De l’abolition de l’idéologie du travail... à l'autonomie

Comment mettre en pratique la décroissance et vivre dans un monde sans pétrole (les «travaux pratiques» en somme : artisanat, nourriture, etc)

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kobayashi
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De l’abolition de l’idéologie du travail... à l'autonomie

Message par kobayashi » 24 mai 2006, 19:09

J'essaye ici de faire une synthèse sur ce qu'il me semble se raconter sur l'idéologie du travail. La concision - et donc le caractère quelque peu caricatural - suscitera sans doute un certain scepticisme. C'est que cette tentative synthétique (très personnelle) ne se veut pas un résumé de la critique de l'idéologie du travail, mais une invitation à sa découverte. Les notes (quelques peu envahissantes) sont également là, à chaque fois, comme des clés qui ouvrent chacune sur des continents à explorer. 3 parties pour essayer de dégager le sujet : d'abord l'idéologie, puis le travail aliéné et sa libération, puis la positivité de la critique, c'est-à-dire que c'est bien beau de critiquer mais qu'est ce que l'on met à la place.

De l’abolition de l’idéologie du travail… à comment devenir collectivement autonome !
« On veut retrouver une trace de beauté native de l’homme, il faut l’aller chercher chez les nations où les préjugés économiques n’ont pas encore déraciné la haine du travail ».

Paul Lafargue, Le Droit à la paresse.
A l’heure où le capitalisme impose aux salariés (qui n’est pas aujourd’hui le salarié de quelqu’un ?) le travail à n’importe quelles conditions (passage du salariat au « précariat »), comment faire émerger les retrouvailles du mouvement ouvrier avec la critique du Travail ? Le contrat première embauche (CPE) a été l’occasion d’une prise de conscience lors du mouvement social de février-mars 2006, de l’ampleur et de la gravité de la question de la précarité. Plusieurs voix se sont également élevées afin que le refus du CPE ne devienne pas l’acceptation du CDI. Le « précariat » (une précarité permanente, forme contractuelle du travail à l’heure du libre-échange) n’est finalement que l’aboutissement même de la logique du salariat dont le critère juridique est la subordination [1]. La critique ne doit alors pas seulement porter sur une dérogation au droit du travail, mais sur la place même du travail dans notre société et dans nos vies, y compris et surtout comme « valeur ». Pourquoi se tuer de surtravail pour seulement vivre décemment ? Peut-on continuer comme cela à perdre notre vie à la gagner ? Telle est l’aporie insondable de nos vies quotidienne empreintes de l’idéologie du Travail. Il ne s’agit donc pas ici de libérer le travail (toute la gauche social-libérale et néo-marxiste, y compris Attac, réclame que la création d’emplois cesse d’être entravée par les méchants spéculateurs), mais de se libérer du travail. Et cela, sans s’appuyer sur aucune loi de l’histoire.

L’idéologie du travail ou comment perdre sa vie à la gagner...

Dans les luttes sociales contre la précarisation des contrats de travail, on a eu souvent tendance à se la représenter comme une situation atypique, plus ou moins marginale par rapport au marché régulier du travail, et le plus souvent provisoire. En refusant (légitimement cela va s’en dire) le « précariat », on ne peut se contenter (en creux) de défendre en l’état le statut de l’emploi né du compromis social qui s’était constitué sous le capitalisme industriel. Finalement comme si le salariat classique (et les acquis sociaux qui ont été gagnés au fil des luttes syndicales) était préférable à la précarité permanente. La défense des acquis sociaux liés à la forme du salariat classique (garanties du droit social et de la protection sociale) et les luttes contre le « précariat » qu’elle met en œuvre, présuppose trop souvent qu’il faudrait absolument travailler (et toujours plus) et surtout à n’importe quelles conditions. La responsabilité et la sensibilité morale de celui qui décide de vendre sa force de travail est toujours une question qui brille dans les discours syndicaux, par sa totale absence. La finalité de tous les cortèges carnavalesques des syndicats, n’est jamais d’exiger le « minimum de la vie » mais le fameux « minimum vital ». Quand quelques misérables « postes de travail » sont en jeu, l’esclavage de la servitude volontaire est toujours préféré à la liberté de la vie et à son autonomie. Le mot selon lequel il vaut mieux avoir « n’importe quel » travail plutôt que pas de travail du tout est devenu la profession de foi exigée de tous.

L’histoire a connu de nombreux idéologues du travail qui se sont efforcés de faire partager leur prêche aux salariés et à leurs représentants auto-proclamés. Et bien entendu les économistes qui sont les premiers d’entre eux, ne cessent de répéter aux salariés : « Travaillez pour augmenter la fortune sociale ! » et autre « Endettez vous et consommez plus pour faire accroître le PIB ! ». A ceux qui depuis le début du XIXe siècle interpellent le « mouvement syndical » [2] en les mettant en garde que « les travailleurs eux-mêmes en coopérant à l’accumulation des capitaux productifs, contribuent à l’événement qui, tôt ou tard, doit les priver d’une partie de leur salaire » (Cherbuliez), les économistes de répondre : « Travailler, travaillez toujours pour créer votre bien-être ! » [3]. Les philosophes moralistes sont également de ceux qui pour Lafargue ont inventé le dogme du travail. Leur maxime favorite comme l’écrit Fichte est que « chacun doit pouvoir vivre de son travail, tel est le principe. ‘‘ Pouvoir vivre ’’ est ainsi conditionné par le travail, et il n’est de droit que lorsque cette condition a été remplie » [4]. L’industriel américain Taylor (fondateur du taylorisme) est également un des piliers de cette idéologie qui empreint notre imaginaire occidental et notamment syndical. Il a théorisé la volonté de créer « l’homme-bœuf » [5], c’est-à-dire que « l’une des toutes premières aptitudes requises d’un homme capable de faire de la manutention (...) est d’être si bête et flegmatique que sa tournure d’esprit le rapproche davantage du bœuf que de tout autre chose. Un homme qui a un esprit alerte et intelligent est pour cette raison même totalement inapte à assumer l’écrasante monotonie de ce genre de travail ». Le taylorisme sera condamné par une Commission d’enquête parlementaire américaine (cf. Ariès) qui siègera entre octobre et février 1912 car jugé destructeur des identités collectives et solidarités : on lui reprochait de promouvoir un système dans lequel « le bon ouvrier » (l’homme de métier, c’est-à-dire celui avec lequel Jean-Pierre Pernaut a construit son très correct journal de 13 heures) n’aurait plus sa place. Mais malgré cette condamnation d’une commission parlementaire, le pouvoir politique américain n’empêchera pas l’Organisation Scientifique du Travail (O.S.T.) de se généraliser et de décimer les cultures de métiers.

