L' anthropocène

Discussions concernant les conséquences sur l'environnement de la course aux ressources.

Modérateurs : Rod, Modérateurs

Jeuf
Hydrogène
Hydrogène
Messages : 3270
Inscription : 01 janv. 2005, 18:08
Localisation : Poitou

Re: L' anthropocène

Message par Jeuf » 26 oct. 2023, 14:07

GillesH38 a écrit :
26 oct. 2023, 13:39
bah oui mais avec ce raisonnement, on pourrait tout aussi bien dire : l'eau de nappes va manquer ? ben pas grave on va trouver des substitutions (dessalement eau de mer etc ...). L'espace est inutilisable? bah on va trouver d'autres orbites... on peut dire ça pour tout.
Exactement. On pourra dessaler l'eau de mer et la porter sur des centaines de km, par exemple. On sait faire.

Le modèle Dice (qui a valu un prix nobel d'économie, tu sais?) ne voit pas de limite à la croissance.
Enfin si, dans ce modèle il y a des rétroactions négatives de la pollution sur l'économie (concernant le climat : en fonction du carré de la variation de température moyenne globale), mais si faibles qu'elles n'arrêtent pas la marche globale de la croissance économique, elles l'affectent juste marginalement.

Avatar de l’utilisateur
energy_isere
Modérateur
Modérateur
Messages : 90180
Inscription : 24 avr. 2005, 21:26
Localisation : Les JO de 68, c'était la
Contact :

Re: L' anthropocène

Message par energy_isere » 26 oct. 2023, 19:07

Je m'instruit.
le Dice Model

https://en.wikipedia.org/wiki/DICE_model#The_model
................
In 2020, modelers from the Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK) reported a rerun of the DICE model using updated climate and economic information and found that the economically optimal climate goal was now less than 2.0 °C of global warming — and not the 3.5 °C that Nordhaus had originally calculated.[31][32] The PIK team employed current understandings of the climate system and more modern social discount rates.[33] This new result therefore broadly supports the Paris Agreement goal of holding global warming to "well below 2.0 °C". Their revised AMPL code and data are available under open licenses.[34]

Assumptions and outcomes
According to the original formulation of DICE, staying below the 2 °C as agreed by the Paris agreement would cost more in mitigation investments than would be saved in damage from climate change. A 2020 paper by Glanemann, Willner and Levermann, which used an updated damage function, revised this conclusion, showing that a warming of around 2 °C would be "optimal", depending on the climate sensitivity to greenhouse gases.[35]

The DICE model is an example of a neoclassical energy-economy-environment model. The central assumption of this type of model is that market externalities create costs not captured in the price system and that government must intervene to assure that these costs are included in the supply price of the good creating the externality. Innovation is assumed to be exogenous; as such, the model is a pre-ITC model (it does not yet include Induced Technological Change).[36] An extension of the model (DICE-PACE) that does include induced technological change, has strongly different outcomes: the optimal path would be to invest strongly early on in mitigation technology.[37] In contrast to non-equilibrium models, investment in low carbon technology is assumed to crowd-out investments in other parts of the economy, leading to a loss of GDP.[36]

Avatar de l’utilisateur
mobar
Hydrogène
Hydrogène
Messages : 18223
Inscription : 02 mai 2006, 12:10
Localisation : PR des Vosges du Nord

Re: L' anthropocène

Message par mobar » 31 janv. 2024, 18:36

Anthropocène ou capitalocène, là est la question!
https://la-sociale.online/spip.php?article1046
Certains proposent de dater le début de l’anthropocène :

De la colonisation de l’Amérique du Nord par des chasseurs-cueilleurs venus d’Asie il y a 16 000 ans, qui a entrainé la disparition de beaucoup de grands mammifères dont la décomposition a contribué à l’émission de quantités importantes de gaz à effet de serre, en même temps qu’à une réduction de la biodiversité.
D’autres prennent pour point de départ le néolithique et l’apparition de l’agriculture et de l’élevage, 9 000 ans av. J.-C.
D’autres encore préfèrent le XVIème siècle et les grandes découvertes qui ont connecté Europe et Amérique et déployé le commerce mondial.
Parfois encore c’est l’invention de la machine à vapeur (James Watt 1769) et la révolution industrielle en Angleterre,
Ou bien encore l’explosion de la première bombe atomique (1945)

