Aéronautique et pic pétrolier (3)

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Stéphane
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Aéronautique et pic pétrolier (3)

Message par Stéphane » 03 mai 2005, 18:40

Conclusion générale
C'est en premier lieu la vision consensuelle que je souhaiterais présenter.
A l'unanimité ou tout du moins à une écrasante majorité, les intervenants sur le défi énergétique distinguent 2 périodes bien distinctes.
La première correspond à une période dite de « moyen terme », qui courrait sur environ 30 ans. Pendant celle-ci, les kérosènes de synthèse se verraient prendre de l'essor afin de rentabiliser les générations d'avions actuelles. Toutefois, il semblerait prudent et clairvoyant d'instruire dès aujourd'hui la question de la transition, via le fret par exemple, car cela ne peut s'opérer sur quelques années.
A plus long terme, au-delà de 40 ans, l'avènement des carburants cryogéniques semble très probable, à condition d'étudier avec la plus grande attention le meilleur chemin énergétique possible (« du puits à la roue »), de démontrer que c'est plus avantageux pour l'environnement. Il ne serait alors pas stupide d'imaginer aussi une solution bi-combustible prolongeant la transition vers le cryogénique.
Toujours est-il que personne ne se prononce sur ce que pourrait être le bilan de santé du transport aérien au milieu du XXIème siècle !

Conclusion personnelle
Pour ma part, à l'aide de tous les éléments apportés au cours du colloque, je me suis prêté à un exercice très simple de simulation pour tenter d'imaginer l'avenir du transport aérien. J'adopte pour cela la vision intermédiaire des experts pétroliers prévoyant le « Peak Oil » aux alentours de 2035 (ce qui paraître pour nombre d'netre vous très optimiste, mais il faut alors voir là une forme de raisonnement par l'absurde).
En se basant sur le postulat actuel de croissance, en prenant en compte le potentiel des améliorations technologiques et connaissant les données actuelles de consommation, on parvient en 2035 à un secteur aérien qui brûle plus de 11 000 000 de barils de brut par jour, soit environ 11% de la production mondiale supposée au moment de la survenue du « Peak Oil ». Dire cela, c'est admettre implicitement que les compagnies aériennes seront capables, dans leur ensemble, de supporter, sur le long terme, un baril de pétrole à plus de 50 $US. C'est aussi faire sienne l'hypothèse que les choix politiques privilégieront le transport aérien au détriment des autres gros utilisateurs de pétrole (transport terrestre, production électrique, etc.). C'est considérer que les pressions en faveur de la protection de l'environnement ne pourront conduire à une modification de la fiscalité sur le kérosène et, dans le cas où l'hydrogène cryogénique deviendrait le carburant du futur, c'est parier que la société acceptera sans rechigner le développement lourd de la filière nucléaire.
Admettons cependant que l'aéronautique parvienne à éviter ces différents écueils. Au moment où le pétrole va se renchérir inexorablement, c'est-à-dire à partir du « Peak Oil », quel sera le potentiel des différentes énergies de substitution par rapport à la demande de 11 000 000 de barils /jour ? Concernant les kérosènes de synthèse et les biocarburants, avec des hypothèses très favorables concernant ces derniers (choix politiques d'attribution prioritaire à l'aéronautique, essentiellement), ils pourraient à eux 2 couvrir environ 20% de la demande. Cela supposerait cependant que les moteurs soient capables de fonctionner avec un carburant de mélange. Mais l'impact climatique de leur production et de leur utilisation n'est pas nul, même pour les biocarburants, dans l'hypothèse d'une production de masse, comme c'est le cas ici. Sur le plan économique, il ne faut pas s'attendre à des miracles, les niveaux de prix seront au mieux modérés.
Les substituts qui ont le potentiel théorique pour succéder au pétrole sont le gaz naturel liquide et l'hydrogène liquide. Entre ces 2 alternatives, seul l'hydrogène est sans conséquence sur l'effet de serre s'il est produit à l'aide de l'énergie nucléaire, cette voie étant la seule compatible avec nos niveaux de consommation actuels.
Au regard de ces divers éléments, me vient une pensée sacrilège (vis-à-vis de mes collègues d'Airbus) : à moins d'un miracle énergétique pour le moins improbable, à l'avenir « aéronautique » ne se conjuguera plus avec « croissance ». En effet, les perspectives annoncées de développement ne sauraient être valables qu'en amont du « Peak Oil » si les prix n'augmentent pas trop. Plus la croissance sera forte d'ici là, et plus la décroissance « involontaire » (car non choisie par nous-mêmes) surviendra tôt et sera forte également. Faut-il donc se réjouir aujourd'hui d'une situation qui annoncent des lendemains qui déchantent ?
Car, pour qui se penche objectivement et sérieusement sur la question, et l'analyse qui précède s'intègre dans cette démarche cartésienne, il n'existe, à l'heure où l'on parle, aucune solution crédible pour garantir au-delà du « Peak Oil » la durabilité du transport aérien à son niveau actuel, et encore moins à celui qui prévaudra dans 10 ou 15 ans. Les solutions de substitution qui seraient les moins onéreuses, comme les kérosènes de synthèse et les biocarburants, ne sont pas dans les bons ordres de grandeur, on l'a vu. Quant aux carburants cryogéniques, qui auraient peut-être le potentiel pour répondre à la demande, ils semblent très peu compétitifs économiquement et exigeraient des bouleversements majeurs dans l'organisation de nos sociétés. Serons-nous prêts à l'accepter pour continuer à voyager ?
Et puis, quitte à paraître insistant, il est clair désormais que le réchauffement climatique dû à l'action de l'homme ne peut être ignoré. Il faut sans doute souhaiter que cette contrainte entraîne la fin de l'ère du pétrole avant même son épuisement.
A mon sens, plutôt que nous réjouir de la croissance du trafic aérien (et l'encourager !), nous devrions plutôt relever le challenge de l'imagination et inventer une autre aéronautique, qui continuerait à rendre des services, mais trouverait sa prospérité et sa raison d'être ailleurs que dans la course à la croissance. Ce qui demeure une utopie, j'en conviens, tant que cette vision n'est pas partagée mondialement et que nos sociétés conservent l'orientation actuelle de leurs priorités, privilégiant la croissance à court-terme au détriment de la durabilité.