Un autre grand industriel américain, Henry Ford participe à l’élaboration de l’idéologie du Travail. Mais au contraire du « méchant Taylor » que nos « économistes » (nom de code pour désigner les prêtres à courtes et longues robes de l’église économique) condamnent dans leur grande majorité, « le gentil » Henry Ford est encore leur saint-patron. Le Fordisme est sa doctrine de l’organisation rationnelle (c’est-à-dire efficace, et elle l’est !) du travail. Cependant l’homme mériterait tout de même a être mieux connu : antisémite notoire, grand admirateur du nazisme et d’Adolf Hitler, il est surtout l’auteur d’un ouvrage ignoble dénonçant l’existence d’un complot juif.

Mais cette idéologie du travail, les bureaucraties syndicales en ont même fait un programme de revendications. C’est une des lucidités de Lafargue que d’avoir reconnu cette perversion du mouvement ouvrier qui luttait à l’origine contre le salariat, le machinisme, c’est-à-dire pour une vie décente. Les représentants politiques et syndicaux auto-proclamés des milieux salariés, ont alors abandonné l’idée que le socialisme ne soit possible que par l’extension à l’ensemble des sphères de la socialité, de la sensibilité morale populaire, ce qu’Orwell a appelé la « common decendy », ce sens moral de l’homme ordinaire [6]. Les professionnels de la représentation et des luttes spectaculaires (au sens de Debord), n’ont alors eu que pour seul projet d’émancipation, l’économisme et le juridisme révolutionnaires, plus connus sous le nom de capitalisme à visage humain. « Si déracinant de son cœur le vice qui la domine et avilit sa nature, la classe ouvrière se levait dans sa force terrible, non pour réclamer les Droits de l’homme, qui ne sont que les droits de l’exploitation capitaliste, non pour réclamer le Droit au Travail, qui n’est que le droit à la misère, mais pour forger une loi d’airain, défendant à tout homme de travailler plus de trois heures par jour, la Terre, la vieille Terre, frémissant d’allégresse, sentirait bondir en elle un nouvel univers... Mais comment demander à un prolétariat corrompu par la morale capitaliste une résolution virile ? » [7] Le droit au travail (et aujourd’hui sa défense négative par les forces syndicales dites « antilibérales » ou « altermondialistes ») a été une idée inculquée par l’adversaire : les victimes elles-mêmes courent ainsi au-devant de leurs propres malheurs, et elles en redemandent ! Ce sont les salariés (du public comme du privé) qui demandent de toutes leurs forces - parfois les armes à la main ou avec le pavé facile - d’être enchaînés à leurs outils de travail. Et à vouloir rentrer dans le jeu de l’acceptation du salariat, tous les Besancenot de la Terre, les Thibault et autres Chérèque, ne sont finalement que « ce florissant personnel syndical et politique, toujours prêt à prolonger d’un millénaire la plainte du prolétaire, à seule fin de lui conserver un défenseur » [8]. Le mouvement ouvrier : un mouvement pour le travail. Tant que cette gauche progressiste ne s’évertuera pas à « jeter aux oubliettes le droit du travail qui, dans la réalité n’est que droit à la détresse du corps et de l’esprit, et donc un interdit de tout espoir de liberté et de plein vivre », alors « la vraie vie, celle de tous les rêves de tous les temps, celle qui devrait assurer l’épanouissement de la nature humaine dans toutes ses nuances, est [et sera] annihilée ante litteram par l’étouffante et médiocre captivité du salariat » [9]. Ce que dénonce Lafargue n’est pourtant pas seulement la revendication syndicale d’un droit du Travail comprenant tous les acquis sociaux encadrant la forme contractuelle du salariat, et qui fait trop souvent l’unique revendication de notre Gauche et Extrême-Gauche progressiste actuelle, même quand elle soutient (envers et contre tout) qu’elle est encore « révolutionnaire ». « C’est précisément alors que, sans tenir compte de la démoralisation que la bourgeoisie s’était imposée comme un devoir social, les prolétaires se mirent en tête d’infliger le travail aux capitalistes. Les naïfs, ils prirent au sérieux les théories des économistes et des moralistes sur le travail et se sanglèrent les reins pour en infliger la pratique aux capitalistes » [10]. Ah !dictature du prolétariat quand tu nous tiens...

Domination du travail mort et Abolition du travail aliéné. Pour une activité créatrice.

