Formations pour l'après-pétrole

Comment mettre en pratique la décroissance et vivre dans un monde sans pétrole (les «travaux pratiques» en somme : artisanat, nourriture, etc)

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mahiahi
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Message par mahiahi » 11 mai 2006, 10:55

mahiahi a écrit : Fais attention, parce que c'est aussi le code social le plus évident d'un sous-groupe : les bobos!...
jerome a écrit : Pas faux, mais je doute qu'un bobo souhaite tout lacher pour partir dans le larzac ;)
Oh, si, il y en a... mais ils ne passent jamais à l'acte!
mahiahi a écrit : Raisonnement qui mène au productivisme et à la société de consommation!
jerome a écrit : J'avoue que je ne comprend pas le raisonnement là :?
Si tu considères que les riches n'ont pas de vrai problème, alors pour améliorer la vie des pauvres, la solution est de les enrichir : on évacue toute action spirituelle ou comportementale pour se cantoner au matériel ; comme on veut que tout le monde soit riche, c'est à dire dispose de nourriture, puis de confort matériel, on arrive à la société de consommation.
D'ailleurs, si je pousse encore le même raisonnement, les cadres ici présents doivent être heureux de leur sort
C'est quand tout semble perdu qu'il ne faut douter de rien
Dieu se rit des hommes déplorant les effets dont ils chérissent les causes
Défiez-vous des cosmopolites allant chercher loin dans leurs livres des devoirs qu'ils dédaignent remplir autour d'eux

vincent128
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Message par vincent128 » 11 mai 2006, 14:17

Bon, pour essayer d'apporter quelques infos à Pétrus : c'est pas évident du tout, ce tu demandes! Il n'y a pas une seule bonne façon de réussir, il n'y pas un seul domaine qui se développera après le peak oil...

Je n'ai jamais aimé la spécialisation : les langues, la culture, la psychologie m'intéressente autant que la physique. J'ai un parcours assez atypique : école d'ingénieur tout en pratiquant des arts plastiques. Diplôme en poche, je suis allé travailler dans l'agriculture bio pour apprendre sur le tas. (travail manuel dans la bio très alternative, pas un travail de technicien ou d'ingénieur dans la "bio intensive"). Et puis finalement, pour diverses raisons, après quelques années, j'ai décidé de laisser de côté l'agriculture bio et d'opter pour le meilleur compromis entre mes goûts personnels, mes études, et un boulot qui paie : je travaille à la promotion des énergies renouvelables. J'y travaille depuis 6 ans, et depuis ce jour, et malgré mon parcours atypique : pas un jour de chômage, après mon premier poste, j'ai changé deux fois de boulot, et à chaque fois : une lettre de motivation, un entretien, une embauche (économie de papier! ;) ).

C'est un boulot qui me plaît par son caractère touche à tout. Les compétences pointues qu'on apprend à l'école servent peu ; par contre on a besoin de compétences et de méthodes, qui tiennent presque du savoir-être et du bon sens, et qu'on apprend peu à l'école : savoir mener un projet, travailler en équipe, prendre la parole en public, mener une réunion, synthétiser ses idées en une phrase qui plaît, entretenir un relationnel, obtenir ce qu'on veut des gens, distinguer si on doit appeller, ou envoyer un fax, ou un courrier, et comment formuler la demande, pour obtenir ce que l'on veut... Se former autrement que dans les "formations"...

En même temps, je travaille dans un domaine tellement particulier qu'il y a très peu d'offres correspondant à mon profil. Mon côté touche à tout ne plairait peut-être pas beaucoup dans l'industrie. Il y a donc une certaine fragilité.

