Vague de chaleur, canicule, vigilance rouge : de quoi parle t-on ?
28 août 2023 / Association des climato-réalistes
La France a connu en août sa 47ème vague de chaleur depuis 1947. Il s’agit selon Météo-France, de la vague de chaleur tardive la plus longue et la plus intense depuis cette date. Les journées du lundi 21 au jeudi 24 août ont été les plus chaudes jamais enregistrées en France après un 15 août avec un indicateur thermique France (moyenne quotidienne de la température moyenne de l’air relevée dans 30 stations météorologiques représentatives du territoire) qui a culminé à 27,76 °C le 24 août, cette valeur masquant des contrastes marqués entre le nord-ouest du pays, épargné par la canicule, et les régions de la vallée du Rhône ou du Sud-Ouest.
Tout a commencé avec une mise en alerte rouge pour 17 départements pour le 25 août 2023.
Alerte rouge 25 août 2023. Météo-France
On est jamais trop prudent, la première ministre avait dès le 17 août activé une cellule de crise interministérielle.
Dès le samedi 26 août 2023, nous avons assisté à un renversement spectaculaire : en l’espace de deux jours, certaines régions sont passés d’un temps étouffant à des conditions fraîches. C’est dans le sud-ouest que la chute sera la plus vertigineuse. Certains secteurs qui avaient enregistré 42°C le jeudi après-midi sont retombés à 22-23°C le samedi après-midi, soit une chute de près de 20°C en seulement 48 heures !
Source : Paris-Météo
Ce recul des températures augure une semaine prochaine sensiblement plus fraîche sur la France. Avec des températures se situant entre1°C et 3°C en dessous des normales saisonnières sur une moyenne de 7 jours.
Source : Paris-Météo
Si l’on veut bien se souvenir d’un printemps au ressenti pourri, avec le pire mois de mai depuis 1984 qui a connu « des températures dignes d’une fin de mars et des giboulées, d’intenses épisodes pluvieux, du vent fort, des chutes de neige abondantes en montagne et de fréquentes gelées en plaine, une anomalie de température de -2,3°C ».
De sorte que la presse serait bien avisée d’attendre au moins la fin de l’année avant de pronostiquer, comme le fait TF1 Info que « l’année 2023 pourrait s’avérer la plus chaude que la Terre ait jamais connu », et que « l’année 2024 pourrait être encore plus dramatique ».
D’ailleurs l’indicateur thermique pour les 3 mois d’été (pas encore terminé), place l’année 2023 en 3èmeposition derrière 2003, 2022 avec un indice de 22,07°C, pas si éloigné de celui de 1947 (21,5°C), l’écart entre ces 2 valeurs étant probablement dans l’épaisseur du trait des mesures.
Indicateur thermique
Valeur de l’Indicateur thermique national pour les 3 mois d’été (juin-juillet-août) Source : Info climat.
Les annales sont pleines de récits de vagues de chaleur.
Il n’est pas question de nier l’existence du réchauffement climatique. Nous sommes même prêts à admettre qu’en période de réchauffement, les vagues de chaleur augmentent en fréquence et en intensité.
Notre propos est de dire qu’il est intellectuellement malhonnête d’inférer d’événements météorologiques isolés et de courte durée, que le climat se dérègle et que nous avons affaire à une crise climatique.
Si les vagues de chaleur et les canicules des années récentes sont bien documentées, que sait-on des périodes situées avant 1855 alors que les relevés météorologiques n’existaient pas ?
Il n’est donc pas possible de connaître les températures de l’Optimum Médiéval, ni celles des étés caniculaires du XVIIIe siècle décrits par l’historien du climat Emmanuel Leroy Ladurie, ni celles des 500 années de sécheresse étudiées par Emmanuel Garnier. On sait que l’on processionnait beaucoup pour la pluie au Moyen Âge, et que cette pratique a perduré jusqu’au milieu du XIX° siècle.
Interviewé en 2003 « Libération », l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie est revenu sur les précédents coups de chaleur qui avaient touché la France dans un passé lointain.
Il citait notamment des séries d’étés caniculaires consécutifs, 1331-1334, quatre étés de suite, 1383-1385, trois étés. Pendant l’été caniculaire de 1636, des témoins évoquent « un effroyable harassement de chaleur » qui a duré plusieurs semaines à Paris. Emmanuel Le Roy Ladurie mentionne aussi les étés caniculaires de 1705, ou encore de 1718-1719 années pendant lesquelles une forme de climat saharien s’est abattue sur l’Ile-de-France sans discontinuer de juin à la mi-septembre. Les témoins rapportent même l’invasion de nuées de sauterelles en provenance d’Afrique du Nord. Ces deux étés caniculaires ont saigné à blanc le royaume : 700 000 morts (dont 450 000 pour la seule année 1719) pour un pays qui comptait à cette époque environ vingt millions d’habitants. Les victimes sont essentiellement des bébés et des enfants, atteints de dysenterie véhiculée par l’infection des eaux devenues trop basses.