L’idéologie du travail résulte d’une confusion largement entretenue entre ce qui relève de l’activité libre et de l’activité aliénée. Cette confusion prend chez les néo-marxistes une de ses formes dans l’opposition entre le capital et le travail, supposant que derrière le travail mort il y ait encore une once de travail vivant [11]. Comme l’écrit Edgar Morin, « la notion de travail correspond à la prosaïsation des occupations productrices » [12]. Le travail salarié est lié à la nécessité de se procurer de l’argent. Mais le travail salarié est donc un moyen de se procurer de l’argent, qui lui-même est un moyen détourné pour satisfaire nos besoins (dormir, manger, boire, etc). Cependant ce détournement du processus de satisfaction de nos besoins, par l’acquisition d’argent grâce au salariat, nous dépossède (toujours plus) de notre propre autonomie, de cette maîtrise de nos propres conditions de vie. De fin l’humain salarié devient simple moyen. Il perd radicalement son autonomie. Comme être vivant et pensant, je dispose d’un potentiel d’activité que je puis exercer de façon autonome, mais également vendre à quelqu’un qui trouve intérêt à s’en rendre maître (gymnastique quotidienne que fait la plupart d’entre nous, dont l’objectif selon le bon mot de Lafargue aboutit à « mercurialiser son corps »). C’est ce que le philosophe (très mal compris par ceux qui s’en réclament) Charles Marx, appelle la cession marchande de sa propre force de travail en échange d’un salaire. Désormais vous ou moi, ne travaillons plus pour des utilités correspondantes à nos besoins mais pour obtenir de l’argent.

Marx opposait alors le travail objectif (un travail mort qui est celui du salariat) et le travail vivant (traversé de part en part par la subjectivité de celui qui travaille). Cette seconde forme - qui est et reste la forme fondatrice de la première -, n’est pas mesurable ou quantifiable (donc échangeable) contre un somme d’argent sensée nous rémunérer. Elle génère une « valeur vécue » (et non pas abstraite comme celle du salaire), impalpable et non objectivable. Elle est une sorte d’instinct artistique, un pouvoir de créativité, le déploiement de notre subjectivité radicale. Ainsi note encore Edgar Morin, « la notion de travail devrait dépérir au profit de la notion d’activité, laquelle combine l’intérêt, l’engagement subjectif, la passion, voire la créativité, c’est-à-dire la qualité poétique ». A l'inverse, la forme du travail salarié est pour Marx un travail mort, c’est-à-dire pour lequel la créativité qui la traversait a été mise hors jeu, annihilée. Cette forme « a-subjective » du travail (comme l’on parlerait d’a-théisme) n’est pas vivante car elle n’est faite que de non-vivant, elle fait de chaque salarié un spectre, c’est-à-dire un spectateur de sa propre vie. Marx qualifie alors cette forme spectrale du travail, d’aliénée, car elle est un travail qui va être mesuré, jaugé, quantifié par divers traitements abstraits - par rapport à l’essence subjective du travail - pour être vendue.

Mais ce travail ne nous aliène pas seulement dans notre subjectivité radicale, il détériore (toujours plus) notre organisme corporel qui « se délabre rapidement, les cheveux tombent, les dents se déchaussent, le tronc se déforme, le ventre s’entripaille, la respiration s’embarrasse, les mouvements s’alourdissent, les articulations s’ankylosent, les phalanges se nouent » [13]. Quand l’amiante et autres « maladies du salariat », ne vous tuent tout simplement pas ! Il y a en effet bien une « double folie des travailleurs » qui est de se tuer au travail et de végéter dans l’abstinence en ne consommant pas ce qu’ils produisent directement. Tant qu’il repose sur l’exploitation, la domination et la perte de son autonomie : le travail est à fuir ! Il faut mater notre passion extravagante pour le travail et nous obliger à consommer les marchandises que nous produisons. Nous ne travaillerons plus mais nous aurons beaucoup d’activités.

L’alternative à la soumission au Travail c’est la constitution de la société autonome.

Certains pourraient déjà continuer à lire les idées contenues dans ce texte en ne les considérant plus qu’avec une sympathie amusée, et ils en resteraient là. C’est peut-être qu’il n’est guère opportun de trop bouleverser notre petit potager des idées reçues. Il faut changer de révolution, car en effet, « l’autonomie, telle est bien la question centrale, aujourd’hui plus que jamais » [14]. On ne peut plus rester attacher à une classe-sujet quand le capitalisme a très largement transformé le producteur en un consommateur. Cela a été la lucidité de l’Internationale Situationniste d’élargir radicalement la définition du fameux « prolétariat » : sont les prolétaires « tous ceux qui n’ont aucun pouvoir sur leur vie et qui le savent » [15]. La société autonome notamment telle que la pensent Castoriadis et Illich, voilà de quoi permettre aux héritiers des premiers socialismes de dégager ici et maintenant (et non pas au-delà de la crête de l’horizon), un projet positif et radical. C’est aussi donner une positivité à la critique sans concession du capitalisme. La sortie du système productiviste et travailliste actuel suppose en effet une toute autre organisation dans laquelle le loisir et le jeu soient valorisés à côté du travail. Ce dernier devenu enfin activité et créativité, « deviendra un condiment de plaisir de la paresse, un exercice bienfaisant à l’organisme humain, une passion utile à l’organisme social que lorsqu’il sera sagement réglementé et limité à un maximum de trois heures par jour » [16].