Voila, c'est fini !!! Félicitations a tous ceux qui sont parvenus au bout !!!

Philippe
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Aéronautique et Pic Pétrolier (3)

Message par Philippe » 03 mai 2005, 21:27

Stéphane,
c'est toi qu'il faut féliciter. Excellente analyse, qui apporte des points de vue ignorés des non-spécialistes. En outre, c'est bien écrit, et sans faute d'orthographe. Je vais recommander la lecture de ces 3 textes (surtout le 1 et le 3, même si le 2 a ses vertus pédagogiques) à mon entourage.
Tu confortes l'opinion des gens qui pensent qu'on ne pourra pas indéfiniment extrapoler les chiffres de croissance du trafic aérien, à l'encontre des pratiques des promoteurs du nouvel aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique).
Encore bravo.

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Message par Tiennel » 18 oct. 2005, 23:02

Je relance ce fil pour discuter du futur de l'aéronautique, non pas une fois tout le pétrole épuisé, mais plutôt dans la période qui suivra le PPP.

Pendant plusieurs décennies, il y aura encore assez de pétrole produit pour faire voler un parc équivalent à celui des années 1960-1970. Donc les avions voleront. Mais ils seront de nouveau réservés au CSP+.

Il y aura 2 types de compagnies aériennes :
1. Certains Etats riches et un tantinet cocardiers entretiendront à grands frais une compagnie nationale (et nationalisée) : Air France, British Airways, Air China... qui assurera les lignes de prestige entre leur capitale prestigieuse et quelques destinations tout aussi prestigieuses.
2. Mais la majorité des avions voleront sous bannière des compagnies des pays producteurs : Emirates, Aeroflot, Etihad Airways, Qatar Airways... (vous ne connaissez pas ces 2 dernières compagnies ? Pourtant elles ont acheté 6 A380 à elles deux). Elles seules pourront alimenter en kérozène "low cost" leurs appareils, et s'imposer petit à petit comme les leaders mondiaux du transport aérien.

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Message par energy_isere » 20 oct. 2005, 21:43

pour ton point 2, effectivement les companies arabes du golfes investissent dans des commandes d'Airbus . En outre les pays du golfe font des investissements dans les aéroports :

Dubai plans to invest USD 36 Billion in aviation sector

13 /10/ 05

Dubai is investing a total of USD 36 billion in aviation infrastructure and expanded airline capacity:

Among this, USD 4.1 billion is being invested in Dubai International Airport (DIA), and Dubai-based carrier Emirates has aircraft orders in excess of USD 22.2 billion.

More than USD 8.3 billion is expected to be invested in the development of Jebel Ali Airport City that will have a capacity to handle 120 million passengers when completed.

Dubai International Airport, which recorded a passenger throughput of 21 .7 million passengers last year, is projected to grow by 20 % this year, reaching 25 million passengers this year. This number is expected to hit 60 million by 2010. Passenger flights will progressively be shifted to Jebel Ali Airport as the facilities are gradually completed.
http://www.aerospacemedia.com/aerospace ... sp?id=1575

pour les oleoceniste pas trés Anglicistes 36 billions de $ est bien sur 36 milliards de $

avions seront dans les compagnies arabes
aéroports seront dans les pays arabes

et les hotesses ? :smt055

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Message par Tiennel » 20 oct. 2005, 22:01

voilées :?

fabinoo

Message par fabinoo » 20 oct. 2005, 22:05

Voilà l'avenir : l'aviation à voile !

