouvernement a engagé les processus d'agrément supplémentaires, après appel d'offres à l'échelle européenne, pour 700 000 tonnes de biodiesel et 250 000 tonnes d'éthanol.
Cette nouvelle étape correspond à un quadruplement des agréments en 4 ans.
Ce plan répond aux priorités gouvernementales.
En matière environnementale il contribue à lutter contre l'effet de serre. En termes de politique de l'emploi, il favorise le maintient ou la création de plusieurs milliers de postes.
Par ailleurs, le Gouvernement souhaite une politique ambitieuse en faveur du développement de l'utilisation de la biomasse.
A cet égard, il nommera auprès du Ministre de l'agriculture un coordinateur interministériel qui sera chargé d'arbitrer et d'animer les politiques de l'Etat en matière de valorisation de la biomasse et des matières premières renouvelables d'origine agricole et forestière.
La loi d'orientation agricole, qui sera examinée au Parlement en octobre, propose également la mise en place des mécanismes permettant de valoriser la contribution des activités agricoles et forestières à la lutte contre l'effet de serre.
Des dispositions fiscales destinées à favoriser l'utilisation de la biomasse (généralisation du taux de TVA à 5,5% pour les bois à usage énergétique, détaxation des huiles végétales utilisées comme carburants en auto-consommation dans les exploitations agricoles) figurent aussi dans ce projet de loi.
Afin de mener une réflexion plus globale, les acteurs professionnels des filières françaises de la biomasse débattront des conditions de mobilisation de cette ressource dans le cadre de la 14ème conférence européenne sur la biomasse, organisée par l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), avec le soutien du Ministère de l'agriculture, qui se tiendra à Paris en octobre.

La définition des actions à mettre en œuvre pour adapter, à moyen terme, le secteur de l'agriculture et de la pêche à la hausse des cours du pétrole, fera l'objet prochainement d'une concertation étroite avec les organisations professionnelles.

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biocarburants bon marché

Message par kraveunn » 10 sept. 2005, 13:07

Une équipe de l'Institut national des sciences appliquées (Insa) de Toulouse travaille à l'obtention de biocarburants économiques, face au prix élevé du baril de pétrole et au niveau inquiétant des émissions de gaz à effet de serre.

Ces scientifiques sont parvenus à obtenir une productivité en continu de bioéthanol 20 à 30 fois supérieure à celle des usines actuellement en activité, un résultat prometteur alors que le coût de production des biocarburants reste encore supérieur en France à celui de l'essence ou du gazole.

Pour cela, le laboratoire de biotechnologie-bioprocédés de l'Insa a mis au point un bioréacteur à deux étages, dont le second permet l'obtention d'une très grande quantité de micro-organismes grâce à une membrane. Par mètre cube de moût de fermentation, le procédé mis au point permet d'obtenir 40 kg de bioéthanol à 8 degrés d'alcool par heure.

A partir de glucose, l'équipe produit également du bioéthanol à 19 degrés en deux jours, un résultat jugé lui aussi très performant. "Et nous n'avons pas encore atteint les performances limites", rappelle Xavier Cameleyre, ingénieur de recherche à l'Insa.

Le bioéthanol français, issu principalement de la betterave et du blé, ainsi que le biodiesel, extrait des oléagineux et commercialisé sous l'appellation de diester, sont utilisés respectivement comme additifs au carburant pour les moteurs à essence et diesel.

L'exemple brésilien

Le bioéthanol peut être incorporé directement à l'essence jusqu'à hauteur de 10% sans modification du moteur. Les Brésiliens, premiers producteurs à partir de la canne à sucre, au prix actuel de 0,13 dollar le litre, l'utilisent pur pour un parc automobile adapté de 3 millions de véhicules et rêvent d'inonder un marché européen encore verrouillé.

En 2004, 430.000 tonnes de biocarburant ont été produites en France, où il bénéficie d'exonérations partielles de TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers).

En 2003, une directive de l'Union européenne avait fixé comme objectif l'incorporation de 2% de biocarburant aux carburants en 2005, une proportion qui devra passer à 5,75% en 2010. Ceci ferait alors bondir à 371.000 hectares (contre 125.000 en 2005) en France la superficie en "blé et betteraves éthanol" nécessaire.