Cette expérience n'est pas généralisable en tant que telle, mais j'aurais quand même envie d'en retirer deux conseils :
1) avoir le plus haut diplôme possible, et au moins bac+5. C'est con, mais c'est comme ça : c'est un sésame qui fait que les portes s'ouvrent, et que le CV est lu avec un apriori favorable. Donc si tu as l'occasion de continuer jusqu'au niveau ingénieur, maintenant ou après 3 ans d'activité, essaies de le faire. Et pourtant, c'est chiant ces études longues, j'en sais quelque chose, j'ai failli arrêter plusieurs fois.
2) ne pas hésiter à faire des expériences atypiques tant que tu es jeune : si tu as envie de faire un tour du monde, ou d'aller travailler en Chine, ou d'être volontaire dans une ONG... c'est très utile :
- premièrement, ça t'ouvre l'esprit et te fait voir le monde, et peut-être auras-tu ensuite une meilleure idée de ce que tu veux faire dans ton boulot et de ce qui compte dans la vie ;
- c'est très formateur, sur la nature humaine, sur la débrouillardise et le bon sens, sur la façon de s'adresser aux gens et de mener des projets... Ca sert donc ensuite dans la vie professionnelle.
- c'est une façon de se distinguer, dans une époque où tous les CV de jeunes diplômés se ressemblent. Moi personnellement, je n'ai eu l'occasion de recruter que des stagiaires, pas des salariés, mais un stagiaire, ça ressemble beaucoup à un jeune diplômé. Je me méfie beaucoup des gens très jeunes, qui ont suivi un parcours linéaire et ne sont pas sortis de chez papa-maman. Une certain originalité, des expériences extra-scolaires, des voyages : ça donne des gens beaucoup plus débrouillards, qui s'adaptent, comprennent, et ne sont plus dans des raisonnements strictement scolaires... et les gens qui sont débrouillards et savent s'adapter, c'est sans doute ceux qui se débrouilleront le mieux après le Peak oil, quelle que soit leur spécialisation et leur parcours professionnel!

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Message par Apisoph » 26 mai 2006, 20:26

Vincent, est ce que tu as déja expérimenté le réseau wwoof???
Ca fait longtemps que ça me tente, j'ai encore jamais trouvé l'occas...

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Message par rammstein » 29 mai 2006, 15:29

wwoof ??!?

Kézako ?

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Message par GillesH38 » 29 mai 2006, 15:32

Tu vas seul en Chartreuse, tu te débrouilles pour trouver une meute de loup et...WWOOF :-D
Zan, zendegi, azadi. Il parait que " je propage la haine du Hamas".

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Message par rammstein » 29 mai 2006, 15:59

Tiens ? Ca a l'air sympa !

Je vais en parler à Loup Espiègle, ca l'intéressera sûrement !

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Message par Apisoph » 02 juin 2006, 11:14

"woof" c'est plutot les chiens, non? ;)

Sinon le WWOOF (Willing Workers On Organic Farms) c'est un réseau de ferme biologiques qui acceuillent gratuitement les voyageurs motivés par les pratiques en agriculture biologique, moyennant une participation aux travaux de la ferme (voir plus haut le lien dans le message de vincent128)

Ca me semble une bonne manière de s'initier concretement à l'agriculture bio... qu'en pensent ceux qui y ont déja eu recours?

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Message par vincent128 » 18 juil. 2006, 23:09

rammstein a écrit :Et pourquoi pas une formation "abattage - dépecage - boucherie" auprès d'un éleveur ou d'un chasseur ?

Préparer la viande est en effet un art qui se perd.

Rammstein
Pour ma part, j'ai déjà été une fois l'assistant d'un boucher pour l'abattage et le dépeçage d'un veau, à la ferme. Je ne dis pas que je ferais cela par goût, mais enfin, en cas de besoin, je devrais savoir à peu près comment faire!
Le fond de l'air est frais.

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Message par vincent128 » 18 juil. 2006, 23:17

Apisoph a écrit :Vincent, est ce que tu as déja expérimenté le réseau wwoof???
Ca fait longtemps que ça me tente, j'ai encore jamais trouvé l'occas...
Oui, c'est excellent! On apprend vraiment sur le tas, et on rencontre plein de gens absolument extraordinaires!