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Message par energy_isere » 20 oct. 2005, 22:30

mais ca existe déja !
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bill77
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Pourquoi des propulsions nucléaires dans l'aéronautique?

Message par bill77 » 15 nov. 2005, 16:02

La propulsion nucléaire aéronautique

Le développement du X-6

Les principes de base pour utiliser l'énergie atomique pour la propulsion d’avion ont été étudiés très tôt dans l'ère atomique. Dès 1942, Enrico Fermi et ses collaborateurs, impliqués sur le projet Manhattan (développement de la première bombe A) ont étudié l'utilisation de l’énergie atomique pour propulser les avions. C'est en 1946, qu'une étude par le laboratoire de physique appliquée de l'université de John Hopkins a recensé les potentiels et les problèmes d’utilisation de l’énergie atomique pour la propulsion aéronautique.

Le problème principal était alors le manque de données sur les effets des rayonnements sur les matériaux qui seraient utilisés pour cette application. Les autres problèmes de base étaient la dissémination possible des produits ou des isotopes radioactifs de fission pendant l'exploitation normale ou consécutive à n'importe quel accident, de protéger l'équipage et les personnes au sol des rayonnements, et la sélection des sites d'essai. Il y avait des risques de pertes de matériaux radioactifs dans l'atmosphère et les problèmes du rayonnement direct pendant l'utilisation opérationnelle.

Les conditions pour un avion nucléaire opérationnel étaient que, même dans les conditions les plus défavorables, l'avion ne devait pas ajouter à la radioactivité atmosphérique naturelle tandis qu'en service, le rayonnement nocif devait être limité à une zone limité.



En 1946, l'intérêt pour l'avion atomique s'est développé avec le projet NEPA (Nuclear Energy for the Propulsion of Aircraft). Le projet NEPA, qui a commencé en mai, était contrôlé par l'US Air Force, et a donc été orienté vers le développement d’un bombardier stratégique à longue portée.

L'énergie nucléaire était prometteuse dans ce domaine en raison de sa nature de carburant à longue vie et des températures élevées théoriquement possibles à l'aide d'un réacteur. Dans une publication en 1957, Clarence " Kelly " Johnson et F. A. Cleveland, ingénieurs chez Lockheed Aircraft Corporation, ont écrit : "il s'avère que le bombardier stratégique nucléaire, en raison des avantages potentiels de haute vitesse et grande autonomie par rapport aux avions chimiques semblables, sera le premier candidat pour un moteur nucléaire."

Le premier contrat de la NEPA fut passé avec Fairchild Engine & Airframe Co, et le travail conduit à Oak Ridge. Vers la fin de 1948 l'US Air Force avait investi approximativement dix millions de dollars dans le programme. Les études furent conduites avec le projet NEPA de 1946 jusqu'en 1951, lorsqu'elles furent reprise conjointement par l'Atomic Energy Commission (AEC) et l'US Air Force sous le nom de projet ANP (Aircraft Nuclear Propulsion).

Le programme ANP avait pour but ambitieux de faire un développement complet des systèmes de réacteur et moteur d'avion. Un des facteurs qui a mené à la création du programme ANP était une étude faite au MIT par un groupe de l’AEC en 1948 sur les utilisations potentielles de la propulsion nucléaire aéronautique. La conclusion était que l'avion à turboréacteur nucléaire était moins difficile à réaliser que les ramjets nucléaires, eux-mêmes moins difficile à faire que les moteurs fusées nucléaires, projet connu sous le nom de " projet Lexington ". Ironiquement, cet avis s’est avéré être l'inverse de ce qui à été réalisé en pratique. En effet, des ramjets nucléaires, avec le projet Pluto, et les fusées nucléaires, avec le projet NERVA, ont été testées avec succès, par contre, aucun moteur atomique d'avion n'a été jamais développée.

En 1954, B.C. Briant, qui était alors le directeur du projet ANP a déclaré que "l’avion nucléaire a été le travail de développement et d'ingénierie le plus difficile tenté dans ce siècle. "

Malheureusement le programme ANP n'était pas très bien organisé. Une partie du problème était que l'AEC était responsable du développement du réacteur tandis que US Air Force était responsable du développement du reste du système. Par conséquent le projet a été divisé en deux équipes qui ont dû fonctionner ensemble, mais ont été contrôlées par les entités totalement séparées.

