Gazprom. Grandes manoeuvres autour du gaz européen
le 25/07/2017
L'appétit du géant russe Gazprom inquiète les Européens, à commencer par les ex-satellites de l'URSS
Le russe Gazprom met les bouchées doubles pour conforter sa position de fournisseur n° 1. L'Amérique s'agace et le Vieux Continent multiplie les projets pour réduire sa dépendance.
La consommation européenne de gaz est un beau gâteau dont la compagnie russe Gazprom avale gloutonnement la plus grosse part. Le tiers du gaz brûlé sur le Vieux Continent provient de la Russie de Poutine, devenue une énorme station-service.
Pour consolider ses positions, Gaz prom va se lancer, l'an prochain, dans la construction d'un nouveau gazoduc destiné à doubler celui qui plonge dans la Baltique et débouche dans le nord de l'Allemagne. Pour réaliser le Nord Stream 2, chiffré à 9 milliards d'euros, le russe s'est associé à cinq partenaires, dont Engie (ex-GDF-Suez).
Routes concurrentes
Le projet a suscité une réaction des États-Unis. Mi-juin, le Sénat a voté des sanctions contre les entreprises qui s'associeraient à Gazprom pour l'exploitation du nouveau Nord Stream. Officiellement, il s'agit de faire payer aux Russes leur ingérence dans la présidentielle de 2016. Mais la sanction sent le prétexte à plein nez : depuis qu'ils exploitent les gaz de schistes, les Américains sont devenus exportateurs. Pénaliser Gazprom sert leurs intérêts. Berlin et Vienne ont d'ailleurs vivement réagi en rappelant que « l'approvisionnement de l'Europe est l'affaire de l'Europe, pas des États-Unis ».
Cet été, un premier méthanier chargé de GNL (gaz naturel liquéfié) américain est arrivé en Pologne, dont le contrat avec Gazprom arrivera à échéance en 2022. Le gaz était au menu des discussions entre le président Duda et Donald Trump, lors de sa visite à Varsovie début juillet.
L'appétit du géant russe inquiète les Européens. À commencer par les ex-satellites de l'URSS, à qui l'hégémonie rappelle de mauvais souvenirs. Pologne, Slovaquie, Lituanie et Lettonie ont déposé un recours devant la Cour européenne de justice, pour abus de position dominante.
La mise en service de Nord Stream 2 (2019) « rendra l'Europe plus dépendante du fournisseur russe », avertit Donald Tusk, le président polonais du Conseil européen. « Elle ne contribue pas aux objectif» de l'UE, à savoir « la mise en place d'un marché du gaz diversifié et concurrentiel », renchérit le Slovaque Maros Sefcovic, vice-président de la Commission en charge de l'Énergie.
Pour contrer Moscou, Bruxelles fourbit ses armes. La première consiste à privilégier une route au nord qui contourne Nord Stream. Elle associe les gazoducs qui acheminent la production norvégienne à des terminaux destinés à recevoir les méthaniers en provenance du Qatar, d'Australie et des USA. La Pologne s'est mise d'accord avec Oslo pour construire un gazoduc, qui pourrait acheminer le gaz norvégien vers l'Europe centrale. La seconde prévoit la mise en service, en 2020, du Trans-Adriatic Pipeline pour transporter jusqu'en Italie le gaz azerbaïdjanais via la Turquie, la Grèce, l'Albanie, avec un passage sous la mer Adriatique. Un terminal serait aussi construit sur l'île croate de Krk pour accueillir des bateaux.
Si elles aboutissent, ces initiatives rendront l'Europe moins Gazprom-dépendante. Mais attention à ne pas fâcher ! Au moment où l'on se détourne du charbon, trop polluant, le Russe demeure incontournable.