Et l'enjeu n'est pas qu'économique: chaque tonne de bioéthanol utilisée fait diminuer la quantité de CO2 émis de 2,5 tonnes.

Soutenue par l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) et la région Midi-Pyrénées, l'équipe toulousaine travaille également à partir de paille de blé et de bois. "Notre mission, c'est d'être avant-gardistes, de valoriser d'autres substrats, pour multiplier les sources d'approvisionnement, diminuer les coûts et offrir des débouchés à l'agriculture locale", explique Xavier Cameleyre.

Ce chercheur est plus particulièrement chargé, à travers le Centre régional d'innovation et de transfert de technologies bio-industries, de transférer ces recherches du stade laboratoire au stade pré-industriel, prélude au choix des investisseurs pour 2008-2010.

En mai dernier, en effet, le gouvernement a lancé une nouvelle phase du plan biocarburants pour cette période avec des agréments fiscaux supplémentaires, portant sur 700.000 tonnes dans la filière biodiesel et 250.000 tonnes dans la filière éthanol en 2008, soit trois nouvelles usines par filière.

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Message par Damien » 10 sept. 2005, 16:04

Sauf que ces micro-organismes ils ne produisent pas de l'ethanol à partir de rien. A priori ce sont des bactéries ou des levures (des algues ça nécésiterait de la lumière, don bcp d'espace) et elles ont besoins de matériaux organiques ( a priori du sucre, parce que des feuilles ou des déchets ça risque d'être difficile à filtrer). Ce sucre il faudra le produire... à partir de betterave.
C'est mieux que la distillation - trés couteuse en énergie - mais on échappera pas aux champs de betterave jusque sur les toits des immeubles
Ce qui ne peut pas durer éternellement ne le fait générallement pas

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Message par MadMax » 10 sept. 2005, 16:17

Je recherche une info: sans engrais, quelle chute de rendement obtient-on? Production divisée par 2?

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Message par Eric » 12 sept. 2005, 12:46

Remarquez que ce rendement élevé est atteint grâce à l'emploi de micro-organismes. Ce ne sont peut être pas des algues, mais l'essentiel de ce que j'ai écrit à propos de la production de biocarburant s'y applique : le rendement est beaucoup plus grand qu'avec des organismes plus "avancés" (mettons, avec des graines de tournesol) car :

- Les microbes croissent en continu (pas de problème de cycle annuel ou bi-annuel par exemple).

- Une grande partie de leur masse est récupérable, et pas une part ridicule par rapport à la masse de l'organisme (quelques grammes de graines pour une plante de plusieurs kilos).

Encore une fois, ce n'est pas cela qui permettra de remplacer le pétrole comme nous l'utilisons, mais c'est peut être ce qui nous empêchera de retomber au moyen âge (pour les transports en tout cas).

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Message par Sylvain » 12 sept. 2005, 12:55

MadMax a écrit :Je recherche une info: sans engrais, quelle chute de rendement obtient-on ?
Tu trouveras peut-être des infos sur le site de l'UNIFA (UNion des Industries de la Fertilisation).
Évidemment, leurs informations risquent d'être partisanes ! :-D

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Message par kraveunn » 13 sept. 2005, 19:32

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La production de biocarburants ne doit pas dégrader l'environnement par des pratiques intensives fortement utilisatrices d'engrais et de pesticides, aggravant notamment la pollution des eaux, estiment mardi la Ligue pour la protection des oiseaux et France Nature Environnement (FNE), dans un communiqué.

Peu après l'annonce par le Premier ministre d'une accélération du développement des biocarburants, les deux associations mettent en garde contre "la production d'énergie à base de cultures céréalières intensives", au détriment des jachères, qui constituent de véritables refuges pour la faune sauvage et concourent à préserver les sols et les eaux.

La LPO et FNE réclament un cahier des charges de pratiques culturales respectueuses de l'environnement. Les cultures destinées aux biocarburants doivent être encouragées sur des terres autres que les jachères, ou à défaut ne pas dépasser 25% de la jachère, selon le communiqué. 

