Bus électrique, le défi de la RATP
Usine Nouvelle par Olivier Cognasse le 09 juin 2015
La RATP a fait quelques annonces sur son programme Bus 2025 à l’occasion de l’UITP (union internationale des transports publics). Les bus électriques achetés au groupe Bolloré entreront en circulation à partir de 2016. Et l’appel d’offre aura bien lieu en 2017 comme nous l’annoncions dans notre enquête il y a quelques mois.
Article mis à jour le 9 juin 2015 à 19h09. Actualisation du chapeau. La RATP confirme que les bus électriques de Bolloré entreront en circulation sur une ligne en 2016.
Paris, la ville aux bus propres. Quand la réalité rattrape la fiction. Dès la fin de l’année, la RATP testera le Bluebus. Le 10 décembre 2014, le Syndicat des transports d’Île-de-France (Stif) et l’ex-régie ont choisi la solution de Bolloré lors d’un appel d’offres portant sur 10 à 40 véhicules de transport en commun destinés à réaliser des tests en grandeur nature.
"Nous pensons qu’il y aura un très gros marché, s’enthousiasme Gilles Alix, le directeur général de Bolloré. On a gagné un premier appel d’offres en juin dernier pour 20 à 40 bus de 6 mètres de longueur à livrer sur deux ans. On se lance sur le marché du bus de 12 mètres. Il sera industrialisé fin 2015 et disposera d’une autonomie de 180 km. Notre nouvelle usine d’Ergué-Gabéric, dans le Finistère, destinée au Bluetram servira de plate-forme au futur bus".
En mars 2014, le président de la RATP, Pierre Mongin, poussé par le Stif, a annoncé que le parc de bus sera "vert" à l’horizon 2025, avec 80 % de bus électriques et les 20 % restants roulant au biogaz. Reste à résoudre une équation à plusieurs inconnues…
Des bus électriques roulent déjà sur le réseau de la RATP. Depuis 2001, celle-ci exploite le Montmartrobus et, depuis 2011, la Traverse Batignolles-Bichat. Une goutte d’eau dans une flotte de 4 500 bus. Au total, une vingtaine de véhicules électriques et 48 hybrides seulement roulent dans Paris et sa banlieue. Une commande de 500 bus à double motorisation doit être livrée fin 2016."On commandera des hybrides, tant que l’on ne disposera pas de solutions électriques adaptées" fait-on valoir au siège de la RATP.
Ces bus seront revendus en Afrique et en Europe de l’Est ou transformés en bus 100 % électrique, si la technologie le permet. Certains constructeurs croient dans cette technologie pour le futur. "L’hybride, c’est 80 % de diesel, mais nous pensons pouvoir conjuguer dans le futur l’hybride électrique avec du gaz, de l’éthanol ou des biocarburants. Techniquement, on a les solutions", assure Olivier Toublanc, le chef des ventes des autobus chez Scania France. Le constructeur scandinave testera ses bus hybride-électrique en conditions réelles d’exploitation en juin 2016 à Södertälje (Suède). Il a fait le choix de recharger ses véhicules par induction en fin de ligne. Ce système de recharge fourni par Bombardier permet une capacité de charge de l’ordre de 200 kW et évite des batteries lourdes.
Sans recharges intermédiaires, si possible
Le fabricant allemand MAN, filiale de Volkswagen, va plus loin. "La RATP ne voudrait que des bus électriques à l’horizon 2025. Il n’y a aucun constructeur capable de répondre à cette demande, précise-t-on chez l’industriel. Nous sommes tous techniquement au même niveau, excepté peut-être la société polonaise Solaris. Nous pensons que l’hybride est une solution intermédiaire acceptable, mais elle est environ 50 % plus chère si on la compare à un bus diesel classique". Pas sûr que cela suffise à convaincre la RATP… qui souhaite acquérir des bus électriques de 90 places avec une autonomie de 200 km. Le poids des batteries est rédhibitoire. En Chine, des bus électriques BYD roulent avec cette autonomie, mais leur capacité est limitée à une soixantaine de places…
On est loin du compte. Mais d’ici à 2019, les batteries auront progressé, de l’ordre de 5 % par an pour la capacité. La RATP cherche un modèle permettant d’éviter une recharge intermédiaire. « En dix ans, on peut gagner 20 % d’autonomie supplémentaire », assure-t-on chez Bolloré. En dehors de l’hybride, des constructeurs de bus et de batteries croient au biberonnage, qui nécessite des infrastructures supplémentaires. "Nous travaillons sur un projet de recharge en fin de ligne après chaque trajet. L’objectif est de proposer à nos clients un bus électrique en 2016, affirme Philippe Grand, le directeur des relations institutionnelles d’Iveco. Et de pouvoir répondre à l’appel d’offres de la RATP en 2017 sur l’acquisition de plusieurs centaines de bus électriques par an afin de tenir son objectif de sortie du diesel en 2025."
Ce second appel d’offres s’apparente à la phase industrielle du projet avec les premières livraisons en 2019. "D’ici là, on se sera fait notre religion, on aura choisi la technologie, assure-t-on à la RATP. On va commencer par équiper les lignes les plus courtes. Et les plus longues, qui font 250 à 300 kilomètres, seront desservies par des bus roulant au GNV [gaz naturel pour véhicule, ndlr]". Le coût ? Très cher en expérimentation, il coûtera le double des bus diesel pour les premières commandes. Mais la livraison de plus de 3 500 bus électriques est prévue entre 2019 et 2025. De tels volumes de commandes permettront de faire diminuer sensiblement le prix de chaque unité. En attendant, Bolloré, qui a annoncé le 16 janvier le lancement d’une seconde tranche de travaux dans son fief d’Ergué-Gabéric pour un investissement de 20 millions d’euros et la création de 200 emplois), a pris de l’avance…