Accord européen historique sur le verdissement des carburants du shipping
Publié le 23/03/2023 Thibaud TEILLARD lemarin
À l’issue de la discussion en trilogue, le Parlement, la Commission et le Conseil européens ont trouvé dans la nuit du 22 au 23 mars un accord sur le règlement dit FuelEU maritime, qui fixe à au moins 2 % d’ici à 2034 la part des carburants de synthèse dans le shipping.
Le texte, proposé par la Commission européenne, avait été approuvé le 19 octobre au parlement et par le Conseil européen mais sur des bases différentes. Une synthèse, donnant un pôle plus central aux fournisseurs de carburants et fixant un calendrier, a donc été trouvée. D’ici 2034 au plus tard (la date précédente visée était 2030 mais les armateurs ont obtenu un report), au moins 2 % de la consommation de l’Union européenne devront provenir de carburants dérivés d'électricité renouvelable (ou e-carburants). Les e-carburants, qui bénéficieront d’un bonus jusqu’en 2035 pour être plus attractifs, sont l'une des seules options dont dispose le shipping pour décarboner dès lors que le passage au tout électrique de nombreux navires n'est pas possible.
Tous les navires de plus de 5 000 tjb concernés
Un autre calendrier décline, dans un esprit plus contraignant encore que les notations CII de l’OMI applicables depuis le 1er janvier, la réduction de l’intensité des gaz à effet de serre engendrés par l’énergie utilisée à bord. Elle doit diminuer de 2 % à partir de 2025 et de 6 % à partir de 2030. L’objectif passera à 14,5 % à partir de 2035, 31 % à partir de 2040, 62 % à partir de 2045 et 80 % à partir de 2050.
Le règlement s’appliquera à tous les navires de passagers et de fret qui arrivent ou partent des ports de l’UE, quel que soit leur propriétaire ou leur pavillon. Les réglementations s’appliquent uniquement aux navires de plus de 5 000 tjb.
L’accord fixe aussi les règles de l’alimentation électrique à quai, en alignant les exigences avec les dispositions du règlement sur les infrastructures de carburant alternatif (un autre réglement dit Afir) afin que les armateurs ne soient pas pénalisés lorsque l’infrastructure n’est pas disponible. Il introduit enfin des conditions dérogatoires pour les navires de classe glace et ceux qui desservent les petites îles et les régions ultrapériphériques.
Nouveaux objectifs en discussion à l’OMI
L’accord satisfait tout le monde. « Les armateurs européens saluent l’ambition climatique du nouveau règlement et le considèrent comme un tremplin essentiel pour mettre en place les conditions propices à la transition énergétique du transport maritime», indique leur organisation européenne (Ecsa), évoquant « un signal politique fort, des objectifs climatiques clairs et des orientations pour l’industrie. » Côté ONG, même satisfaction. « C’est une première mondiale pour le transport maritime et cela pourrait inspirer d’autres puissances régionales ou l’Organisation maritime internationale à faire de même, réagit Fanny Pointet, qui suit le shipping au sein de Transport & environment à Paris. Le recours aux e-fuels est encouragé, c’est une bonne nouvelle et un signal fort envoyé à la filière hydrogène et aux investisseurs, mais aussi aux armateurs. Il faut maintenant agir sur le cadre français pour continuer à pousser le développement de ces technologies. » Dans un communiqué, le député européen membre de la commission des transports Pierre Karleskind évoque « enfin une trajectoire claire pour décarboner le transport maritime ».
L’Ecsa appelle néanmoins le parlement et le conseil « à soutenir des objectifs contraignants pour les fournisseurs de carburants marins propres dans la directive révisée sur les énergies renouvelables », (dite Red). L'accord fait suite à celui du 29 novembre visant à inclure les émissions du transport maritime dans le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (ETS), premier système au monde à mettre un prix sur les émissions maritimes de gaz à effet de serre.
Côté OMI, les États membres se réunissent à Londres cette semaine pour discuter encore, dans la perspective du comité de protection de l’environnement marin (MEPC) de juillet, de la révision des objectifs climatiques actuels du transport maritime (au moins réduire de moitié les émissions de CO2 en 2050 par rapport aux niveaux de 2008). Les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada font pression pour zéro émission de gaz à effet de serre au plus tard en 2050, ainsi qu'une réduction de 37 % d'ici 2030 et de 96 % en 2040. L’UE et le Japon sont également en faveur d'une décarbonation complète d’ici 2050.
L’accord prévoit de réduire l’intensité carbone des navires de 2 % à partir de 2025 puis de 6 % à partir de 2030. (Photo : DNV)