Dans le cadre du programme ANP, General Electric Cie., à Evendale, Cincinnati a reçu un contrat pour développer un turboréacteur à cycle direct, et la Division Pratt & Whitney de United Aircraft Corp. a été autorisée à étudier un cycle indirect et le travail a commencé au Connecticut Aircraft Nuclear Engine Laboratory (CANEL).

Dans un article dans le journal SAE, L.W. Credit écrit, "des trois alternatives possibles pour réaliser la fiabilité du vol d'un avion nucléaire par les composants ou la redondance de système, le réacteur simple, semble être la solution optimale".

Les deux autres solutions de rechange étaient un système de réacteur dual et un système combiné nucléaire/chimique (combustion). Initialement le programme ANP devait développer un système de propulsion avec un réacteur à cycle indirect. Cependant, une demande de General Electric au gouvernement leur a permis de développer le système à cycle direct.

GE a fait valoir que le cycle direct était plus simple et donc aurait un délai d'élaboration plus court. Pour le système à cycle indirect, Pratt & Whitney a développé un réacteur supercritique à eau pressurisée, dans lequel le fluide de fonctionnement est de l'eau à 1500 degrés Fahrenheit, mais maintenu à l'état liquide par la pressurisation à 5000 psi. Ceci a évité les problèmes d'utilisation d'un fluide en métal liquide.

Les Etats-Unis n'ont jamais favorisé l'utilisation opérationnelle des réacteurs avec métal liquides. Jusqu'ici, tous les réacteurs militaires en service actif, excepté un réacteur au sodium liquide sur le sous-marin d'attaque USS Seawolf, ont été du type à eau pressurisé (PWR). L'USS Seawolf a eu tant de problèmes que le réacteur à sodium liquide a été remplacé par un PWR après quelques années de service.

Le concept de " shadow shielding ", ou " bouclier divisé " est de disposer les boucliers entre le réacteur et l'équipage, l'équipage étant dans " l'ombre " crée par les boucliers. S'il était possible de mettre autant de protection anti-radiation sur le réacteur que sur les réacteurs terrestres, il serait possible de ramener le rayonnement à une quantité négligeable.

Mais la masse des boucliers anti-radiation serait prohibitive. En fait, il faut utiliser le concept de bouclier divisé afin de ramener la masse totale de protection à une quantité acceptable. Le bouclier anti-radiation "divisé" est, naturellement, simplement une division de la protection anti-radiation entre le réacteur et le poste d'équipage et permet de diminuer la masse de bouclier, mais signifie également que la majorité de l'avion aurait été exposée à des niveaux élevés de rayonnement.

Ces problèmes devaient être surmontés avec de nouveaux matériaux et en concevant le matériel d'entretien de l'avion en fonction de niveaux plus élevés de rayonnement. Diviser les matériaux de protection avait également quelques autres avantages : la nature directionnelle du rayonnement mène également au fait que la structure de l’avion est utile en tant que bouclier anti-radiation, et l'utilisation judicieuse des structures comme le cadre d’emplanture des ailes, le train d'atterrissage, et le carburant peuvent réduire l'épaisseur du bouclier anti-radiation exigée en arrière du poste d'équipage.

Le problème de la masse des boucliers était un des deux problèmes principaux qui ont surgis pendant le programme. L'autre était d’augmenter l’efficacité du réacteur nucléaire. Le programme ANP a demandé de grand effort pour développer le concept de bouclier divisé avec en point de mire la diminution de masse des protections anti-radiation. Pour cela il fallait diminuer la taille du réacteur par l'intermédiaire de l’augmentation de la densité de puissance du réacteur, en augmentant la température de fonctionnement. Le travail sur un fuselage réel n’a pas été conduit très loin mais beaucoup de travail a été accompli sur les réacteurs.

General Electric a exécuté une série d'expériences très réussies en utilisant le concept de cycle direct et des réacteurs spéciaux. Ceux-ci ont été désignés sous le nom de Heat Transfer Reactor Experiment (HTRE). La série a impliqué trois réacteurs, HTRE-1, -2 et -3. HTRE-1 est devenu HTRE-2 à la conclusion de son programme d'essai. HTRE-1 (et donc HTRE-2) a fourni de l’énergie nucléaire avec succès a un X-39 (J-47 modifié).