S’agissant des canicules du 20ème siècle, le site Météo-Paris de Guillaume Séchet nous fournit une abondante documentation. Morceaux choisis :
En septembre 1899, une vague de chaleur exceptionnelle se produit sur toute la France. Des révoltes se déclenchent à l’occasion de cette chaleur étouffante.
Du 17 au 19 juillet 1904, une vague de chaleur historique se produit : les températures atteignent 37 à 39° en région parisienne, dans la Nièvre, le Centre et les Pays de la Loire, et jusqu’à 43° à Montpellier.
En 1911 la France fut traversée par une intense vague de chaleur qui dura deux mois et demi, de juillet à la mi-septembre. Après un mois d’août exceptionnellement chaud et sec, une nouvelle vague de chaleur est enregistrée sur une grande partie de la France au cours de la 1ère quinzaine de septembre et notamment entre le 6 et le 9 septembre
Juillet 1921 est le mois le plus chaud depuis plus d’un siècle. La vague de chaleur atteint son maximum les 28 et 29 juillet 1921 où l’on mesure des températures supérieures à 38° sur les trois quarts de la France (40 à 42° à Vesoul, Besançon, Albertville, Bourg en Bresse et Moulin). Le 13 juillet 1921 un maximum de 44°8 aurait été mesuré à Bourg -il s’agit de la valeur non officielle la plus élevée mesurée à l’ombre, en France.
Du 5 au 15 juillet1923 : une importante vague de chaleur frappe le pays avec des températures dépassent 35° sur presque tout le pays : on mesure 38° à Rouen, 39° à St Quentin et 40°5 à Lezay (Deux Sèvres). Du 5 et 15 août 1923, une nouvelle vague de chaleur qui devient exceptionnelle les 8 et 9 août 1923. Il fait 35 à 38° en région parisienne, et les températures atteignent des records absolus dans le midi ; à St Simon (8 kilomètres au sud-ouest de Toulouse) on enregistre 44°, ce qui constitue la valeur officiellement la plus élevée du 20ème siècle en France.
Le mois d’août 1929 est extrêmement sec sur la moitié Nord du pays et la sécheresse qui a débuté à la fin de l’hiver, s’accentue. Du 26 août au 12 septembre 1929, une nouvelle vague de chaleur, concerne cette fois-ci toute la France. Le 31 août 1929, il fait 35° à Paris et Valenciennes, 36° à Lille et 37° à Châteauroux.
Le 26 août 1932 on enregistre jusqu’à 41°5 à St-Raphaël, 38° au Mans, Chartres, Rennes et Angers, et 37° au Havre.
L’été 1947 est exceptionnellement chaud. Du 27 juillet au 5 août 1947, une chaleur véritablement saharienne envahit tout le pays. Les journées du 27 et 28 juillet 1947 sont historiques avec des températures de 40° à Angoulême, Toulouse, Bourges, Angers, Tours, Château-Chinon, Orléans, Chartres et Paris (record absolu depuis 1873), 41° à Poitiers. Après une pause de quelques jours, les fortes chaleurs reviennent le 14 aoûtet persistent jusqu’au 20 août où de violents orages provoquent parfois d’importants dégâts, notamment à Paris.
Cette année-là, les glaciers alpins vont enregistrer des pertes historiques qu’ils ne parviendront pas à récupérer par la suite. Selon Météo France, il s’agit de l’épisode caniculaire le plus intense de l’après-guerre” mais aussi depuis 1873, date des premiers relevés de températures. Jusqu’à la canicule d’août 2003 qui pulvérisera ces records de chaleur.
A la fin du mois d’août 1949, la sécheresse provoque de très graves incendies dans la forêt Landaise – ces incendies persistent pendant plusieurs jours et sont vécus comme une véritable catastrophe nationale – on dénombre plusieurs dizaines de morts – les 4 et 5 septembre 1949, de l’air Saharien envahit la France, les vents de sud, très secs font monter les températures à 38° à Cazaux (forêt landaise), 36° à Bordeaux, Pau et Lyon, 35° à Angers, Tours, Poitiers et à Paris.
C’est finalement la canicule de 2003 qui reste identifiée par Météo-France comme la vague de chaleur la plus forte qu’a connu la France métropolitaine depuis le début des mesures en1947.