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le concept est flou !
L’anthropocène contredit l’histoire même du développement de l’usage des énergies fossiles

L’historien suédois Andréas Malm a consacré plusieurs ouvrages à la révolution industrielle pour montrer qu’elle ne résulte pas de choix faits par les hommes en général, mais par les capitalistes et les gouvernements qui les représentaient dans l’Angleterre du 18e et du 19e siècle, pour assurer le développement du système économique dont ils profitaient.

L’invention de la machine à vapeur animée par la combustion du charbon n’explique pas la révolution industrielle anglaise. Il n’y a pas de lien mécanique entre cette invention technique et le bouleversement économique et social qui intervient alors.

La mécanisation de l’industrie textile et la construction de grandes usines permettant de filer le coton sont antérieures au développement de la machine à vapeur à une échelle industrielle. L’industrie du textile utilisait l’énergie hydraulique, grâce à des roues à aubes développant des puissances considérables qui permettaient d’actionner des dizaines de machines simultanément. L’énergie hydraulique était moins chère que celle du charbon dans l’Angleterre de la première partie du dix-neuvième siècle et le potentiel de cours d’eau aménageables restait très important.

Si la machine à vapeur fonctionnant avec le charbon comme combustible l’a emporté sur l’énergie hydraulique, ce n’est pas parce qu’elle était moins chère que l’énergie hydraulique, ni parce qu’elle était plus fiable. Elle était au contraire plus coûteuse et les pannes étaient fréquentes. La machine à vapeur s’est imposée parce qu’elle permettait d’installer les usines dans des villes peuplées, disposant d’une main-d’œuvre abondante qui pouvait être pliée, petit à petit, aux exigences du travail industriel dans des grandes fabriques, sans être contraint par la proximité d’un cours d’eau.

Les moulins à eau dépendaient pour leur localisation des caractéristiques des cours d’eau, de l’existence de chutes suffisantes pour alimenter des moulins de taille importante. De plus, il fallait déplacer près des moulins à eau des quantités importantes d’hommes et de femmes pour les faire travailler dans ces usines. Les patrons devaient pour cela créer des conditions permettant de les faire venir (déjà la question de l’attractivité !), en construisant des logements, éventuellement des écoles et en fournissant des services sociaux de base. Les ouvriers qui s’installaient là, attirés par ces conditions relativement favorables, faisaient des enfants qui à la 2nde génération trouvaient ces conditions insuffisantes et se mettaient à revendiquer leur amélioration. Ils étaient dans un rapport de forces plutôt favorables face aux patrons en l’absence de main-d’œuvre alternative disponible alentour.

Ce sont donc les conditions sociales et politiques, les relations entre employeurs et salariés qui ont progressivement assuré la victoire du charbon sur l’eau, et non la volonté des hommes en général, ni même la simple valeur énergétique supérieure du charbon face à l’eau. L’utilisation massive du charbon dans des machines à vapeur résulte des rapports sociaux noués dans le système capitaliste et non des lois de la thermodynamique.

Il a fallu, d’ailleurs, discipliner cette main-d’œuvre très rétive au travail en usine et à ses contraintes, instaurer le travail forcé, supprimer toutes les échappatoires possibles à l’enfer industriel pour disposer d’une main-d’œuvre nombreuse et de ce fait très mal payée, avec les conséquences que l’on sait. De nombreuses enquêtes réalisées au milieu du dix-neuvième siècle sur la situation des classes laborieuses ont rendu compte de leurs conditions de vie misérables, de leur santé désastreuse, allant même jusqu’à la réduction constatée de la taille moyenne de la population prolétarienne.

La victoire du charbon comme source majeure d’énergie de la révolution industrielle ne résulte donc pas d’une délibération collective, du choix des hommes en général, mais de la capacité des capitalistes et du régime politique qu’ils dominaient à instaurer ce mode de production dont les conséquences désastreuses pour les hommes et pour l’environnement apparaîtront au cours des décennies suivantes.