HTRE-3 était le plus proche d'un moteur opérationnel du programme. Il était modéré par des matériaux à l’état solide, par opposition aux réacteurs plus anciens qui étaient modérés avec de l’eau, et il actionnait deux X-39 à des niveaux de puissance élevés. HTRE-3 a été limité au fonctionnement avec deux turboréacteurs, mais il aurait pu servir pour des niveaux de puissance plus élevés

HTRE-1 était principalement un démonstrateur pour ce type de réacteur. HTRE-1 a réalisé un certain nombre de fonctionnement à pleine puissance qui ont démontré la faisabilité d’un réacteur nucléaire pour turboréacteur. HTRE-2 était le HTRE-1 modifié pour tester des composants évolués de réacteur, par exemple une chambre centrale hexagonale. De cette façon, de nouveaux concepts de réacteur pouvaient être testés sans nécessité de construire un réacteur totalement nouveau à partir de zéro. L'expérience acquise par le HTRE-1 et le HTRE-2 a été utilisée dans la construction de HTRE-3.

HTRE-3 était l'élément final pour prouver la praticabilité d’un réacteur nucléaire réel d'avion. La conception et les tests du HTRE-3 ont fait avancer le programme du cycle direct au-delà de la question de la praticabilité et des problèmes d’ingénierie. Les trois réacteurs HTRE avaient la configuration standard du cycle direct, avec l'ajout d'une chambre de combustion chimique juste en amont des turbines. Cette chambre de combustion permettait aux turboréacteurs d'être démarrés avec la puissance chimique puis de fonctionner pendant que le réacteur était porté jusqu'à la température de fonctionnement.

Le système opérationnel devait également utiliser une chambre de combustion chimique pour le décollage et l'atterrissage, et probablement la pénétration, quand le temps de réponse relativement lent du réacteur pouvait être un désavantage. Les réacteurs HTRE ont atteint ou excédé leurs objectifs, mais bien que ces réacteurs avaient la taille requise pour s'adapter dans un avion, aucun des HTRE n'a été conçu pour être un prototype de système opérationnel.

La série a prouvé qu’il était possible avec la technologie à disposition de construire un réacteur avionnable avec les mêmes matériaux que le HTRE-3 et de taille semblable. Malgré le fait que le HTRE-3 ne produisait pas la puissance nécessaire pour le vol, cela était principalement du à une conception non optimisée car il était conçu comme réacteur de recherches.

Les essais ont prouvé qu'un réacteur utilisant les mêmes matériaux que HTRE-3 pourrait avoir été construit à ce moment-là. Un tel réacteur répondrait à tous les besoins nécessaires pour un vol. Dans une publication, Clarence " Kelly " Johnson et F. A. Cleveland déclarait que quand un matériel amélioré serait disponible, on pourrait prévoir l’installation de turboréacteurs atomiques dans des avions de plus petite taille.

Tandis que GE travaillait sur le cycle direct, Pratt et Whitney (P&W) travaillait sur le cycle indirect. Cependant, les progrès ont été beaucoup plus lents que pour le travail sur les HTRE. P&W n'a jamais pu faire fonctionner un système d'essai. En fait, leur travail a été limité aux tests des composants.

En plus du travail sur le réacteur supercritique à eau pressurisé, P&W a étudié des concepts de liquide réfrigérant en métal liquide. Les deux concepts principaux étaient un réacteur à noyau solide, dans lequel le métal liquide circulait autour du noyau, et un concept de réacteur dans lequel une partie du combustible nucléaire était mélangé au métal liquide, la masse critique étant atteinte quand le mélange circulait dans un noyau central.

Comme le concept de " combustible circulant " était prometteur, le travail sur le réacteur supercritique a été stoppé. P&W a beaucoup travaillé sur la conception des conduites du métal liquide, la prévention de la corrosion, et la conception des échangeurs de chaleur. Cependant, le travail de P&W à CANEL n'a jamais mené à un réacteur d'essai, encore moins à un modèle d’essai en vol. En fin de compte, le cycle indirect était plus prometteur, mais il exigeait beaucoup plus de travail de développement.

Tandis que ces programmes d'essai étaient réussis, il y en avait d'autres qui ne l'étaient pas. Un certain nombre de programmes ont été commencé à grand frais avant d'être abandonné quand ils sont passés par une des nombreuses réorientations.

Le rapport officiel du gouvernement US sur le projet ANP énumère de tels programmes :

-Un service d'essai de moteur opérationnel a été établi en Idaho pour tester les moteurs au sol et dans les avions d'essai. Ce service a coûté plus de huit millions de dollars, pourtant il n'a jamais été utilisé pendant le programme ANP, autrement que comme un bâtiment de stockage, parce que le programme de vol a été annulé.

-Un laboratoire sur les échangeurs thermiques a été construit à CANEL pour étudier le transfert thermique métal liquide/air. Après avoir dépensé plus de six millions de dollars la construction a été stoppée avec seulement les murs terminés parce que l’US Air Force a changé d'avis.

-Un autre laboratoire a été construit à CANEL pour étudier les conditions de vide. Ce laboratoire a coûté plus d'un million de dollars, et il est entré en service en mars 1961, le même mois que le programme ANP a été annulé.