Comme l’écrit de façon visionnaire Lafargue, « la quantité de travail requise par la société est forcément limitée par la consommation et par l’abondance de la matière première » [17]. Et cela même dans une pseudo économie qui n’aurait d’ « immatérielle » que le nom. Néo-marxisme (altermondialisme) et libéralisme ont pourtant comme point commun de faire de la rareté la malédiction permanente pesant sur les humains, et de la poursuite de l’abondance la condition de leur émancipation. Ils pensent que c’est l’abondance (permise par les bases matérielles de la croissance économique) qui permettra « l’élévation du niveau de vie » c’est-à-dire l’ obtention d’un « minimum vital ». Or la rareté est en réalité totalement fictive, elle est l’illusion naturelle des économistes libéraux et des sociaux-économistes critiques (marxistes ou « atermondialistes »). Car « ces misères individuelles et sociales, pour grandes et innombrables qu’elles soient, pour éternelles qu’elles paraissent, s’évanouiront comme les hyènes et les chacals à l’approche du lion, quand le prolétariat dira : ‘‘ Je le veux ’’ » [18]. L’anthropologue Marshall Salhins est largement venu corroborer ces vues [19] : Nos ancêtres de l’âge de pierre ne travaillaient pas 35 heures par semaine pour satisfaire leurs besoins. Ils ne faisaient que trois ou quatre heures de « travail » par jour pour assurer la satisfaction des besoins du groupe. L’âge de pierre n’était pas un âge de la rareté mais de l’abondance.

Dès 1981, Jacques Ellul fixait comme objectif la réduction drastique du temps de travail. Les 35 heures ? Non, « c’est totalement désuet ». Le but à atteindre : deux heures par jour [20]. Certes, reconnaît-il cela n’est en rien facile ni sans risques : « Je sais très bien ce que l’on peut objecter : l’ennui, le vide, le développement de l’individualisme, l’éclatement des communautés naturelles, l’affaiblissement, la régression économique ou enfin la récupération du temps libre par la société marchande et l’industrie des loisirs qui fera du temps une nouvelles marchandise ». Mais s’il imagine facilement « ceux qui vivront collés à leur écran TV, ceux qui passeront leur vie au bistrot », etc., il se dit convaincu qu’ainsi « nous serons obligés de poser des questions fondamentales : celles du sens de la vie et d’une nouvelle culture, celle d’une organisation qui ne soit pas contraignante ni anarchique, l’ouverture d’un champ de nouvelle créativité... Je ne rêve pas. Cela est possible. (...) L’homme a besoin de s’intéresser à quelque chose et c’est de manque d’intérêt que nous crevons aujourd’hui ». Avec du temps libre [21], et des possibilités d’expression multiples, « je sais que cet homme ‘‘ en général ’’ trouvera sa forme d’expression et la concrétisation de ses désirs. Cela ne sera peut-être pas beau, ce ne sera peut-être pas élevé ni efficace ; ce sera Lui. Ce que nous avons perdu » [22].

Serge Latouche dégage alors quatre facteurs pour la création d’une société autonome débarrassée du travail : « 1) La baisse de la productivité incontestable due à l’abandon du modèle thermo-industriel, 2) La relocalisation des activités et l’arrêt de l’exploitation du Sud, 3) La création d’emplois pour tous ceux qui le désirent, 4) Un changement de mode de vie et la suppression des besoins inutiles. Les deux premiers jouent dans le sens d’un accroissement de la quantité de travail, les deux derniers en sens contraire. Mon sentiment est que la satisfaction des besoins d’un mode de vie convivial pour tous peut être satisfaite en s’orientant vers une diminution sensible des horaires du travail obligatoire » [23]. Nous pourrions ainsi arriver à terme à nous « activer » (et pas travailler) qu’une vingtaine d’heures par semaine (soit deux ou trois heures par jours).

Ces élucubrations sur la sortie du travaillisme ne sont pourtant pas de simples jeux de langage de paresseux. En effet, certains « experts » (nom de code pour « crétin d’Etat »), peut-être un peu moins paresseux que les autres, « affirment que la troisième révolution technologique a multiplié par quatre la productivité dans les pays les plus industrialisés. Ils en tirent la conclusion que le temps de travail salarié, à condition de mieux le distribuer et d’en organiser différemment le partage, pourrait se limiter à une durée de deux heures - moins encore que les trois heures préconisées par Lafargue ! » [24].

Il est bien sûr évident « que le temps gagné n’est pas du temps non aliéné puisque consacré à la télévision et aux loisirs marchands » [25]. Alors il faut certainement réinvestir la paresse, la créativité, la vie ordinaire. Mais également comme « le travail emporte tout le temps et [qu'] avec lui on n’a nul loisir pour la République et les amis » [26], ce temps libéré doit nous permettre de disposer (enfin) des moyens pour faire de la vie publique une chose véritablement publique. La démocratie participative voire directe pourront dès lors être nos horizons d’attente et de réalisation concrète. Après faut-il défendre l’idée d’un « revenu universel inconditionnel » comme le pensent certains ? Ou encore faut-il revendiquer le passage aux « 32 heures pour tous » ? Il nous faut pourtant garder à l’esprit qu’il peut y avoir là (trop souvent) l’illusion de l’homme politique comme celle (toute autre) du citoyen [27]. Il faut peut-être préférer poser quelques balises et réaliser l’autonomie concrète, que verser dans une planification réglementaire qui glisserait trop rapidement vers une technocratie-écologiste. Certes, le revenu universel inconditionnel est peut-être intéressant pour mettre à bas la première formule de l’idéologie du travail, « Qui ne travaille pas, ne mange pas ! », mais il a le désagrément de nous renvoyer immédiatement vers une architecture de celle du type de l’ « ogre philanthropique » de l'Etat social, selon le mot d’Octavio Paz. Certes, difficile de croire à la génération spontanée, et la sortie de l’idéologie du travail pour tous est un point de mire qui doit être atteint par paliers. On retrouve là nombreux débats du début du Xxe siècle sur le possibilisme.

De toute façon, dans une société autonome où l’économie serait relocalisée, « du moment que les produits européens consommés sur place ne seront pas transportés au diable, il faudra bien que les marins, les hommes d’équipe, les camionneurs s’assoient et apprennent à se tourner les pouces » [28].

Que la crise s’aggrave !