Notons que l’impérialisme britannique appliqua les mêmes méthodes dans son empire. Arrivés en Inde, les Anglais cherchèrent les gisements de charbon qui permettraient d’alimenter leurs bateaux à vapeur, indispensables au développement de leur commerce avec le reste du monde et à leur domination des mers. Ils en trouvèrent sans difficulté puisque les indiens avaient identifié les gisements de charbon depuis longtemps. Mais ils n’en faisaient qu’un usage très limité bien qu’il connussent le pouvoir calorifique du charbon. Il fallut donc là encore réduire ces populations indiennes paysannes à un travail forcé d’exploitation de mines de charbon desquelles ces malheureux s’échappaient dès qu’ils le pouvaient pour essayer de retrouver leur vie de paysan, d’avant la sujétion à l’empire britannique. Ils firent la même chose en Indonésie.
Capitalocène plutôt qu’anthropocène

Il serait donc juste de parler de capitalocène plutôt que d’anthropocène. L’augmentation vertigineuse de la consommation d’énergies fossiles résulte de la nature même du capitalisme dont le but n’est pas de répondre aux besoins essentiels de la population dans les meilleures conditions, mais de produire des quantités croissantes de marchandises échangeables sur un marché pour réaliser un profit, dans le but d’augmenter la richesse du détenteur de capital et d’augmenter le capital lui-même pour le réinvestir à nouveau dans le processus de production et générer à nouveau de la plus-value.

Ce mode de production sépare les producteurs des moyens de production, transforme la force de travail en une marchandise comme une autre, transforme tout ce qui nous entoure en marchandise, essaye de faire disparaître l’échange gratuit, la solidarité, la libre jouissance de biens communs. Le capitalisme transforme chacun des actes de notre vie quotidienne, y compris les plus simples comme la contemplation d’un beau paysage, ou une promenade dans un environnement moins urbanisé, en un acte commercial nécessitant une transaction, l’achat d’un billet, le passage par un guichet de contrôle, le respect de conditions de déambulation, etc.

Pour ne plus dire « capitalisme », devenu un gros mot ou un archaïsme, on parle de productivisme, de libéralisme, de néolibéralisme, etc. Mais si le mot change la réalité elle ne change pas.
https://youtu.be/0pK01iKwb1U
« Ne doutez jamais qu'un petit groupe de personnes bien informées et impliquées puisse changer le monde, en fait, ce n'est jamais que comme cela que le monde a changé »

Avatar de l’utilisateur
energy_isere
Modérateur
Modérateur
Messages : 90180
Inscription : 24 avr. 2005, 21:26
Localisation : Les JO de 68, c'était la
Contact :

Re: L' anthropocène

Message par energy_isere » 16 mars 2024, 11:28

Les géologues se déchirent sur l’existence de l’Anthropocène

Par Vincent Lucchese 14 mars 2024 reporterre

L’entrée officielle dans l’Anthropocène, une nouvelle ère géologique, a été rejetée par des spécialistes. Mais le débat, aussi symbolique que politique, perdure entre géologues.

Changement climatique, effondrement de la biodiversité, pollutions massives… L’impact de nos activités sur la Terre est d’une telle intensité que cela entraîne des bouleversements d’ordre géologique, visibles jusque dans les sédiments. Nous détruisons des équilibres millénaires, justifiant notre sortie de l’Holocène, l’époque interglaciaire dans laquelle nous évoluons depuis près de 12 000 ans, pour entrer dans l’Anthropocène, l’époque de l’être humain.

Si cette notion d’Anthropocène est largement répandue et utilisée dans le débat public et de nombreuses disciplines scientifiques, elle n’est pas encore officiellement reconnue par la communauté des géologues. Et pour cause : le groupe de travail sur l’Anthropocène a rejeté à une large majorité, début mars, une proposition visant à acter ce changement d’époque.

Une proposition massivement rejetée

Ce groupe interdisciplinaire de chercheurs était chargé depuis 2009 par la Commission internationale de stratigraphie (ICS) de déterminer si, et quand, l’Anthropocène avait débuté. L’ICS appartient lui-même à l’Union internationale des sciences géologiques, qui a l’autorité pour définir les ères, époques et autres étages géologiques, suivant des critères très précis.