De façon générale la technologie semble avoir été là, pourtant le programme ANP a été abandonné. La série des réacteurs GE HTRE a montré que le concept de cycle direct fonctionnait. P&W accomplissait des progrès, lentement mais sûrement, sur le cycle indirect. Les essais de réacteur du NTA ont démontré que le bouclier anti-radiation pouvait être efficace.

En février 1951, le Air material command envoi à Convair et Lockheed des contrats pour le développement d’un appareil à propulsion nucléaire désigné X-6. Convair devait convertir un B-36 en banc d'essai volant pour un système de propulsion nucléaire construit par General Electric. Lockheed devait étudier la faisabilité d’un bombardier à propulsion nucléaire capable de voler au-dessus de 15 000 mètres à une vitesse comprise entre Mach 0,85 et Mach 1,3 et avec un chargement en bombes de 5400 kg. De plus, Lockheed devait concevoir des équipements pour différents systèmes de propulsion nucléaires et faire des recommandations pour le système de navigation, le largage des bombes et les commandes de vol.

La décision de choisir le B-36 comme banc d'essai volant était en grand partie la conséquence d’une étude qui indiquait que seul l’énorme héxamoteur de Convair pourrait emporter le réacteur nucléaire à métal liquide couplé avec des turboréacteurs J-53 (le J-53, encore à l’état de maquette début 1951, était un turboréacteur General Electric conçu pour délivrer 7950 kg de poussée). Le J-53 était choisi en raison de son potentiel d’évolution élevé et du fait que son développement n'exigerait probablement pas plus d'effort que la conversion d’un turboréacteur existant.

Pour ces raisons, Convair et General Electric sont devenus les acteurs principaux des programmes de développement de l’avion et du moteur. Parallèlement, beaucoup de programmes de recherche périphériques furent lancés en même temps pour explorer toutes les facettes de la propulsion nucléaire aéronautique et de ses effets sur divers équipements de bord, ainsi que sur l'équipage et l’environnement.

Le 19 Mars 1951, l'US Air Force et General Electric signent un contrat qui lance le programme du système de propulsion nucléaire. General Electric devait développer, en plus du moteur atomique, un système de propulsion auxiliaire en cas de panne du système principal, le système de contrôle (y compris pour le réacteur et les échangeurs de chaleur), les équipements pour le chargement et déchargement du métal liquide caloporteur, une source externe d’énergie pour tester les turboréacteurs avant leur couplage avec le réacteur nucléaire, les pompes pour le métal liquide et tous les équipements de servitude de l’avion et de son réacteur nucléaire.

De plus, General Electric devait entreprendre des études sur des systèmes avancés de propulsion pour le futur avion à propulsion nucléaire supersonique mais sur une base moins prioritaire. Le 30 Avril 1951, l’AEC (Atomic Energy Commission) signe un contrat avec General Electric pour la conception et la construction d’un réacteur nucléaire comme source d’énergie des turboréacteurs XJ-53. Les essais au sol de ce système seraient suivis de tests à bord d’un B-36 laboratoire.



Le convair B 36

Deux programmes principaux de propulsion nucléaire aéronautique étaient lancés. Le premier, qui était sous la responsabilité de General Electric, portait sur le développement d’un système de propulsion pour le X-6. Le deuxième, appelé ARE (Aircraft Reactor Experiment), impliquait les installations de l’AEC à Oak Ridge au Tennessee. Le système expérimental d'Oak Ridge était un réacteur haute température à combustible liquide, modéré par liquide, qui servait de prototype pour le développement du réacteur General Electric R-1.

Le programme entier, présenté en juin 1951, devait produire un banc d'essai propulsif pour 1954, et un banc d'essai nucléaire volant (le X-6) pour 1956. Le comité consultatif technique avait, pendant l'été 1950, identifié les réacteurs nucléaires à fluide caloporteur en métal liquide comme "approche la plus prometteuse pour le programme de propulsion d'avion". Les études techniques montraient également des avantages décisifs avec l’utilisation d’un combustible nucléaire liquide principalement pour limiter les problèmes de radiation inhérents à l'utilisation d’un combustible solide comme initialement envisagé.

Les spécialistes affirmaient également qu'un combustible liquide pourrait "considérablement faciliter le contrôle du réacteur et les transferts thermiques, éliminer les points chauds et les efforts thermiques et limiter les dommages des rayonnements". C’est sur ces bases que les dirigeants du projet approuvent le début du programme de développement en mars 1951. Le programme avait quatre objectifs principaux, le premier étant de développer un système de propulsion avec refroidissement par liquide. Les objectifs suivants étaient de construire et tester le banc d'essai nucléaire (1956) puis de concevoir des avions à propulsion nucléaire ainsi que les équipements spécifiques pour ces appareils.