Quelques détails :
- Certaines "fermes" sont plutôt des grands jardins ou de fermes "de loisir", si on veut vraiment apprendre l'agriculture bio "productive et commerciale", il faut cibler les fermes qui apportent réellement le revenu de la personne.
- la plupart des adhérents du réseau sont des anglais, même à l'étranger. Attendez vous à parler anglais dans une ferme WWOOF, même en Italie ou en Afrique!
- à l'époque où je l'ai fait, ils demandaient à ce qu'un nouvel adhérent fasse 3 week-ends avant de pouvoir des séjours plus longs et au choix ; mais cette demande ne s'appliquait qu'aux résidents du royaume-uni. Ils comprenaient bien qu'un adhérent étranger avait besoin de pouvoir planifier d'emblée des séjours plus longs, compte tenu des distances de trajet ; surtout si on peut justifier d'une expérience dans les domaines d ela ferme, du jardinage ou d'autres travaux similaires et/ou d'une connaissance de la langue anglaise. On peut donc tout à fait démarrer le wwoofing par un mois en Afrique ou 3 semaines au royaume-uni.
Le fond de l'air est frais.

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Message par energy_isere » 27 oct. 2006, 21:29

pour Loup Espiégle, un long article de Libération.

Image
Home des bois
Dans des cabanes sans eau ni électricité courantes, ils ont opté pour un retour radical à la nature. Au coeur des montagnes cévenoles, ces techno-écolos se soustraient à la société de consommation.


Par Cécile DAUMAS, Cévennes envoyée spéciale
QUOTIDIEN : vendredi 27 octobre 2006

Le premier supermarché est à trente minutes en voiture. Dans le silence des montagnes cévenoles et le vert ciré des châtaigniers, un hameau suspendu dans les airs comme un repaire corse. Au pied de la dernière bâtisse, un sentier empierré, bordé de murets, d'ajoncs et de bruyère. «Ce chemin est génial, dit Johan (1). Vingt minutes de marche et nous sommes coupés du monde.» On grimpe, souffle coupé de citadin. Puis, en terrain conquis des sangliers, on aperçoit une construction un peu bizarre, mi-cabane, mi-hutte. Bois, paille, torchis. Un coin de feu, une terrasse ombragée. Présence de l'homme. Dans cette vallée des Cévennes, au-dessus de Montpellier, ils sont une vingtaine à vivre planqués de la civilisation. Ni eau courante, ni électricité. Pas de voiture pour transporter le confort ordinaire. Tout à dos d'homme : nourriture ou matériel de construction. Ils habitent des cabanes de bois, de grandes tentes militaires ou des clèdes, constructions de pierres utilisée sjusque dans les années 50 pour sécher la châtaigne. Ils sont en couple ou chacun chez soi. Pas de vie en communauté, mais un retour extrême à la nature. Paradoxalement, ce qui les a poussés à se retrancher dans une nature sauvage révèle des choix de notre époque.