Le dernier vote portait sur une proposition visant à faire démarrer l’Anthropocène en 1952, moment où les essais de bombes nucléaires ont provoqué la retombée observable d’éléments radioactifs partout autour du globe. La proposition a été massivement rejetée par les membres du groupe, avec douze voix contre, quatre voix pour et deux abstentions, mettant un coup d’arrêt à quinze ans de tentatives de validation géologique de l’idée d’Anthropocène.

Débats sur le « clou d’or » de l’Anthropocène

Pour les chercheurs, pourtant, le fait que nos activités ont marqué l’histoire géologique de la planète ne fait pas de doute. En 2019, le groupe de travail avait validé le fait que l’Anthropocène devait « être traité comme une unité chrono-stratigraphique formelle définie par un point stratotypique mondial ». Traduction ? Il existe bien un marqueur géologique capable d’indiquer une rupture, donc l’entrée dans un Anthropocène.

Tout le problème est de définir quel est ce marqueur. Et donc, quand démarre l’Anthropocène. Pour enregistrer officiellement un changement d’époque, les géologues ont besoin d’un site sédimentaire de référence, où le changement est nettement visible et permet de marquer la ligne de démarcation entre deux étages géologiques, un point dans les roches surnommé le « clou d’or ». En 2023, le lac Crawford, au Canada, avait été désigné comme site de référence pour trouver dans les sédiments ce clou d’or : plutonium, plastiques, perte de biodiversité, carbone issu des énergies fossiles, le lac pouvait renfermer tous les indices du tournant de la « grande accélération » des années 1950.

Mais cette définition de l’Anthropocène n’a finalement pas convaincu les votants du groupe de travail. Plusieurs membres ont argué que l’âge nucléaire et les années 1950 formaient une époque bien trop récente pour prétendre à un tel statut, rapporte le New York Times. Certains chercheurs ont souligné également que le bouleversement de la Terre par l’humanité remontait à bien plus longtemps et mêlait des phénomènes complexes, de sorte qu’il pourrait même ne pas y avoir une date identique à l’Anthropocène selon les régions du monde.

On pourrait ainsi remonter au début de l’ère industrielle, lorsque les émissions de carbone ont commencé à modifier le climat, ou bien à la colonisation de l’Amérique et de l’Australie par l’Occident, source de bouleversements écosystémiques majeurs. Et pourquoi pas même remonter jusqu’à l’invention de l’agriculture et de l’élevage, déjà source d’émissions de gaz à effet de serre et de modifications profondes de l’environnement ?

« Nous avons déjà étudié ces options », rétorque à Reporterre Colin Waters, professeur à l’université britannique de Leicester. Président du groupe de travail sur l’Anthropocène, il défendait la proposition rejetée lors du vote. « Les humains influencent la biosphère depuis des dizaines de milliers d’années, mais cela est déjà contenu dans l’époque Holocène, démarrée il y a 11 700 ans et qui coïncide avec le début de l’agriculture. Le concept d’Anthropocène ne définit pas la première influence humaine, mais le moment accablant de notre impact sur la planète entière, y compris les océans. La grande accélération des années 1950 correspond à ce moment où l’influence planétaire devient globale. »

Une rupture majeure avérée

Dans la communauté des géologues, toutefois, certains vont jusqu’à réfuter l’idée même d’époque Anthropocène. Il est notamment reproché à l’Anthropocène d’être, à ce jour, une étendue de temps bien trop brève pour être comparée aux époques et autres découpages géologiques. « Qu’est-ce qu’un demi-siècle ou un siècle face à 26 000 siècles [pour la série géologique la plus courte] et 650 000 siècles [pour l’ère la plus courte] ? », questionnent ainsi les géologues Patrick De Wever et Stan Finney sur le site The Conversation. Sans nier notre impact sur la planète, ils prônent le maintien d’une séparation formelle entre calendrier humain et calendrier géologique.