Que la vie l'emporte !


Notes :

[1] Comme le note Paul Ariès, « ne banalisons pas, par haine du travail aliéné, les jobs précaires. Il est certain cependant que tant que le travail reste aliéné ; tant qu’il repose sur l’exploitation et la domination : le travail est à fuir ! » dans Décroissance ou barbarie, Golias, 2005, p. 105.

[2] Nom de code pour désigner tous ceux qui s’autoproclament représentants du monde salarié.

[3] Paul Lafargue, Le Droit à la paresse, Mille et une nuits, 1994, p.23.

[4] Fichte, Fondements du droit naturel selon les principes de la doctrine de la science, 1797. Cité dans Groupe Krisis, Manifeste contre le travail, Léo Scheer, 2002 (1999).

[5] Paul Ariès, op. cit., p.104.

[6] J.C. Michéa, Orwell, anarchiste tory et Orwell éducateur, aux éditions Climats.

[7] Paul Lafargue, op. cit., p. 47.

[8] Guy Debord, In Girum imus nocte et consumimur igni, 1978.

[9] Gigi Bergamin, « Eloge de la vraie vie », postface à Paul Lafargue, op. cit., p. 68.

[10] Paul Lafargue, op. cit., p. 37.

[11] Cf. Groupe Krisis, op. cit.

[12] Edgar Morin, Pour une politique de civilisation, p.52.

[13] Paul Lafargue, op. cit., p.34.

[14] cf. l’excellent ouvrage de Matthieu Amiech et Julien Mattern, Le Cauchemar de Don Quichotte. Sur l’impuissance de la jeunesse d’aujourd’hui, Climats, 2004. Sur l'histoire des mouvements autonomes des années 70-80, les impasses inhérentes à leurs formes de luttes et de leurs projets, et leurs dérives, on peut lire le mémoire de maîtrise de science politique de Sébastien Schifres, disponible en ligne, http://sebastien.schifres.free.fr/ .

[15] Union Nationale des Etudiants de France, Association Fédérative Générale des Etudiants de Strasbourg, De la misère en milieu étudiant. Considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier, 1966.

[16] Paul Lafargue, op. cit., p.28.

[17] Ibidem, p. 42. Certes l’on sait que les besoins d’objets libidinaux se sont largement substitués aux besoins réels. Il faut noter également que Lafargue comme la quasi-totalité des penseurs de Gauche, pensait grâce à l’automation faire disparaître les travaux pénibles, ce vieux rêve déjà présent chez Aristote. « C’est parce que vous travaillez trop que l’outillage industriel se développe lentement », p. 45. Ou encore « Pour forcer les capitalistes à perfectionner leurs machines de bois et de fer, il faut hausser les salaires et diminuer les heures de travail des machines de chair et d’os », pp. 45-46. « La machine est le rédempteur de l’humanité, le Dieu qui rachètera l’homme des sordidae artes et du travail salarié, le Dieu qui donnera des loisirs et la liberté », p.59. La fin du travail comme la pense Lafargue intègre ainsi les gains de productivité rendus possibles par le machinisme. Cette position était encore présente dans l’Ultra-gauche, chez un Asger Jorn ou un Murray Bookchin par exemple, jusqu’à (notamment) l‘aventure des éditions de l’Encyplopédie des Nuisances à partir des années 1990 qui a su engager la critique de l’industrie et de la technique. Il manquait à cette Ultra-Gauche technophile la lecture de Salhins, Clastres, Husserl, Anders, Arendt, Heidegger, Henry, Orwell, Adorno et Marcuse. Ils ne lui manquent plus.

[18] Ibidem. P.28.

[19] Marshall Salhins, Age de pierre, âge d’abondance, Bibliothèque des sciences humaines, Gallimard.

[20] Ellul s’inspire de deux ouvrages d’Adret, Deux heures par jour et du même auteur La Révolution des temps choisis.

[21] Pour une critique correcte du temps libre marchandisé cf. Guy Debord, La Société du Spectacle, Chapitre VI « Le temps spectaculaire ».

[22] Jacques Ellul, Changer de révolution cité par Jean-luc Porquet in J. Ellul L’homme qui avait (presque) tout prévu, Ed. Le Cherche Midi, 2003, pp. 212-213. Repris de Latouche ci-dessous.

[23] Serge Latouche, « Deux heures de travail par jour ? », dans La Décroissance, n°23, septembre 2004, p.7.

[24] Gigi Bergamin, op. cit., p. 72.

[25] P. Ariès, op. cit., p. 106.

[26] Citation de Xénophon, in Lafargue, op. cit., p. 58.

[27] J. Ellul, L’illusion politique.

[28] Paul Lafargue, op. cit., pp. 47-48.

brayon
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Message par brayon » 25 mai 2006, 12:56

Pour répondre a kobayashi:
Je suis éleveur et producteur de lait, et j'ai 29 ans.
Je suis tres conscient des enjeux sur le po et a ma petite echelle, j'essaye de mettre en place des techniques économes pour nourrir mes vaches.
A titre perso, je refais du potager ( bio), j'éleve des poules pour les oeufs, je fais mon fromage, et je produis également du cidre ( en bio).
Je ne suis pas plus blanc que blanc et mon exploitation est encore en conventionnel...

Je ne partage pas ton analyse ( trop longue!!!!) sur la valeur du travail.

Mesjournées sont assez longues: je demarre vers 6 h et termine vers 19 h, mais mon métier me passionne!!! et je ne compte pas mes heures...
je suis autonome: pas de patron derriere moi, je vis au rytme des saisons, je travail avec du vivant ( mes vaches)....mais par contre je suis tres loin des 35 h et encore plus loin des 32 h!!!