Il convient de noter qu'à aucun moment le X-6 n’a été considéré comme un prototype d’appareil opérationnel comme le signifie d’ailleurs explicitement sa désignation X d’avion expérimental. Aucune spécification militaire n'a été imposée à l'avion pendant la conception et il a été optimisé comme banc d'essai volant seulement.

Cependant, Lockheed, Boeing, Douglas, Convair et d'autres avionneurs étudiaient parallèlement des projets d'avion à propulsion nucléaire opérationnel. Ces projets devaient utiliser le système de propulsion développé pour le X-6. L'US Air Force espérait que la présentation de ces études permettrait l'établissement de caractéristiques générales sur la base desquelles les constructeurs pourraient proposer des développements spécifiques de système d'arme.



En 1951, General Electric propose de faire évoluer son concept de réacteur à refroidissement en métal liquide vers un système à cycle direct. Cette proposition provoqua une polémique entre l’US Air Force, l’AEC et General Electric puis elle fut par la suite approuvée par l'US Air Force et l’AEC en octobre 1951.

Un autre concept de réacteur pour avion, avec l'utilisation du cycle "super-critical water cycle", fut proposé par Sparland Corp. (et plus tard repris par Fairchild puis Pratt & Whitney) avec comme avantages une température de fonctionnement relativement basse et une plus grande simplicité. Ce type de réacteur utilisait un combustible solide refroidi par de l’eau à 1000° C mais maintenue dans un état liquide sous une pression de 5.000 psi. Les travaux sur ce système ont continué pendant tout le programme X-6, mais ce propulseur est resté à un stade de développement peu avancé par rapport au moteur à cycle direct développé par General Electric.

Les premiers mois de 1951 ont été fructueux pour le programme d'avion à propulsion nucléaire, néanmoins l'US Air Force avaient toujours des réserves au sujet des applications opérationnelles. En août 1951, en réponse à une question posée par le Dr. M. C. Leverett, le directeur technique du programme d’avion à propulsion nucléaire de General Electric, l'US Air Force précise qu’il était "absolument essentiel de démontrer la faisabilité militaire de l'avion à propulsion nucléaire". Les experts de l'US Air Force estimaient que l'énergie nucléaire serait utilisée" seulement pour les missions qui ne peuvent pas être exécutées avec la puissance chimique, à moins que les approvisionnements en uranium deviennent beaucoup plus important que prévu".

Une autre réserve de l’US Air Force concernait le contrôle de la poussée des turboréacteurs atomiques en vol. On prévoyait des difficultés avec les temps de réponse des moteurs nucléaires, et les experts suggéraient que des moteurs chimiques (c’est à dire des turboréacteurs conventionnels avec kérosène) soient maintenus comme moteurs auxiliaires en cas de besoin.

Général Electric avait calculé tout au long de l'été 1951 qu'un réacteur à cycle direct et refroidi à l'air aurait un combustible à près de 1370 °C pour obtenir une poussée respectable. Puisque aucun matériau connu ne pouvait résister à cette température pendant longtemps, une réduction de la température du combustible semblait obligatoire. Général Electric suggérait qu'une température de combustible de 1000 °C fournirait assez de poussée pour le X-6 (mais le décollage devrait se faire avec des turboréacteurs conventionnels) et recommandait que cette température ne soit pas dépassé sur le X-6.

Les calculs préliminaires indiquaient que quatre turboréacteurs reliés à un réacteur à cycle direct avec combustible à 1000 °C seraient probablement capables de propulser le X-6. Les quatre moteurs devraient produire un total de 11800 kgp à 4500 mètres en utilisant seulement la chaleur du réacteur, mais auraient aussi des chambres de combustion pour brûler du carburant chimique. Avec cette poussée, le moteur nucléaire pourrait propulser le banc d'essai volant à des vitesses de l’ordre de 650 km/h. Le système complet de propulsion nucléaire devait peser environ 75 tonnes. Ceci incluait un réacteur de 4500 kg, 27,5 tonnes de protection anti-radiation sur le réacteur, 16,7 tonnes de protection anti-radiation pour l'équipage, plus 8100 kg pour les turboréacteurs et environ 18 tonnes de tuyauterie et d'accessoires.

General Electric pensait que le développement de ce système de propulsion serait relativement simple bien que le problème du temps de réponse du réacteur soit assez difficile à résoudre. Dans le système à cycle direct, chacun des quatre turboréacteurs devait fonctionner en parallèle à partir de la même source de chaleur. Ceci signifiait qu'un moteur ne pourrait pas fonctionner indépendamment des autres et que le pilotage de tels moteurs "à commande unique" devrait être testé avec soin.