« Les conditions [liées aux relations entre le Soleil et la Terre] qui ont provoqué les glaciations n’ont pas changé, on peut donc s’attendre à ce que l’Holocène ne soit qu’un autre interglaciaire », et que l’histoire humaine ne soit qu’un bref clin d’œil avant la prochaine glaciation, défendait également l’an dernier sur France Inter Phil Gibbard, secrétaire de l’ICS. Il propose, avec d’autres, de faire de l’Anthropocène un simple « évènement géologique » et non une « époque ».

Un événement, d’un point de vue géologique, se réfère à des changements sur une grande période de temps. L’Anthropocène serait alors vu comme une transformation durable au fil du temps plutôt qu’un changement abrupt d’un état à un autre.

Un argument dont s’inquiète Colin Waters : « Un "évènement" inclurait toutes les influences humaines, même minimes, des 50 000 dernières années », et ne rendrait pas compte des changements radicalement plus intenses et dramatiques intervenus depuis les années 1950, dit-il. Pousser pour faire de l’Anthropocène un seul « événement » est suspecté de chercher à « minimiser les preuves de ce changement récent », affirme le chercheur. À l’inverse, faire de l’Anthropocène une époque permettrait d’entériner que nos activités nous font sortir de l’Holocène et de sa stabilité multimillénaire, et que les bouleversements en cours « persisteront pendant plusieurs dizaines de milliers d’années, ou seront permanents ».

« C’est l’Anthropocène en tant qu’époque. C’est réel, cela marque déjà la géologie, et cela ne va pas s’estomper », martèlent Colin Waters et plusieurs de ses collègues dans un article paru le 12 mars, dans lequel ils critiquent ce refus d’entériner l’Anthropocène par le groupe de travail.

Un débat autant géologique que politique

Cette contestation du résultat du vote a amené les partisans de l’Anthropocène à réclamer son annulation, détaille un article de la revue Nature. Des irrégularités ont été signalées à l’ICS mais, selon la procédure normale, aucun appel n’est possible et le vote entérine la fin du processus actuel de tentative d’entrée officielle dans l’Anthropocène. Seule la constitution d’un nouveau groupe de travail sur décision de l’institution pourrait remettre la question sur la table. « Mais nous continuerons quoi qu’il arrive à défendre les preuves que l’Anthropocène en tant qu’époque doit être reconnue », affirme Colin Waters.

L’émotion particulière entourant ce débat de géologues tient aux énormes enjeux attachés à l’Anthropocène, pas seulement comme simple dénomination géologique, mais comme manière de nommer et pointer l’urgence écologique vitale. « Nous vivons dorénavant sur une planète fondamentalement imprévisible, incomparable à ce que nous avons connu ces 12 000 dernières années, souligne dans Nature l’historienne Julia Adeney Thomas, de l’université de Notre-Dame, dans l’Indiana (États-Unis). L’Anthropocène ainsi compris est une réalité limpide. »
https://reporterre.net/L-impact-des-hum ... geologique

Avatar de l’utilisateur
energy_isere
Modérateur
Modérateur
Messages : 90180
Inscription : 24 avr. 2005, 21:26
Localisation : Les JO de 68, c'était la
Contact :

Re: L' anthropocène

Message par energy_isere » 16 mars 2024, 11:28

Les géologues se déchirent sur l’existence de l’Anthropocène

Par Vincent Lucchese 14 mars 2024 reporterre

L’entrée officielle dans l’Anthropocène, une nouvelle ère géologique, a été rejetée par des spécialistes. Mais le débat, aussi symbolique que politique, perdure entre géologues.

Changement climatique, effondrement de la biodiversité, pollutions massives… L’impact de nos activités sur la Terre est d’une telle intensité que cela entraîne des bouleversements d’ordre géologique, visibles jusque dans les sédiments. Nous détruisons des équilibres millénaires, justifiant notre sortie de l’Holocène, l’époque interglaciaire dans laquelle nous évoluons depuis près de 12 000 ans, pour entrer dans l’Anthropocène, l’époque de l’être humain.

Si cette notion d’Anthropocène est largement répandue et utilisée dans le débat public et de nombreuses disciplines scientifiques, elle n’est pas encore officiellement reconnue par la communauté des géologues. Et pour cause : le groupe de travail sur l’Anthropocène a rejeté à une large majorité, début mars, une proposition visant à acter ce changement d’époque.