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Message par MadMax » 13 sept. 2005, 19:51

Bon, je me lance dans un pronostic... connaissant la (in)capacité des dirigeants de ce pays à anticiper les problèmes et leur totale in(?)dépendance vis-à-vis de tous les lobbys existants (pétrole, auto, BTP, agriculture...), je pense que 100% des terres en jachère seront cultivées. Pas grave, la chute sera plus rude et le constat de leur échec (collectif) d'autant plus grand.

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Message par Dagobert » 13 sept. 2005, 20:53

Il ya une façon bien simple de faire de l'énergie avec les terrains boudés par l'agriculture traditionelle grâce aux taillis de saule à courte rotation qui utilise les sols marécageux et last but not least qui procure une épuration naturelle des eaux de ruissellement;On a pas de pétrole en Belgique mais on a des idées!!!
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Message par Ferdi » 14 sept. 2005, 09:07

J'ai lu il y quelques jours dans le journal l'Echo que la croissance des forêts belges (principalement de l'Ardenne) est de 343 m³ de bois par heure (en moyenne sur l'année). De quoi construire 100.000 maisons en bois par an.

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Message par Perchou » 07 oct. 2005, 21:24

Pour revenir à la première citation de Kraveunn, on ne pourra pas, biologiquement, obtenir des solutions titrant plus de 20° d'alcool (19 c'est déjà beaucoup) car pour les micro-organismes qui transforment les sucres en alcool, ce dernier est un déchet et au delà de 18°-20°, ce déchet devient létal pour ces organismes.

Pour obtenir de l'éthanol exploitable (95°), contrairement à ce qu'écrit Damien, la distillation reste nécessaire.

Mais il n'y a pas que la betterave, la canne à sucre ou le miel (pour les très riches) qui permettent de faire de l'alcool. L'amidon de céréales ou de pomme de terre peut être découpé en sucres simples pour subir ensuite une fermentation alcoolique.
Une autre idée me vient -je ne sais pas si elle est réalisable mais si c'est le cas ça doit séjà être fait- la cellulose qui compose beaucoup de tissus de soutien végétaux (tiges, parois, etc...) est aussi un polymère de sucres simples. Sa simplification est un peu plus compliquée (c'est un comble!) que pour l'amidon mais techniquement ça doit être faisable. Quant au rendement du process... c'est une autre histoire et ça doit pas être mirobolant... :?

Quoiqu'il en soit je reste d'accord sur l'idée que les biocarburants ne peuvent et ne doivent pas être généralisés.

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Message par MadMax » 20 oct. 2005, 22:49

J'hallucine :shock: mais comme ça vient de Courrier international, je fais confiance.
France

VITICULTURE - De l’AOC dans mon moteur

Le vignoble français traverse une grave crise, au point que des millions de litres de vin, parfois de qualité, sont transformés en éthanol. L’exemple d’Olivier Gibelin, viticulteur dans le Gard.


