Intéressante, cette file...
Il y a là tous les thèmes essentiels utiles à une réflexion d'installation agricole "alternative"...
-Comment accéder au foncier agricole?
-Quelle stratégie d'acquisition imaginer face à l'explosion de la bulle des actifs?
-Quel type d'association faut-il mettre en place?
-Quelles productions agricoles développer?
-Comment anticiper les changements (transports,fertilisation,travail agricole,changements climatiques,commercialisation...)?
Etant engagé dans le montage d'un projet, et ayant déja réfléchi à ces points, je vais vous en exposer "ma" vision.
1) Accès au foncier agricole:
Pas de language édulcoré possible: le principe d'attribution du foncier agricole en France est sous un mode de contrôle maffieu. Les SAFER nées de la Loi de 1962 ont étées intégralement détournées de leur vocation fondatrice par des groupes d'intêret privés. A l'anti-thèse des principes du Code Rural Safer, les SAFER ne permettent pas l'installation de jeune hors du cadre familial mais travaille à 80 %pour des
agrandissements.
Le résidu restant correspond aux installations aidées d'enfants d'agriculteurs. Cette situation a été créee par la course à la surface induite par la PAC:
Plus de surface, plus de primes.
Cette hérésie, dont je vous passe les modalités techniques, va continuer jusqu'en 2013. Après, si l'agriculture n'est plus aidée, la survie des exploitations risque de passer par une course encore plus effreinée au productivisme, même si les opinions publiques s'éveillent: en économie libérale, le bon-sens et le citoyen ne contrôlent plus rien...
Concrètement, les Comités Techniques qui se réunissent périodiquement pour attribuer les lots sont composés à une large majorité de militants des FDSEA ou Jeune Agriculteurs. Les mêmes que vous retrouverez au CA des MSA, des ADASEA, des chambres d'Agriculture, dans les filières techniques, au CDOA (Comité Départemental d'Orientation Agricole) qui vous attribuera en fonction de votre "profil" 0, 20 ou 60keuros d'argent
public...sous forme de DJA.
Donc, en pratique, même doté de la capacité professionnelle le CT trouvera toujours une bonne raison pour rejeter votre candidature.
Plusieurs cas de figure sont possibles:
- un petit vieux partant à la retraite est d'accord pour vous vendre quelques hectares. A la signature du compromis, le Notaire est tenu d'en informer le
Délégué Structure Safer, qui après consultation des agriculteurs locaux informera la Direction Départementale Safer... La SAFER peut alors casser la vente (et le fait tout le temps) pour
substituer un acheteur de son choix, désigné en Comité Technique...
Je vous le donne en mille: comment est choisi le Délégué Structure de la commune?
Par le syndicat majoritaire... FDSEA dans 94 dpt sur 95
- La SAFER, agissant comme une agence (commission 9%), est contactée par les vendeurs. Même mode d'attribution que précédemment.
En résumé, sur des terres nues (sans bâti), avec ou sans capacité agricole, probabilité d'attribution à un néo-rural: 0,00.
Cependant, la SAFER est tenue pour les propriétés bâties, de présenter des propositions au moins équivalentes à celle d'un acheteur extérieur.
Ce qui n'est pas toujours le cas. La SAFER cherchera alors à
démembrer la propriété afin de présenter un tout équivalent: les terres à l'agrandissement des agriculteurs voisins, le bâti à des Anglais ou Hollandais... Résultat: des primes pour le voisin, du maïs partout, les terres et les haies saccagées, un jeune qui restera chomeur, la nappe phréatique détruite, un Anglais à la bétonneuse pendant 15 ans...
Le seul espoir dans ce cas de figure... Le retournement du marché immobilier qui laissera la SAFER dépourvue lors du montage de la substitution... Vous comprenez l'interêt de suivre les évolutions du krach...
Quelques échappatoires: si un domaine foncier est détenu par une SCI, la SAFER n'est pas notifiée par le Notaire. Un preneur (bénéficiaire d'un bail rural durant au moins 3 ans) est prioritaire lors de la vente des terres. Mais bon courage pour trouver un propriétaire qui acceptera de vous signer un bail rural...
En résumé : Espérer bénéficier d'une aubaine, bail rural avec assurance de vente au bout (le bail sans vente est dèja une aubaine), propriété sous forme de SCI.
Mais le coup de chance n'est pas une stratégie... Selon mon analyse, le blocus organisé peut être contourné...
par le haut . A un certain prix, il n'y a pas ou plus d'acheteurs pour des gros domaines... qui ne demandent qu'à être partagés par des co-acheteurs. Les conditions:
1) ne pas être confrontés à des agriculteurs installés qui prennent l'ensemble bâti+terres; ils ne le font générallement pas car leur banque ne les suit pas, pas de rentabilité aux prix constatés aujourd'hui.
2) ne pas être en pleine bulle, ou les biens bâtis ruraux avec un peu de terre se vendent à prix d'or (et trouvent effectivement acheteur)
3) ... réunir des acheteurs dotés de fonds propres, car 0 + 0 font toujours 0 et les banques ne prêtent pas sur des projets hors-norme. C'est très injuste pour les personnes compétentes mais fauchées.
2) Quelle stratégie face à la bulle des actifs?
En fonction de ce qui précéde, la réponse n'est pas si évidente.
En fait la bulle ne touche pas vraiment les terres agricoles à proprement parler puisque leur prix est régulé par la SAFER (les ventes n'étant pas libres). Il y en fait pénurie (organisée) avec des prix relativement stables.
