Prix du pétrole, boursiers obèses et Peak Oil

Toute l'acualité, discutée à la lumière de la déplétion des réserves d'hydrocarbures.

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Prix du pétrole, boursiers obèses et Peak Oil

Message par Environnement2100 » 25 oct. 2007, 10:15

Autrefois les choses étaient faciles : le prix d'une denrée décrivait sa rareté relative, mettant en regard son abondance et son utilisation. Aujourd'hui, les ingénieurs financiers ont liquidifié à peu près tout ce qui s'échange, altérant définitivement cette loi.

Le cours du pétrole s'est apprécié de 50% en un an ; ce point seul est banal. En revanche, cette appréciation succède à d'autres, conduisant à un facteur 4 en 4 ans, malgré une production quasi constante. L'élément qui a violemment varié dans cette période est bien éloigné du pétrole.

La partie supérieure du graphique ci-dessous est bien connue de nos lecteurs ; la partie inférieure décrit les volumes échangés. La période concernée montre une chose étonnante : alors que la production a peu évolué dans cette période, les échanges se trouvent apparemment multipliés par dix. D'où vient cette tendance ?

Peu importe ce qui l'a déclenchée ; cela peut être l'imminence de la crise des subprimes, une série de records un peu excessive du DJ, les déclarations pessimistes de T. Boone Pickens, etc : ce qui est sûr, c'est que le boursier étatsunien s'est tourné vers le pétrole pour diversifier son portefeuille ; cette valeur, autrefois bien trop spéculative pour servir de refuge, présenterait maintenant de meilleures qualités à long terme. Et pourquoi donc ?

Il est possible que cette nouvelle affection provienne d'une hypothèse répandue outre atlantique : la production pétrolière piquera plus vite que le PIB (étatsunien). En conséquence, si crise générale il y a, le prix du pétrole restera proportionnellement élevé. Ainsi cette valeur prend-elle de nouvelles couleurs rassurantes pour le boursier, qui par essence ne connaît que peu de choses sur les secteurs dans lesquels il investit, mais en revanche maîtrise bien les notions de risque et de terme.

Aussi longtemps que cette hypothèse aura cours aux Etats-Unis, les volumes resteront fermes ; le plus amusant est que les spécialistes eux-mêmes n'en croient pas leurs yeux : les acheteurs du secteur pétrolier cette fois, qui ont eux besoin de cette denrée, refusent de croire à ces cours aberrants, et laissent filer leurs stocks en espérant une chute du cours proche, mais aggravent ainsi le mouvement en confortant la position des boursiers.

L'élévation "injustifiée" des cours du pétrole est concomitante à la chute du dollar contre la plupart des monnaies, conduisant à une situation contrastée. L'Europe voit sa facture énergétique peu évoluer, grâce à l'élévation de l'Euro et de la Livre ; l'Asie, et particulièrement la Chine et l'Inde, consomment peu de pétrole relativement à leur expansion économique, et sont donc également peu affectées par le cours du baril. En revanche, la chute du dollar provoque une perte de compétitivité des principaux concurrents des Etats-Unis, Europe et Japon en tête, et affaiblit le monstrueux bras de levier accumulé par la Chine sous forme de réserve en dollars. Elle rend plus difficile les importations aux Etats-Unis, l'un de ses problèmes aigus actuels. Enfin, cette situation favorise une certaine classe de population étatsunienne, celle qui possède des puits.

Ces deux caractères simultanés apportent donc un caractère vertueux certain à cette mini-crise, vue du siège de la Fed ; il est compréhensible que les Etatsuniens ne fassent rien pour s'y opposer.

En bourse mieux qu'ailleurs, rien n'est éternel, comme l'a montré l'ascension, puis la chute spectaculaires de l'uranium de cette année ; les transactions du Nymex ne traduisent qu'une minuscule partie des 85 Mbbl/d échangés quotidiennement ; l'hypothèse boursière citée ci-dessus peut disparaître en quelques jours au profit d'une nouvelle vérité définitive. En revanche, ce phénomène manifeste à quel point le cours du pétrole est maintenant soumis à bien d'autres tensions que celles propres à son seul secteur d'activité, et à sa déplétion.

Ceux qui apprécient la réflexion économique peuvent se demander comment et pourquoi le consommateur voit une denrée passer de 20 à 80 USD en 4 ans sans protester, mais surtout sans modifier ses habitudes. Ils peuvent aussi s'interroger sur l'impact à long terme du Dutch disease sur l'économie Russe.

We're doing it to ourselves,T. Boone Pickens.

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Message par MadMax » 25 oct. 2007, 11:54

Le retour d'Environnement2100 :smt041

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Message par Tiennel » 25 oct. 2007, 13:12

Welcome back E2100 :)
Ceux qui apprécient la réflexion économique peuvent se demander comment et pourquoi le consommateur voit une denrée passer de 20 à 80 USD en 4 ans sans protester, mais surtout sans modifier ses habitudes.
Oui, mais comme tu le dis, le pétrole que le consommateur utilise n'a généralement pas été acheté sur le NYMEX mais au travers de contrats pluri-annuels où l'évolution des prix en encadrée.

De plus, les variations de prix de la matière brute sont amorties par la chaîne de valeur industrielle (et de ponction fiscale) qui le transforme en un produit fini : le prix à la pompe ne varie que de 0,10 € quand le baril prend $10.
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Message par Glycogène » 25 oct. 2007, 13:40

Ben c'est normal :
Avec un € à 1,4$, une variation de 10$ correspond à 7,1€ par baril, et 0,045€ par litre. Le raffinage et les marges transforment ça en 0,10€ par litre.

