Attentat contre Areva au Niger
23 mai 2013 Libération
Un double-attentat à la voiture piégée, revendiqué par le Mujao, a fait treize blessés dont un grave sur le site d'Arlit, et plusieurs morts dans un camp militaire à Agadez.
Un double attentat à la voiture piégée a visé ce jeudi dans le nord du Niger le site d'extraction d'uranium du groupe nucléaire français Areva à Arlit et un camp militaire à Agadez.
Le groupe jihadiste Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) a revendiqué l'attaque. «Grâce à Allah, nous avons effectué deux opérations contre les ennemis de l’islam au Niger», a déclaré Abu Walid Sahraoui, porte parole du Mujao, à l'AFP. «Nous avons attaqué la France et le Niger pour sa coopération avec la France dans la guerre contre la charia.» Le Niger est engagé au sein de la force africaine au Mali déployée à la suite de l’offensive lancée en janvier par l’armée française contre les groupes islamistes, dont le Mujao.
L’attaque sur le site d’Arlit dans le nord du pays a fait 13 blessés, dont un grave, selon nos informations. Tous sont nigériens. Le kamikaze est mort dans l’explosion. «Un homme en treillis militaire
conduisant un véhicule 4x4 bourré d’explosifs s’est confondu aux travailleurs de la Somaïr et a pu faire exploser sa charge devant la centrale électrique de l’usine de traitement d’uranium située à 7 km d’Arlit», a dit un employé à l’AFP. L'explosion a eu lieu à l'intérieur du site et une partie des installations de l'usine de sous-traitement du minerai ont été touchées.
La production est arrêtée pour une durée indeterminée.
Le site d'Areva à Arlit. (Photo Pierre Verdy. AFP)
La très grande majorité des salariés de l’entreprise à Arlit sont Nigériens. Une trentaine d’expatriés vivent sur ce site où l’entreprise exploite des mines d’uranium stratégiques depuis la fin des années 60. Une société de sécurité française, Epée, assure la sécurité du site, en liaison avec les forces nigériennes. Le déploiement de soldats français des forces spéciales, évoqué récemment par lepoint.fr, est confirmé à demi-mot à Liberation par des sources proches du dossier.
Au moins une dizaine de morts à Agadez
Cette attaque au véhicule piégé s’est produite simultanément avec une autre attaque, également à la voiture piégée, au camp militaire à Agadez, la grande ville du nord du Niger. On dénombre plusieurs morts dans les rangs de l'armée et des assaillants. Le bilan pourrait approcher une vingtaine de morts, selon une source à Paris. Deux sous-officiers de l'armée nigérienne auraient été pris en otage, leur sort demeure incertain.
Cinq Français employés d'Areva et de son sous-traitant avaient été enlevés le 16 septembre 2010 à Arlit, ainsi qu’un Togolais et un Malgache. Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) avait rapidement revendiqué l’enlèvement. Le 24 février 2011, trois d’entre eux avaient été relâchés : la Française Françoise Larribe, malade, et les otages malgache et togolais. Areva aurait déboursé une somme importante, probablement plusieurs millions d’euros, pour leur libération. Les quatre otages restant, Daniel Larribe, Pierre Legrand, Marc Féret et Thierry Dol, sont depuis apparus dans deux vidéos, dans lesquelles ils pressaient la France d’accélérer les négociations pour leur libération. Après la libération de deux otages en Afghanistan et de la famille enlevée au Cameroun, les proches des otages d’Areva au Niger ont diffusé le 29 avril un communiqué dans lequel ils réclament que l’État fasse preuve «d’efficacité» pour leurs proches.
Ces attaques ont lieu alors que les tractations sont toujours en cours entre la France et le Niger pour l'exploitation par Areva de la mine d’uranium géante d’Imouraren, dans le nord du Niger.
Par ailleurs, les ONG Sherpa et Médecins du Monde ont dénoncé en décembre les accords sur la mise en place d’observatoires de santé sur les sites d’Areva au Niger et au Gabon. Areva faisait l’objet depuis 2003 d’une controverse due aux enquêtes menées sur le terrain par la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), Greenpeace et Sherpa, autour de ces mines dont provient la quasi-totalité de l’uranium nécessaire aux centrales nucléaires françaises. Selon les ONG, les études montraient que la filiale d’Areva ne respectait les normes de protection contre la radioactivité ni pour les mineurs ni pour leurs proches, pas plus que pour la population riveraine. La Criirad avait également mis en évidence une forte contamination de l’environnement des sites miniers.