L'explosion prévisible de la bulle immobilière ne devrait pas provoquer un krach des terres agricoles. La PAC étant assurée jusqu'à 2013, l'effacement progressif de l'effet rente des DPU (Droit à Prime Unique) fera peut être dégonfler progressivement les prix, mais sans remettre en cause le blocus du marché. Cf compétition à l'agrandissement plus haut.
Pour ce qui est du foncier avec bâti, les prix dégonfleront selon la part pondérée du bâti dans l'opération. Mais attention! Une fois les acheteurs bullesques partis, si les prix descendent trop, les agriculteurs voisins candidats à l'agrandissement pourront se mettre au prix, et rafleront tout!
Et là, même un renchérissement ne sera pas possible s'il dépasse les prix constatés dans le canton (un des outils de la "régulation SAFER").
Le pilotage risque d'être fin...
En résumé, il faudra probablement accepter des prix tout juste sous-bullesques pour ne plus avoir de concurrence! Merci SAFER!
3)Quel type d'association faut-il mettre en place?
De ce qui précède, il est clair qu'un mode d'association est indispensable pour accéder au foncier. Pour réunir des sommes importantes, sans multiplier le nombre d'associés, pas d'autre solutions que de réunir un groupe restreint d'associés solvables. Les motivés non "fortunés" ne sont pas forcément exclus du projet, mais ne peuvent pas être associés à l'achat. Il existe plusieurs formes de détention collective du foncier: SCI, SCIA, GFA, copropriété... Dans le cas où la SAFER est contournée par le haut, il faut commencer par une forme de propriété collective car s'il y a plusieurs ventes parallèles, la SAFER sera toujours là pour tenter de briser une des opérations... A moins de se présenter à plusieurs co-acheteurs sur une vente SAFER (à +9%...), en prenant un profil... présentable, c'est à dire capacité professionnelle, projet qui s'inscrit un peu dans le Schéma Départementable d'Orientation Agricole (piloté par vous savez qui?), et beaucoup de biffetons...
Et là, cela peu marcher... Après s'il n'y a pas de DJA espérée (un bel outil de formatage... on en reparlera...) les co-acheteurs peuvent travailler comme ils l'entendent. Sauf que le Maire, qui en milieu rural est très,très souvent agriculteur FDSEA vous soignera bien vos permis de construire et le ramassage scolaire... pour vous punir de lui avoir
pris ses terres.
Chaque associé doit pouvoir accéder à la
1/2 SMI, c'est à dire à la dimension minimale pour accéder au statut de cotisant MSA à titre principal. C'est très important pour la sécu, pour la retraite, le fisc, etc... Même s'il on se sent hors-système, avec des enfants à charge l'atterrissage est rapide. Chacun étant muni de son statut d'agriculteur, il faut un mode d'association des "exploitants" (le vilain mot, on en reparlera).
Pourquoi? Parce qu'en l'absence d'association légale, l'Administration vous considére
associés de fait, ce qui est très désavantageux...
Au delà du cadre légal, les convictions qui vous auront menés jusque là plaideront de toute façon pour une véritable et profonde collaboration dans les activités agricoles.
4)Quelles productions envisager?
Agriculture vivrière (de subsistance) ou spéculative?
Par spéculative, il faut comprendre commerciale, donnant lieu à vente de production et entrée de monnaie sonnante et trébuchante. Dans le désastreux schèma d'écroulement de la société de pétro-consommation que nous pressentons, seule la première risque d'être salvatrice. Cependant, un zeste de pragmatisme, la perte des savoirs ancestraux nécessaires, un peu d'incertitude temporelle quand au planning de régression
![Eh? :-s](./images/smilies/eusa_eh.gif)
, me fait plutôt militer pour une organisation mixte. Vivre de la commercialisation en circuit de proximité, mais être capable de basculer en mode d'auto-suffisance le moment venu.
Quelles productions: le foncier doit être apte (condition indispensable) à supporter productions végétales et élevage.
En détail:
maraîchage,
arboriculture :pomme,poire,noix,amande:conservation aisée; fruits de saison dessicables: abricot,raisin de table,pêche
élevage laitier et viande (caprin et ovin),
grandes cultures en céréales et oléagineux.
Dans le jargon technico-agricole, cela représente 4 ou 5 ateliers et un peu plus d'UTH (cela veut dire emploi, si si...).
5) Comment anticiper les changements?
Sur le plan agronomique, l'élevage est indispensable pour assure la fertilité durable du sol. Il n'y a pas de meilleur amendement que le fumier composté. L'association polyculture-élevage (démantelé par la spécialisation régionale de nos pseudo-agronomes productivistes) est le premier pilier de l'agriculture durable, le second est la rotation des cultures, le troisième la culture sans labours ou permaculture. Ce qui est ciblé, c'est la richesse et l'équilibre biologique du sol.
C'est un travail de longue haleine.
Il n'y a pas d'autre alternative. Nous sommes face à des contingences, des limites, dont la biologie ne nous permet pas de nous affranchir.
Comment travailler? Sans pétrochimie, pas d'engrais de synthèse, pas de phytosanitaire chimique. Forcément bio. Avec quels outils? Mon avis personnel: utiliser le meilleur que la technique nous aura laissé et qui sera encore utilisable. Oui au machinisme agricole. Oui au tracteur... à l'huile brute. Et oui, ça marche! J'ai un excellent article à vous poster... mais à re-saisir!
Résumé-conclusion:(Comme à l'école)
Association et synergies d'agriculteurs pro pour l'achat du foncier et le développement d'activités commercialement et agronomiquement complémentaires. On se serre les coudes contre les "agressions" extérieures et s'entraide dans notre travail quotidien. Mais on reste tous financièrement indépendants au sein de nos cellules familiales respectives.
Voila mon schèma idéal. Je vous en dirai plus ultérieurement. Merci pour vos critiques constructives.