sceptique a écrit : ↑21 mai 2020, 13:27
si je comprends bien, le Venezuela, avec les plus grandes réserves de pétrole du monde, est infoutu d'avoir ou de maintenir des raffineries pour produire de l'essence ! Et doit l'importer à prix d'or (au sens propre semble-t-il).
Essence qui sera vendue à un prix dérisoire (0.001$ le litre ?) au peuple qui s'empressera de le revendre sur les marchés de contrebande au prix fort.
On ne peut pas faire mieux au niveau gabegie économique.
Attention, le Venezuela possédait évidemment des raffineries (capacité de 1.3 Mb/j). Et même, la compagnie nationale PdVSA possède des raffineries sur le territoir tazu. En effet, une bonne partie de la production pétrolière allait aux USA, pour y être raffiné après avoir été mélangée avec du pétrole plus léger.
En effet, la maintenance de tout le secteur pétrolier au Venezuela a laissé à désirer (raffineries, forages, production), et s'est dégradé au fil du temps. Un accident dans la principal raffinerie du pays avait fait grand bruit en 2012, avant donc la chute des prix du pétrole. Le principal partenaire commercial du Venezuela au niveau du pétrole, c'est les Etats-Unis. Ou plutôt, c'était... La relation restait tendue, et s'est fortement dégradé depuis 2014. Et c'est là tout le noeud du problème, enfin c'est même plus ancien... Depuis l'arrivée de Chavez au pouvoir, et de la nationalisation de la production pétrolière, en écartant les firmes américaines.
Avec cette tentative de coup d'Etat qui a assez lamentablement échouée récemment, liée à une entreprise de sécurité basée en Floride, je ne peux que penser au fait que les anciens cadres de PDVSA, écartés en 2003, se sont réfugiés en Floride justement.
En 2006, y'avait la volonté de s'émanciper des Etats-Unis, avec cette annonce de l'époque:
Le vice-president de PDVSA, la compagnie pétrolière vénézuelienne, a declaré a la presse que le Venezuela se preparait pour couvrir le marché asiatique, avec un doublement des exportations de barrils de brut d'ici 2020 qui passeraient à cette date à 7 millions de barrils.
Le Venezuela produit en-dessous de 700 kb/j actuellement. Les sanctions américaines n'y sont pas pour rien, mais il y avait un problème de fond dans la gestion du pétrole au Venezuela qui allait irrémédiablement conduire à une crise. Chavez gouvernait de façon populiste, et redistribuait les revenus du pétrole de façon extrême. Je suis pour la redistribution des richesses, mais ça doit s'inscrire dans un système économique viable. En particulier d'assurer ses bases, la production indigène (agriculture, industrie) et non de dépendre juste de la rente pour importer ses besoins. Surtout quand tu ne réinvestis pas suffisamment dans ce qui génère cette rente.
Ce qui avait été très bien observé en avril 2014 dans un article de l'époque:
Une équipe de recherche en économie de la banque Natixis vient de publier un rapport spécial sur la crise économique et sociale qui prévaut au Venezuela, un pays qui dispose de l’une des plus importantes réserves de pétrole au monde et exporte pour près de 100 milliards de dollars d’or noir chaque année.
Les indicateurs économiques du pays, tous au rouge, poussent l’équipe de recherche à prédire une explosion de la situation. Le rapport souligne, en effet, qu’au Venezuela, la société est aujourd’hui «polarisée, les supermarchés sont vides, alors que la violence et l’inflation montent en flèche». Le quotidien des Vénézuéliens «est difficile» et «le credit default swaps (CDS) du pays suggère une probabilité de défaut sur la dette d’environ 60% d’ici les trois prochaines années», ajoute le même rapport. «La bombe à retardement pourrait exploser», conclut l’équipe de recherche.
Expliquant l’origine de la crise, le rapport note que le Venezuela a certes réussi à réduire les inégalités et a connu la plus forte baisse du taux de pauvreté et de pauvreté extrême, mais cette réussite n’est que le fruit de la multiplication par 5 du prix du pétrole entre 2003 et 2008. Le président Hugo Chavez, mort en mars 2013 et auquel a succédé Nicolas Maduro, «a amélioré les conditions de vie de sa base électorale, mais a anéanti l’économie et les institutions en détruisant le climat des affaires et aggravant la dépendance du pays vis-à-vis du pétrole», souligne le rapport.
Aujourd’hui, «le pétrole représente 94% des exportations totales du Venezuela et le poids du secteur manufacturier s’est considérablement réduit depuis 2005. L’économie souffre des séquelles d’un syndrome hollandais aigu : pénurie de produits de base, inflation et déclin industriel», affirme l’équipe de recherche. Celle-ci pense par ailleurs que le principal problème est institutionnel et politique : «La maladie hollandaise a été aggravée par une mauvaise gouvernance, non seulement au sein de la compagnie pétrolière appartenant à l’Etat (PDVSA), mais également pour l’ensemble de l’économie.» Ce qui a valu à Venezuela le qualificatif de «maillon faible latino-américain» en matière de mauvaise gouvernance, corruption et insécurité.
Une économie vulnérable
Le rapport de Natixis précise que l’économie vénézuelienne est «très vulnérable malgré un cours du pétrole élevé». Les bénéfices de la compagnie pétrolière étatique, principale source de dollars, «sont sous pression». La baisse des exportations de pétrole (1,5 mb/j en 2013 contre 1,7 mb/j en 2012) compte tenu du vieillissement des infrastructures et du manque d’investissement, et la hausse de l’endettement de l’entreprise en sont les principales raisons. La compagnie pétrolière d’Etat subventionne largement le prix de l’essence (le plus bas du monde), les exportations vers certains voisins et doit payer une large partie de ses dettes vis-à-vis de la Chine avec un baril en dessous du prix du marché, explique encore le rapport. C’est la raison pour laquelle l’équipe de recherche pense que «le gouvernement vénézuélien devrait être amené à choisir entre la subvention de l’économie et le remboursement de ses créances».
Pour sa part, Jacques Sapir, économiste et directeur d’études à l’EHESS estime que le premier enjeu, de court terme, est de stabiliser le taux des changes : «Il faut que le gouvernement unifie le taux ‘‘officiel’’ et le taux de la ‘‘rue’’, et qu’il mette ce taux sous le contrôle de la Banque centrale, qui agira alors par des systèmes de dépôts obligatoires et de taux d’intérêt. Mais sur le fond, il faut à la fois pousser à une réindustrialisation du pays et au développement de productions locales, et mettre en place un système social plus juste, fondé sur la redistribution et non la simple distribution.»
6 ans plus tard, le constat est là. Tout le "progrès" amené par les années Chavez s'est complètement évaporé, victime du syndrome Hollandais. Même les journaux les plus à gauche sont critiques. Peut-être que les inégalités restent modérées. Mais l'ensemble de la population a vu son niveau de vie chuter, sans perspective à court terme de pouvoir remonter.
Pourtant, la chute qui semblait inéluctable reste lente. Maduro continue à être soutenu. Est-ce l'espoir de retrouver la période des années Chavez, qui bien qu'économiquement bancale était très positive sur le niveau de vie de la population?