Ecolo-modernistes

Deux hectares de terre pauvre et aride, des cultures en terrasses abandonnées et une vue imprenable sur des montagnes oppressantes. «J'ai trouvé mon paradis», dit Johan, 34 ans, silhouette souple, sourire enfantin. Suédois et blond par ses parents, allemand par une jeunesse passée à Heidelberg et à Cologne, belge par les mutations professionnelles de son père ingénieur pour des multinationales, et français depuis dix ans, il avoue se sentir «de nulle part» . «Mais, quand j'ai vu cet endroit pour la première fois de ma vie, je me suis dit : c'est là que je veux vivre.» Assis sous un auvent de bois où pendouille le crâne blanchi d'un âne, il se roule un joint. Derrière lui, un lavabo de récup alimenté par l'eau de source.
Sur le toit de sa cabane en paille et torchis, des panneaux solaires lui donnent l'énergie pour allumer un ordinateur, passer des DVD à ses deux enfants ­ ils sont en garde alternée avec leur mère installée dans le hameau en contrebas et scolarisés à l'école communale ­, écouter de la musique sur son lecteur MP3. «Le hasard a voulu que je rencontre une femme qui parlait allemand dans un supermarché de la région. C'est elle qui m'a indiqué cet endroit. Jamais je n'aurais imaginé qu'on puisse vivre de façon aussi retirée en Europe.» En ville, Johan a toujours «pété les plombs: trop de bruit, trop de sollicitations». Pour tenir le coup durant l'adolescence, il s'assomme d'alcool et de drogue. Au milieu de la forêt, c'est un garçon jovial, un peu rêveur, idéaliste. Pour la toilette, c'est douche dehors aux beaux jours, dans la maison, les soirs d'hiver, par petits bouts avec une bassine. La cuisine, sur un feu de bois en plein air ou au réchaud à l'intérieur.
Quelques terrasses plus loin, Laurent, 31 ans, nus pieds, tête ébouriffée, s'est construit une petite cabane, de la taille d'un studio parisien. Une énorme brassée de marijuana sèche dans la mezzanine. Il se souvient qu'enfant, quand il n'allait pas bien, il se réfugiait, accompagné de son chien, dans le bois près de chez ses parents. «Retiré, je me sens apaisé. J'ai travaillé deux ans en usine. Je gagnais bien ma vie, j'aurais pu continuer. Mais le monde moderne va trop vite pour moi.» Un beau jour, il est parti au volant d'un «fourgon» aménagé. Il a fait la route, fréquenté les free-parties. A Orange, son véhicule le lâche. «Je ne voulais pas finir à la rue.» Il a vidé sa camionnette et rejoint son ami Johan. Laurent écoute régulièrement les informations à la radio et possède toujours un téléphone portable, qu'il utilise pour envoyer quelques rares SMS. «Il me sert surtout de montre.»

Bio-autarciques

Ingénieure en informatique dans une entreprise américaine, trois enfants, un bon mari : durant douze ans, Anita, 49 ans, tête frisée à la Marie-Paule Belle, a joué le jeu. Puis un jour, elle a tout laissé tomber. «Je n'étais pas faite pour cette vie.» Elle a changé de métier, est partie au Canada. « Ça m'a pris dix ans pour arriver ici. J'ai de moins en moins travaillé. Je me suis de plus en plus allégée. J'ai simplifié mes besoins.» Vingt minutes de marche implique de se délester du superflu. Entre chênes verts et châtaigniers, une autre économie se met en place : non-consommation, récup, respect de la nature. «Nous vivons comme des gens du tiers-monde, remarque Anita. Nous marchons beaucoup, nous faisons du feu, nous portons des charges.» Autrefois citadins, ils cultivent tomates et aubergines, sans pesticide, se chauffent au bois de la forêt, mangent au rythme des saisons. A l'automne, champignons et châtaignes ; l'été, fruits, baies, figues. Les vêtements sont achetés à 2 euros à la Croix-Rouge. La décroissance économique en pleine cambrousse. Tous ont en tête un projet d'agriculture biologique, plus ou moins réaliste vue l'inaccessibilité des terrains. «Notre but est de ne pas dépendre d'un système», dit Johan. Couper de la société ? «De la société de consommation, oui, pas du reste.» Il continue de descendre à la ville, voir des amis, et d'aller... au supermarché acheter céréales ou café. A Noël, il commande sur catalogue les jouets des enfants. «La génération précédente, celle de 68, s'est épuisée à combattre la société, dit Johan. Nous, nous ne sommes pas contre. Nous montrons que vivre autrement est possible.»