En plus de mon métier a proprement dit, et pendant les beaux jours je fais mon potager ( bio) en soirée, ce qui me plait énormement car je prefere biner mes salades en discutant avec mes voisins que de regarder passivement les conneries de la tv...
Ce que je veux dire par la, c'est que si tu veux plus d'autonomie, ce n'est pas avec une société " oisif" que cela se passera...( je ne connais pas ta situation), mais si tu fais vraiment du jardin,t'occupe d'un poulailler et d'animaux, tu sais ce que cela veux dire, si ce n'est pas le cas, commence par en faire et tu me comprendras!!! ;) : c'est un peu plus pénible que d'en acheter en supermarché...

J'espere que tu ne prendras pas mal mon petit post, ce n'est vraiment pas mon objectif, mais j'insiste sur le fait qu'une société "oisif" n'est vraiment pas la panacée...

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Message par toto » 25 mai 2006, 13:21

Je n'ai pas lu le post de Kobayashi, je ne comprends rien.
Il fait référence à Lafargue qui se situe en opposition à Marx et au capitalisme je crois.
Le "travail" agricole est un peu hors lutte capitalisme/marxisme.
Le mouvement anarchiste se situe également hors de cette problématique.

De mon humble avis, le PO met tout le monde d'accord, je pense que le capitalisme ne va pas survivre et va entraîner avec lui le communisme et l'anarchisme. (je vais m'faire encore des copains!).
La notion de travail telle qu'on la vit actuellement va donc sauter.
Il va falloir vivre, et pour cela il vaut mieux se retrousser les manches, cracher dans ses mains et ne pas faire semblant avec le manche de pelle.

Il est donc important de faire une critique du travail, comme il est important de se préparer à mouiller la chemise.
Un coup de spleen? Oléocène et ça repart! (des fois)

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Message par Tiennel » 25 mai 2006, 13:52

Encore un texte écrit par un célibataire :
Nos ancêtres de l’âge de pierre ne travaillaient pas 35 heures par semaine pour satisfaire leurs besoins. Ils ne faisaient que trois ou quatre heures de « travail » par jour pour assurer la satisfaction des besoins du groupe.
Essaie seulement en 3-4 heures par jour de t'occuper d'un foyer collectif (pas forcément celui d'une seule famille) et d'une ribambelle de gamins (éducation, soins médicaux, lavage, etc), sans machine à laver, eau courante et gaz à tous les étages !
Et les moines du Moyen-Age, très "décroissants" dans leurs pratiques quotidiennes, trimaient toute la journée alors qu'ils n'avaient pas de progéniture !
Bref, pour moi tout cela c'est encore de la belle théorie fumeuse - surtout quand on sait que nous sommes face à la plus grande crise énergétique que l'Homme n'ait jamais connue - chose que ni Marx ni Ellul n'ont jamais pris en compte. Ils vivaient dans un monde ou l'énergie fossile (charbon, pétrole) était inépuisable.

Ce point de vue a déjà été posté sur le forum de décroissance.info. Je pense qu'il vaut mieux poursuivre la discussion là-bas...
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Message par Tiennel » 25 mai 2006, 14:03

D'ailleurs koyabashi est administrateur de ce forum. De la même façon qu'éconologie, il semble vouloir élargir son audience. Pour l'instant c'est raté.
Qu'il persiste et le Grand Cric va le croquer ;)
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Message par Geispe » 25 mai 2006, 15:06

pas lu tout le baratin trop long, mais
Nos ancêtres de l’âge de pierre ne travaillaient pas 35 heures par semaine pour satisfaire leurs besoins. Ils ne faisaient que trois ou quatre heures de « travail » par jour pour assurer la satisfaction des besoins du groupe.

Essaie seulement en 3-4 heures par jour de t'occuper d'un foyer collectif (pas forcément celui d'une seule famille) et d'une ribambelle de gamins (éducation, soins médicaux, lavage, etc), sans machine à laver, eau courante et gaz à tous les étages !
Et les moines du Moyen-Age, très "décroissants" dans leurs pratiques quotidiennes, trimaient toute la journée alors qu'ils n'avaient pas de progéniture !
à l'âge de pierre on n'avait pas les mêmes besoins qu'aujourd'hui, de sorte qu'on travaillait moins.
Dans le futur (et la fin du pétrole va nous y aider) tout est à revoir... notamment l'organisation et la répartition du travail - la notion de ce qu'est du travail aussi - dans ce que tu appelles un "foyer collectif". P.ex. dans une société perfectionnée et évoluée, il n'y a pas d'éducation, de soins médicaux, de "lavage" en tous cas sous forme de "travail", on ne s'occupe pas tout seul d'une ribambelle de gamins, etc... Ce sont des activités hypertrophiées (comme le travail d'ailleurs) de notre société moderne parce que devenues lucratives.
Quant aux moines du moyen-âge, à mon avis ils se la coulaient douce tout en s'occupant agréablement. (cf.Jeanne Bourin - "Le moyen âge, époque bénie".

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Message par toto » 25 mai 2006, 16:18

Tout a fait Geispe. Mais quand il y a une tache a faire, il la faut faire de suite et ne pas avoir peur de mouiller la chemise. La survie du groupe peut en dépendre.

Pour ce qui est de l'attrait d'Oléocène, c'est la rançon de la gloire. Ce que je note, c'est que malgré les différents qui caractérisent les individualités des posteurs Oléocène, il y a néanmoins une certaine unité vis à vis de ceux qui voudraient faire de l'entrisme.
Un coup de spleen? Oléocène et ça repart! (des fois)

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Message par kobayashi » 25 mai 2006, 17:17

Je regrette quand même un peu les quelques idées reçues qui réagissent un peu trop spontanément parfois. Mais en effet, la longueur de ce texte, peut rapidement faire oublier de le lire... et j'en suis alors le premier responsable. :-D

Je crois qu'en effet, généralement, on ne vient pas des mêmes parcours de réflexion. Votre forum est spécialisé sur le pic oil, decroissance.info sur la critique de la croissance économique. Alors on ne lit pas les mêmes choses, on a pas totalement le même type de conclusions sur la crise énergétique, etc.