Une proposition massivement rejetée

Ce groupe interdisciplinaire de chercheurs était chargé depuis 2009 par la Commission internationale de stratigraphie (ICS) de déterminer si, et quand, l’Anthropocène avait débuté. L’ICS appartient lui-même à l’Union internationale des sciences géologiques, qui a l’autorité pour définir les ères, époques et autres étages géologiques, suivant des critères très précis.

Le dernier vote portait sur une proposition visant à faire démarrer l’Anthropocène en 1952, moment où les essais de bombes nucléaires ont provoqué la retombée observable d’éléments radioactifs partout autour du globe. La proposition a été massivement rejetée par les membres du groupe, avec douze voix contre, quatre voix pour et deux abstentions, mettant un coup d’arrêt à quinze ans de tentatives de validation géologique de l’idée d’Anthropocène.

Débats sur le « clou d’or » de l’Anthropocène

Pour les chercheurs, pourtant, le fait que nos activités ont marqué l’histoire géologique de la planète ne fait pas de doute. En 2019, le groupe de travail avait validé le fait que l’Anthropocène devait « être traité comme une unité chrono-stratigraphique formelle définie par un point stratotypique mondial ». Traduction ? Il existe bien un marqueur géologique capable d’indiquer une rupture, donc l’entrée dans un Anthropocène.

Tout le problème est de définir quel est ce marqueur. Et donc, quand démarre l’Anthropocène. Pour enregistrer officiellement un changement d’époque, les géologues ont besoin d’un site sédimentaire de référence, où le changement est nettement visible et permet de marquer la ligne de démarcation entre deux étages géologiques, un point dans les roches surnommé le « clou d’or ». En 2023, le lac Crawford, au Canada, avait été désigné comme site de référence pour trouver dans les sédiments ce clou d’or : plutonium, plastiques, perte de biodiversité, carbone issu des énergies fossiles, le lac pouvait renfermer tous les indices du tournant de la « grande accélération » des années 1950.

Mais cette définition de l’Anthropocène n’a finalement pas convaincu les votants du groupe de travail. Plusieurs membres ont argué que l’âge nucléaire et les années 1950 formaient une époque bien trop récente pour prétendre à un tel statut, rapporte le New York Times. Certains chercheurs ont souligné également que le bouleversement de la Terre par l’humanité remontait à bien plus longtemps et mêlait des phénomènes complexes, de sorte qu’il pourrait même ne pas y avoir une date identique à l’Anthropocène selon les régions du monde.

On pourrait ainsi remonter au début de l’ère industrielle, lorsque les émissions de carbone ont commencé à modifier le climat, ou bien à la colonisation de l’Amérique et de l’Australie par l’Occident, source de bouleversements écosystémiques majeurs. Et pourquoi pas même remonter jusqu’à l’invention de l’agriculture et de l’élevage, déjà source d’émissions de gaz à effet de serre et de modifications profondes de l’environnement ?

« Nous avons déjà étudié ces options », rétorque à Reporterre Colin Waters, professeur à l’université britannique de Leicester. Président du groupe de travail sur l’Anthropocène, il défendait la proposition rejetée lors du vote. « Les humains influencent la biosphère depuis des dizaines de milliers d’années, mais cela est déjà contenu dans l’époque Holocène, démarrée il y a 11 700 ans et qui coïncide avec le début de l’agriculture. Le concept d’Anthropocène ne définit pas la première influence humaine, mais le moment accablant de notre impact sur la planète entière, y compris les océans. La grande accélération des années 1950 correspond à ce moment où l’influence planétaire devient globale. »

Une rupture majeure avérée

Dans la communauté des géologues, toutefois, certains vont jusqu’à réfuter l’idée même d’époque Anthropocène. Il est notamment reproché à l’Anthropocène d’être, à ce jour, une étendue de temps bien trop brève pour être comparée aux époques et autres découpages géologiques. « Qu’est-ce qu’un demi-siècle ou un siècle face à 26 000 siècles [pour la série géologique la plus courte] et 650 000 siècles [pour l’ère la plus courte] ? », questionnent ainsi les géologues Patrick De Wever et Stan Finney sur le site The Conversation. Sans nier notre impact sur la planète, ils prônent le maintien d’une séparation formelle entre calendrier humain et calendrier géologique.