Alter-ego

Léonore est un cas. Telle Boucle d'or, elle a passé son enfance dans une maisonnette de bois. A la fin des années 70, ses parents, Parisiens tentés par un retour à la terre, ont été les premiers à coloniser cette montagne cévenole. De 8 à 12 ans, elle était une «petite Indienne», «bout de bois» fondu dans l'élément. «Avec mes parents, nous avons déménagé trente fois au gré des crises de couple et des projets de mon père. Il avait toujours plein d'idées, avec plein de gens. Il brassait tellement d'air que cela ne donnait rien. Je crois que j'ai appris de ses erreurs.» Donc pas de vie en communauté, mais une existence à deux, elle et son ami, Kamel, dans une clède aménagée à dix minutes à pied de chez Johan, Laurent et Anita. «Les premières années, je marchais pieds nus», dit Léonore. Depuis, elle a remis des chaussures pour aller plus vite sur le chemin. Quand elle croise les autres de la montagne, ils se disent bonjour, échangent quelques mots comme dans un immeuble des villes. «Nous ne vivons pas en communauté, nous ne sommes pas des babas, dit Johan. Nous sommes indépendants, mais, en cas de problème, nous nous entraidons.» Aucun projet en commun, à peine une soirée passée ensemble. Chacun chez soi. L'hiver, entre le froid et le jour qui décline à 17 heures, Léonore et son ami peuvent se coucher à 20 heures. D'autres écoutent ou jouent de la musique, fument des pétards. «Il faut savoir supporter le calme, le silence, la solitude, être face à soi-même», dit Laurent.

Bricolo-RMistes

«Sans diplôme, tu grattes la misère.» A 16 ans, Kamel a quitté sa Belgique natale. D'origine kabyle par son père, il dit retrouver ici l'esprit des montagnes de ses ancêtres. «J'avais le choix entre un petit boulot sans avenir et le business de la cité. Plus le racisme ordinaire. J'ai préféré tout quitter.» Sur le chemin, on le croise avec son cheval, une bonbonne de gaz ficelée sur le dos de l'animal. Quand il s'est installé il y a dix ans avec Léonore, ils n'avaient pas d'eau sur leur terrain. «Tous les deux jours, Kamel montait 200 litres d'eau, un jerrican au bout de chaque bras , explique-t-elle. Depuis, nous avons investi dans une pompe.»
Le travail physique leur fait moins peur que l'embrigadement d'une vie coincée entre salaire et crédit. «En bon citoyen, dit Johan, j'aurais dû bosser, gagner de l'argent pour rembourser un crédit sur vingt-cinq ans, cela ne m'intéressait pas. Comme je n'avais pas de diplôme, il fallait bien que je me débrouille autrement.» Tous sont propriétaires de leurs terrains, achetés quelques milliers de francs mais pas constructibles. La mairie a fermé les yeux. «Je ne veux pas avoir de maison officielle, avec des normes européennes à respecter, dit Johan. La mairie nous laisse tranquilles car nous ne faisons pas d'histoires.» Johan est même membre du conseil municipal, représentant des «habitations de fortune» (2), comme les a classées le dernier recensement national. En 1969, la vallée ne comptait que 19 habitants. Les babas des années 80 ont racheté des hameaux pour le prix... d'une maison actuelle. Aujourd'hui, la hausse des prix pousse les candidats à grimper plus haut dans la montagne. Les plus économes s'en sortent avec 300 euros par mois, les plus dispendieux dépensent le double. Tous ou presque touchent le RMI, qu'ils complètent avec des chantiers de bâtiment au noir. A l'automne, ils ramassent les châtaignes, vendues 1 euro le kilo à la coopérative. Anita est une exception: cinq fois par semaine, elle descend à la ville travailler dans une maison de retraite. Un mi-temps déclaré. «Grâce à notre vie pratiquement autonome, je n'ai plus peur de perdre mon travail, je me sens plus libre.»