DE VAUVERT (France)
Olivier Gibelin penche son verre rempli de vin d’un rouge profond, en hume l’arôme avant de le porter à ses lèvres. Il est assis à une table installée entre de hautes cuves en béton contenant du jus de raisin en cours de fermentation, au cœur de son établissement vinicole rustique. Dans l’air flotte une lourde odeur de macération. “Voulez-vous goûter ce qui ira dans le réservoir de votre voiture ?” demande-t-il tristement, en remplissant le verre du visiteur. “Mon grand-père doit se retourner dans sa tombe.”
La surproduction de vin dans le monde est telle que, pour la première fois dans l’Histoire, la France distille une partie de ses vins de qualité supérieure pour en faire du carburant. C’est d’autant plus douloureux pour un pays où la fabrication du vin se fait avec amour et où le fruit de ce travail est célébré comme une œuvre d’art. La France a périodiquement transformé des océans de médiocres vins de table en vinaigre et en éthanol. Mais, à travers le pays, les bouteilles de vins fins s’empilent sur les rayons des supermarchés et dans les caves des vignerons, au point que certaines se vendent désormais moins cher que l’eau en bouteille. En début d’année, après que des producteurs sont descendus dans la rue pour protester contre la chute des prix, Paris a demandé à l’Union européenne de l’autoriser à distiller 150 millions de litres de vin d’appellation d’origine contrôlée, les fameuses AOC. D’ici à la fin de l’année, 100 millions de litres, soit l’équivalent de 133 millions de bouteilles, auront été transformés en éthanol.
L’éthanol est vendu à des raffineries de pétrole qui l’emploient comme additif à l’essence, dans le cadre d’une politique européenne visant à accroître l’utilisation d’énergies renouvelables. Dans l’Hexagone, l’essence contient déjà environ 1 % de cet alcool, essentiellement obtenu à partir de betteraves à sucre, que le pays produit en abondance. Comme la France exporte de l’essence raffinée et que les Etats-Unis sont l’un de ses principaux marchés, dans le courant de l’année prochaine certains automobilistes américains pourraient bien faire le plein avec du carburant contenant un soupçon de chardonnay ou de pinot noir. Déjà en 2002, le Beaujolais avait dû transformer en vinaigre près de 10 millions de litres de vin pour faire face à la mévente.
Pour sa part, Olivier Gibelin n’exporte plus aux Etats-Unis que le dixième de ce qu’il y envoyait il y a quelques années encore. La faute de l’euro fort, explique-t-il, et, dans une moindre mesure, du boycott des produits français après que Paris eut refusé de soutenir l’invasion de l’Irak. A la grande période, le Texas était le principal débouché de son exploitation.
En quelques années, la surproduction a entraîné une baisse des prix ruineuse. Une bouteille de modeste côtes-du-rhône, dont le prix de gros se situait aux alentours de 1,20 euro, se vend aujourd’hui 60 centimes. On peut même trouver du saint-émilion à 3 euros la bouteille. A la distillerie locale, située près du vignoble d’Olivier Gibelin, un camion-citerne déverse du champagne dans une cuve au moyen d’un gros tuyau. A l’intérieur du bâtiment, du vin rouge bouillonne et siffle au milieu d’une forêt de colonnes d’acier inoxydable et d’un enchevêtrement de tuyaux crachant de la vapeur. A l’autre bout du dispositif, une citerne recueille l’éthanol transparent, tandis que ce qui reste du vin est séparé en eau et en un concentré couleur d’encre qui servira de colorant alimentaire. La lie, elle, est compressée en boulettes d’engrais.

Le marché est mort et les invendus s’accumulent

D’après Maurice Crouzet, le directeur de la distillerie, des centaines de producteurs de la région ont accepté de transformer leur vin en alcool. Olivier Gibelin en fait partie. Sa famille produit du vin depuis des générations ; ses grand-père et arrière-grand-père faisaient du vin de table dont ils fournissaient l’essentiel à l’armée, avec des raisins issus des vignobles voisins, de moindre qualité. Vers le milieu des années 1970, Gibelin a vendu ces terrains pour en racheter de meilleurs. Il y a planté de nouvelles variétés de vigne pour faire du vin conforme à l’AOC locale, le Costières de Nîmes.
Pour le vigneron, la vie était belle jusqu’à la crise. En ce jour ensoleillé, il sert de minuscules crustacés cuits dans une sauce blanche crémeuse et des bols remplis d’un roboratif et sombre ragoût de bœuf, deux spécialités de la région. Pour accompagner le repas : une bouteille de son vin condamné. Olivier Gibelin s’est résigné à distiller l’équivalent d’environ 100 000 bouteilles, soit la moitié de sa production de 2004, qui se serait vendue pour un peu moins de 10 dollars la bouteille au détail si elle avait été exportée aux Etats-Unis. Une décision déchirante, “mais le marché est mort”, se lamente le viticulteur, ajoutant qu’il a déjà en stock du vin invendu des années précédentes et qu’il a besoin d’argent. Certes, il n’obtiendra qu’environ la moitié de ce que son vin aurait rapporté dans des conditions normales, “mais il n’y a plus de conditions normales”. A l’en croire, les négociants en vin, sachant que les producteurs doivent attendre six mois avant de recevoir les subventions de l’Union européenne pour la distillation, en profitent pour acheter cash aux viticulteurs une partie de leur production à des prix nettement inférieurs aux prix du marché, déprimant ainsi un peu plus ce dernier. Levant son verre, Olivier Gibelin tente de chasser ses idées noires. “Ce n’est pas avec du Coca que vous aurez la convivialité !” lance-t-il.

Craig Smith
The New York Times

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