Cependant, il me semble, que nous avons beaucoup plus en commun que d'éléments qui nous départagent. Trop souvent les différentes réflexions militantes fonctionnent en vase clos : on a les bleus, les blancs, les noirs, les décroissants, les pic-oileurs, etc. Sur chacun de ces sujets, une sorte de culture forum se crée, une culture de l'entre-soi, une identité de bande (des phénomènes tribaux dirait le sociologue Maffesoli).

Mon intervention sur votre forum ne se veut sincèrement en rien agressive (pourquoi parler d' " entrisme " ? il faut que je demande ma carte au parti... :-( ). Je cherche seulement à faire des ponts entre des mondes de réflexion qui me semblent tourner un peu en vase clos. Par exemple, dans les forums décroissance, il y a très peu de réflexions intéressantes du type de celles que vous menez ici. Il me semble que votre forum reproduit également les mêmes travers inhérent à tout forum. On parle toujours à peu près des mêmes choses. Sur decroissance.info se sera : la critique de la technique, la décolonisation de l'imaginaire, le luddisme, l'autonomie collective, la critique du développement, la bio-économie, la simplicité volontaire, etc ; et se sera toujours les mêmes auteurs qui reviennent (Latouche, etc). Sur votre forum se sera...

Je ne sais pas si quelqu'un connait Edgar Morin, un auteur que j'aime beaucoup. Il disait que l'important n'était pas de systématiser les réflexions et les luttes, mais de les systémiser, de les relier (même si bien sûr on a tous des points de vue qui restent souvent divergents). De faire en sorte que 1+1+1+1+1 = 10000 !

Trop souvent, dans nos rangs par exemple sur decroissance.info, nos réflexions se sont jamais globales, mais spécialisées, séparées, parcellaires, etc. Les forums reproduisent hélas, cette division intellectuelle de la réflexion globale, ce qui nous empêche de faire des ponts avec d'autres réflexions pertinentes, et rencontrer des gens qui se passionnent pour d'autre sujets de discussion.

bon enfin, je marrête sino je vais finir par poster un truc qui dure trois plombe :-D

Brayon a écrit :
Ce que je veux dire par la, c'est que si tu veux plus d'autonomie, ce n'est pas avec une société " oisif" que cela se passera...
je suis entièrement d'accord. Je ne décris nullement une société oisive, même si en effet le titre du bouquin du gendre de Marx (le droit à la paresse) pourrait faire penser à cela.

En fait plusieurs disent qu'une fois arriver le pic oil (désolé n'étant pas des votre, je n'ose encore dire PO :) ), il faudra en effet plus travailler.

Ce débat a eu lieu dans le journal La Décroissance. Cheynet soutenait exactement ce point de vue, tandis que Latouche soutenait à peu près le point de vue que je développe dans le texte-très-long.
Serge Latouche dégage alors quatre facteurs pour la création d’une société autonome débarrassée du travail : « 1) La baisse de la productivité incontestable due à l’abandon du modèle thermo-industriel, 2) La relocalisation des activités et l’arrêt de l’exploitation du Sud, 3) La création d’emplois pour tous ceux qui le désirent, 4) Un changement de mode de vie et la suppression des besoins inutiles. Les deux premiers jouent dans le sens d’un accroissement de la quantité de travail, les deux derniers en sens contraire. Mon sentiment est que la satisfaction des besoins d’un mode de vie convivial pour tous peut être satisfaite en s’orientant vers une diminution sensible des horaires du travail obligatoire » [23]. Nous pourrions ainsi arriver à terme à nous « activer » (et pas travailler) qu’une vingtaine d’heures par semaine (soit deux ou trois heures par jours).
Mais plus largement ce que je développe dans le texte, c'est que le travail tel que nous le connaissons aujourd'hui est marqué historiquement, il n'est nullement quelquechose qui existerait naturellement, en tout lieu et de tout temps. Il y a donc une dimension idéologique à ce travail : il existe une " invention du travail " dit Latouche, se transformant en une idéologie du Travail.

Pour résumer mon propos, notamment celui de la seconde partie du texte, l'abolition du travail n'entraine pas l'oisiveté, mais des activités (et énormément d'activités). Si l'on dé-s'idéologise le Travail, il y a l'activité vivante qui ne revet plus les formes du travail (calcul horaire, salariat, valeur d'échange, profit, etc).

toto a écrit :
De mon humble avis, le PO met tout le monde d'accord, je pense que le capitalisme ne va pas survivre et va entraîner avec lui le communisme et l'anarchisme. (je vais m'faire encore des copains!).
La notion de travail telle qu'on la vit actuellement va donc sauter.
entièrement d'accord

Tiennel :
Encore un texte écrit par un célibataire
désolé j'suis polygame :-D

a+

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Message par toto » 25 mai 2006, 17:36

A te lire, j'ai l'impression de relire les textes "confidentiels" des JCR.
Achète-toi un vélo couché, va faire un tour, pète un coup et ça ira mieux après.
Un coup de spleen? Oléocène et ça repart! (des fois)

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Message par sceptique » 25 mai 2006, 19:28

Je trouve que sur Oleocene on est assez éclectique. On fait feu de tout bois. ;) . Et on ne se prend pas trop au sérieux avec des théories fumeuses. Du concret vous dis-je, du concret ! Dés que quelqu'un sort une solution "miracle" au problème de l'énergie c'est la curée ! :-D
(qui se sent visé ?)