Physico-introspectifs

Vivre dans une cabane en bois est un rêve de gosse. «En usine, je passais mon temps à polluer la planète. Ici, c'est l'échange avec la nature qui me fait vivre, pas l'argent.» Au coeur de la forêt, Laurent se dit en «accord avec [lui]-même». «Pendant longtemps, je me suis demandé ce que j'allais faire de ma vie. Grâce à notre projet agricole, je vais enfin faire quelque chose de vrai.» Chacun est arrivé sur cette montagne pour des raisons diverses, tous partageaient l'exigence d'être en cohérence avec leur mode de vie. Un bien-être qui passe par le physique. «J'ai besoin de sentir mon corps», dit Léonore. Loin d'être une corvée, le chemin est, disent-ils, source d'apaisement. «Nous apprenons à gérer notre souffle et nos forces, dit Johan. Nous transpirons, nous nous relâchons, nous déstressons.» Agée d'une quarantaine d'années, voisine de Johan, Birgit a connu la dépression, grave et terrassante. «Ici, j'ai trouvé un équilibre entre le travail physique et les activités artistiques [elle sculpte et chante, ndlr]. J'ai mis du temps à m'adapter à ce milieu, j'ai souffert de la solitude. Mais plus je vis là-haut, moins je suis bien en bas.» Johan, lui, se souvient de son arrivée sur le terrain, deux sacs sur le dos. «Nous n'avions presque plus rien, c'était léger, magnifique. Une grande libération. Elle continue toujours en moi.» Les Cévennes ont toujours été une terre de refuge. Une protection contre les aléas de la vie. «Dans la société, il faut prendre sa place, savoir dire non, dit Johan . Si on n'y arrive pas, on la prend à côté.»


(1) Les prénoms ont été modifiés.
(2) Selon l'Insee, ce sont des locaux impropres à l'habitation mais occupés au moment du recensement (ruines, caves, wagons immobilisés, roulottes...).
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Message par jerome » 29 oct. 2006, 10:26

Radical mais j'aime beaucoup.
Il faut une sacrée dose de courage et de volonté pour tenir avec le champ des sirènes de la consommation en bas de la vallée.
Respect!
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Message par Geispe » 29 oct. 2006, 10:33

à mon avis tu proposes un revenu minimum de subsistance à tous les volontaires (environ égal au RMI) il y a beaucoup de monde qui irait s'installer dans les Cévennes... ou ailleurs...
Je me suis d'ailleurs demandé pourquoi une société aussi riche ne pourrait pas le faire... :-)

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Message par jerome » 29 oct. 2006, 10:46

Ben ils touchent pour la majorité déjà le RMI. Il l'achèterais avec quoi le café sinon (je compte pas les petits boulots au black)?

Par contre je ne suis pas si sur qu'il y aurais beaucoup de volontaires. Les gens dans la "misère" en ville aspirent à vivre riche ... en ville, pas à devenir "décroissants volontaires" dans les Cévènnes sous une tente. enfin, c'est ce que je crois.
Dernière modification par jerome le 30 oct. 2006, 09:57, modifié 1 fois.
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Message par diogene » 30 oct. 2006, 03:05

Ca me fait gerber les babas qui se disent hors systeme et qui touchent le RMI. C'etait deja le cas dans bien des communautes des annees 70. A l'epoque il n'y avait pas le RMI, mais beaucoup avaient eu un papa ne avant eux.
Je ne serais pas etonne qu'ils aient des telephones portables. :smt013

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Message par jerome » 30 oct. 2006, 10:00

diogene a écrit :Je ne serais pas etonne qu'ils aient des telephones portables. :smt013
touché! il y en a au moins 1 qui en a un; Un autre a un lecteur MP3 et un ordinateur. Pas trop décroissant.
Il ne faut pas oublier qu'ils n'adhèrent à aucun mouvement, ne font pas de prosélytisme, et ne s'affirment pas comme des chantres de la décroissance. Ils ne vont donc pas à l'encontre de leurs idées. Ils profitent juste du système.
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