Ce qui est plus influent sur le consommateur, c'est qu'une variation de 70$ à 80$ par baril correspond à +14%, mais qu'à la pompe le litre de gazoil passe de 1,00€ à 1,10€ : +10%, et l'essence de 1,20€ à 1,30€ : +8,3%.

Sinon, pour l'étude des volumes, E2100 peut-on extrapoler ton explication sur les volumes du Dow Jones ?

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Message par Environnement2100 » 25 oct. 2007, 14:28

Très juste Messeigneurs :). Mais l'automobiliste européen, qui répond à la remarque ci-dessus, doit consommer, à la hache, moins de 15 % du pétrole, peut-être 20 % en valeur. Quid des 80 % restants ? Si j'étais producteur de pétrole, je penserais que mon client est soit très riche, soit très dépendant ; et je penserais qu'il m'a bien exploité entre 85 et 2003. Je suis de ceux qui pensaient benoîtement que le baril allait se stabiliser aux alentours de 60 USD/bbl, merci l'OPEC. Or il se promène tranquillement dans la fourchette 80-90 USD, avec 2 ans d'avance, dans l'indifférence générale. La barre (psy) des 100 USD est tellement proche que nous risquons de la franchir de nuit, sans annonce, un soir de match de foot.
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Message par Tiennel » 25 oct. 2007, 15:15

Oui, mais le producteur de pétrole (OPEP ou non) est lui aussi très riche et très dépendant : tous ses pétrodollars, il est obligé de les recycler dans l'économie occidentale parce que hein, le dollar, en remplir des lessiveuses n'est pas une approche robuste pour l'épargne.

Donc on prend des participations dans les sociétés cotées, dans l'immobilier, mais tout cela reste des placements qui n'ont de valeur (à la fois du point de vue du rendement et de la liquidité du capital sous-jacent) que dans une économie en forme.

Donc il ne faut pas monter le baril trop haut, ou du moins trop vite, sinon ça fait krach. Apparemment, en 2004-2005, c'était pas mal mais un poil trop rapide, on a vu tout de suite Colin Campbell en première de couverture de TIME ou presque et il y a des gens qui ont dit du mal de nous.

On va donc la jouer cool et monter le prix gentiment, discrètement, au fil des non-événements géopolitiques et des coups de vent au large du Mexique... jusqu'au niveau du prix où le pétrole s'achètera lorsque le pic sera là.

Pourquoi en effet attendre le pic ? C'est aujourd'hui que les gens sont les plus riches et dépensiers...
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Message par Environnement2100 » 25 oct. 2007, 16:06

Sans doute, et beaucoup d'observateurs, dont l'OPEC, pensaient cela il y a quelques mois encore. Mais le bond entre 62 USD (OPEC-Bush) et 85 (boursiers obèses) USD/bbl n'est en rien imputable aux producteurs : ils peuvent regarder en l'air d'un air innocent, et tendre le doigt vers les vilains boursicoteurs, avec la confirmation des gourous du NYMEX. Et s'il y a un ralentissement économique aux USA, ce sera la faute des banquiers (subprimes), ou celle des Chinois (matières premières), mais sans doute plus celle du cours du pétrole.

Tout cela pour dire que les événements géopolitiques de ces dernières années ont conduit à démontrer des choses un peu étonnantes :
- le cours du pétrole ne semble toujours pas dépendre de sa rareté annoncée, mais de phénomènes politiques et économiques de plus en plus abscons
- son impact sur l'économie est de plus en plus difficile à distinguer.

Enfin n'oublions pas que le sage a dit : "Si ton portefeuille est devenu trop gros pour tes poches, alors tu devrais pouvoir t'acheter un pantalon avec des poches plus grandes." Une petite photo de Dubaï.

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Message par lionstone » 25 oct. 2007, 17:24

on dirait du SimCity :shock: tant cela parait surréaliste
Moderacene: le site de la moderation brut

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Message par energy_isere » 25 oct. 2007, 21:24

MadMax a écrit :Le retour d'Environnement2100 :smt041
@Environnement2100,

de retour ? trop plan plan sur ton blog ? Ou bien ? :smt006

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Message par Environnement2100 » 25 oct. 2007, 21:36

Un excès de bonne humeur momentané :).
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Message par energy_isere » 25 oct. 2007, 21:38

Environnement2100 a écrit :Un excès de bonne humeur momentané :).
bonne humeur causée par le nouveau franchissement du baril à 90 $ ce soir ? :lol:

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Message par sceptique » 25 oct. 2007, 22:12

Un petit calcul tout bête : combien le baril d'essence en France ?
1.32 Euro le litre (super 95)
1.42 $ pour 1 Euro
160 litres dans un baril
Cela fait 300$ le baril de super 95 tout rond :twisted:
Ou encore plus de 7$ le gallon américain. Et ils pleurent quand il dépasse 3$ :-D :-D .

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Message par Schlumpf » 28 oct. 2007, 22:54

E2100 a du écourter ses vacances à Dubai après les prévisions de 3% de déplétion qu'il leur a faites. Et nous revient plein de
bonne humeur momentané
pour participer à la suite des festivités... :-D
L'Homo sapiens se conjugue à la première personne du présent irresponsable...

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Message par Krom » 28 oct. 2007, 23:00

energy_isere a écrit :
Environnement2100 a écrit :Un excès de bonne humeur momentané :).
bonne humeur causée par le nouveau franchissement du baril à 90 $ ce soir ? :lol:
Ce prix du baril n'aurait donc pas causé seulement un afflux de nouveaux venus, mais aussi le retour d'anciens habitués. Chouette.

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