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Message par Cholsu » 25 mai 2006, 20:33

Oui mais,

pêcher plus de poissons ne fait que diminuer le stock et rendre la pêche plus difficile.

Travailler la terre en profondeur l'abime et rend l'apport d'engrais nécéssaires.

Donc, faut pas toujours trop en faire.

A la limite, si l'espèce humaine ne contenait pas sans cesse des petits malins qui trouvent des moyens de capturer plus rapidement de plus grandes quantités d'énergies, on serait cueilleur, chasseur. Moins nombreux certes, mais moins dépendant de nos belles inventions.

En fait, le problème avec la technologie et le travail. C'est qu'on a beau faire, nos désirs sont infinis. La demande croit. Donc on fait du surplace en courant de plus en plus vite.

Faut se calmer...
Pénurie énergétique ! Le charbon paraît la seule alternative réaliste...
Elle est cependant inacceptable.
Surtout prenons garde au changement climatique !

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Message par th » 25 mai 2006, 20:40

kobayashi a écrit :
toto a écrit :De mon humble avis, le PO met tout le monde d'accord, je pense que le capitalisme ne va pas survivre et va entraîner avec lui le communisme et l'anarchisme. (je vais m'faire encore des copains!).
La notion de travail telle qu'on la vit actuellement va donc sauter.
entièrement d'accord
Si le capitalisme saute, dans un contexte de penuries energetique et de crise economique majeure, il y a des chances pour que ce soit des regimes autoritaires qui prenent la place.
C'est ce qu'a montré à plusieurs reprises le 20eme siecle.
Les formes de travails sont connues : goulag, laogai, STO, sakanovisme, kolkoses, communes populaires, ....etc.
Ce scénario me semble helas plus credible que celui de Latouche.

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Message par sceptique » 27 mai 2006, 15:47

brayon a écrit :Pour répondre a kobayashi:
Je suis éleveur et producteur de lait, et j'ai 29 ans.
Je suis tres conscient des enjeux sur le po et a ma petite echelle, j'essaye de mettre en place des techniques économes pour nourrir mes vaches.
A titre perso, je refais du potager ( bio), j'éleve des poules pour les oeufs, je fais mon fromage, et je produis également du cidre ( en bio).
Je ne suis pas plus blanc que blanc et mon exploitation est encore en conventionnel...

Je ne partage pas ton analyse ( trop longue!!!!) sur la valeur du travail.

Mesjournées sont assez longues: je demarre vers 6 h et termine vers 19 h, mais mon métier me passionne!!! et je ne compte pas mes heures...
je suis autonome: pas de patron derriere moi, je vis au rytme des saisons, je travail avec du vivant ( mes vaches)....mais par contre je suis tres loin des 35 h et encore plus loin des 32 h!!!

En plus de mon métier a proprement dit, et pendant les beaux jours je fais mon potager ( bio) en soirée, ce qui me plait énormement car je prefere biner mes salades en discutant avec mes voisins que de regarder passivement les conneries de la tv...
Ce que je veux dire par la, c'est que si tu veux plus d'autonomie, ce n'est pas avec une société " oisif" que cela se passera...( je ne connais pas ta situation), mais si tu fais vraiment du jardin,t'occupe d'un poulailler et d'animaux, tu sais ce que cela veux dire, si ce n'est pas le cas, commence par en faire et tu me comprendras!!! ;) : c'est un peu plus pénible que d'en acheter en supermarché...

J'espere que tu ne prendras pas mal mon petit post, ce n'est vraiment pas mon objectif, mais j'insiste sur le fait qu'une société "oisif" n'est vraiment pas la panacée...
J'ai pas compris grand chose au texte de kobayashi mais je trouve cette réponse excellente ! Un recadrage parfait d'un délire pseudo-intellectuel. ;)

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Message par GillesH38 » 27 mai 2006, 19:55

Moi je propose que kobayashi aille faire un petit stage de quelques mois à la ferme de Brayon, avec interdiction de toucher aux machines ! :-D
Zan, zendegi, azadi. Il parait que " je propage la haine du Hamas".

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Message par Mike.be » 27 mai 2006, 20:58

kobayashi a écrit :Trop souvent, dans nos rangs par exemple sur decroissance.info, nos réflexions se sont jamais globales, mais spécialisées, séparées, parcellaires, etc. Les forums reproduisent hélas, cette division intellectuelle de la réflexion globale, ce qui nous empêche de faire des ponts avec d'autres réflexions pertinentes, et rencontrer des gens qui se passionnent pour d'autre sujets de discussion.
Cela vient de notre culture industrielle axée sur la division du travail.
Comme le disait le futurologue Alvin Toffler ( La Troisième vague) nous sommes des spécialistes qui en connaissons toujours plus sur de moins en moins de choses.
La culture systémique n'est pas encore bien implantée dans les esprits.

Ceci dit,si j'ai bien compris le long texte, ils'agit de remplacer le travail subit tel qu'il exsiste pour la plupart d'entre nous par des activités librement acceptées et considérées comme utiles.
Bien que ce serait souhaitable, je ne pense pas que la chose soit aisée
Peut-être que le PO va arranger cela.
De toutes façons, lorsque l'augmentation de production d'énergie fossile ne sera plus possible on pourra dire adieu au développement industriel et forcément à son travail à la chaîne.
Les premiers touchés seront comme toujours les plus faibles et c'est bien pour cela qu'il faut anticiper pour éviter la casse.
L'utopie c'est ce qui n'a pas encore été essayé: Théodore Monod
Il ne faut jamais dire jamais... que ce soit pour le pire ou le meilleur

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