« Les conditions [liées aux relations entre le Soleil et la Terre] qui ont provoqué les glaciations n’ont pas changé, on peut donc s’attendre à ce que l’Holocène ne soit qu’un autre interglaciaire », et que l’histoire humaine ne soit qu’un bref clin d’œil avant la prochaine glaciation, défendait également l’an dernier sur France Inter Phil Gibbard, secrétaire de l’ICS. Il propose, avec d’autres, de faire de l’Anthropocène un simple « évènement géologique » et non une « époque ».

Un événement, d’un point de vue géologique, se réfère à des changements sur une grande période de temps. L’Anthropocène serait alors vu comme une transformation durable au fil du temps plutôt qu’un changement abrupt d’un état à un autre.

Un argument dont s’inquiète Colin Waters : « Un "évènement" inclurait toutes les influences humaines, même minimes, des 50 000 dernières années », et ne rendrait pas compte des changements radicalement plus intenses et dramatiques intervenus depuis les années 1950, dit-il. Pousser pour faire de l’Anthropocène un seul « événement » est suspecté de chercher à « minimiser les preuves de ce changement récent », affirme le chercheur. À l’inverse, faire de l’Anthropocène une époque permettrait d’entériner que nos activités nous font sortir de l’Holocène et de sa stabilité multimillénaire, et que les bouleversements en cours « persisteront pendant plusieurs dizaines de milliers d’années, ou seront permanents ».

« C’est l’Anthropocène en tant qu’époque. C’est réel, cela marque déjà la géologie, et cela ne va pas s’estomper », martèlent Colin Waters et plusieurs de ses collègues dans un article paru le 12 mars, dans lequel ils critiquent ce refus d’entériner l’Anthropocène par le groupe de travail.

Un débat autant géologique que politique

Cette contestation du résultat du vote a amené les partisans de l’Anthropocène à réclamer son annulation, détaille un article de la revue Nature. Des irrégularités ont été signalées à l’ICS mais, selon la procédure normale, aucun appel n’est possible et le vote entérine la fin du processus actuel de tentative d’entrée officielle dans l’Anthropocène. Seule la constitution d’un nouveau groupe de travail sur décision de l’institution pourrait remettre la question sur la table. « Mais nous continuerons quoi qu’il arrive à défendre les preuves que l’Anthropocène en tant qu’époque doit être reconnue », affirme Colin Waters.

L’émotion particulière entourant ce débat de géologues tient aux énormes enjeux attachés à l’Anthropocène, pas seulement comme simple dénomination géologique, mais comme manière de nommer et pointer l’urgence écologique vitale. « Nous vivons dorénavant sur une planète fondamentalement imprévisible, incomparable à ce que nous avons connu ces 12 000 dernières années, souligne dans Nature l’historienne Julia Adeney Thomas, de l’université de Notre-Dame, dans l’Indiana (États-Unis). L’Anthropocène ainsi compris est une réalité limpide. »
https://reporterre.net/L-impact-des-hum ... geologique

Avatar de l’utilisateur
mobar
Hydrogène
Hydrogène
Messages : 18223
Inscription : 02 mai 2006, 12:10
Localisation : PR des Vosges du Nord

Re: L' anthropocène

Message par mobar » 16 mars 2024, 14:25

Même si on prends les 50 000 dernières années ce ne sera pas suffisant pour qu'une ère géologique soit identifiée dans une centaine de millions d'années

Les ères géologiques durent des dizaines de millions d'années, l'anthropocène ne sera plus discernable dans les sédiments dans quelques dizaines de millénaires

Les humains sont des moustiques qui disparaitront sans laisser de traces
https://youtu.be/0pK01iKwb1U
« Ne doutez jamais qu'un petit groupe de personnes bien informées et impliquées puisse changer le monde, en fait, ce n'est jamais que comme cela que le monde a changé »

Répondre