Vers fin décembre 1951, des études supplémentaires avaient conduit à modifier substantiellement le programme. General Electric constate que quatre J-47 modifiés ne produiraient pas une poussée suffisante avec l’énergie nucléaire seule (avec un réacteur fonctionnant à 1000 °C) pour maintenir le X-6 en vol. Le J-47 nucléaire (désignation de General Electric pour le X-39) a donc a été relégué au stade de moteur expérimental d'essai au sol et le moteur de vol a reçu la désignation X-40 quoique sa configuration n'ait pas été encore connue.

Le système complet de General Electric destiné aux tests au sol était désigné P-1, son réacteur nucléaire recevant la désignation R-1. Le réacteur R-1, également prévu pour les essais en vol avec les turboréacteurs X-40 ne devait pas être fondamentalement différent du réacteur d’essai au sol.

Pendant ce temps, Convair continuait les travaux sur le X-6 qui avait à ce stade une masse de 136 tonnes en charge. Le bouclier de réacteur, de plus de 31 mètres de long et avec un diamètre de 3,6 mètres, devait être situé juste à l'arrière du centre de gravité du X-6 avec son composant principal, un réservoir d'eau sous pression. Une protection supplémentaire devait être fournie par une couche de polyéthylène sur les parois du fuselage. Les protections antiradiation en avant du réacteur devait se composer d'un bouclier circulaire de 2,03 mètres de diamètre et 30 cm d'épaisseur. Un autre bouclier qui était situé à l’arrière du compartiment de l’équipage, et à environ 19 mètres du réacteur, était conçu pour limiter à 0.25 Roentgen/heure la dose de radiation, ce qui était un peu moins que les 1 Roentgen/heure estimé arbitrairement en août 1951.

Le poste d'équipage blindé était conçu comme un cylindre de 2,05 mètres de diamètre et de 4,26 mètres de long. General Electric pensait installer les quatre turboréacteurs dans une nacelle horizontale sous le fuselage du X-6 légèrement en arrière du bouclier de réacteur. Les turboréacteurs étaient conçus de sorte que l'air des compresseurs passe directement par le cœur du réacteur et soit chauffé à 600°C. L’air chaud quittant le noyau devait être déchargé dans les turbines haute pression de chaque moteur. Chaque turboréacteur devait avoir une chambre de combustion devant la turbine, et une conduite d’air en sortie de compresseur pour permettre le fonctionnement en mode chimique (avec kérosène).

Dans le R-1, refroidi par air et modéré à l'eau, l'eau servait également de liquide réfrigérant quand les turboréacteurs étaient à l’arrêt et n’insufflait pas d’air dans le noyau. Le cœur nucléaire était cylindrique et avait 1,60 mètres de diamètre, 91 centimètres de longueur et un réflecteur radial de 15 centimètres. Une charge d’uranium de 64,8 kg composait le noyau, qui faisait environ 1,8 tonnes de masse totale avec l’isolation et la structure en aluminium et acier inoxydable.

Le X-6 devait décoller en utilisant huit turboréacteurs conventionnels montés en nacelles sous les ailes, avec les turboréacteurs atomiques ventraux tournant au ralenti sur le kérosène et le réacteur nucléaire stoppé. A l'altitude d'essai, la poussée des turboréacteurs ventraux serait augmentée (toujours avec le kérosène) et celle des moteurs conventionnels diminuée. Une fois que les turboréacteurs ventraux propulserait le X-6, et qu’un flux d’air adéquat traverserait le cœur du réacteur, le réacteur serait porté à la criticité et sa puissance augmentée graduellement. Simultanément, l’alimentation en kérosène des moteurs ventraux serait diminué jusqu'à ce que l'avion vole sur la seule énergie nucléaire.

Les moteurs d'aile, au ralenti, pourraient être utilisés pour augmenter la poussée en cas de besoin. Pour l’atterrissage, le processus serait inversé. Après celui-ci, les moteurs ventraux continueraient de tourner jusqu'à ce qu'une source extérieure de refroidissement pour le réacteur soit fournie.

Le 20 novembre 1951, lors d’une réunion entre l'US Air Force et les dirigeant de l’AEC, le programme X-6 est passé en revue et des décisions sont prises au sujet de la façon de conduire le programme de la façon la plus efficace possible. En conclusion les responsables recommandent, entre autres, que le X-6 soit un bombardier Convair YB-60 modifié au lieu d'un B-36 conventionnel. Cet appareil était un octoréacteur dérivé du B-36, qui offrait exactement le même volume interne que le B-36, et deux prototypes étaient disponibles après l’abandon de ce programme par Convair. De plus, il était suggéré à General Electric que des Pratt & Whitney J-57 soient utilisés à la place des J-47. Ces propositions seront rejetées plus tard pour des raisons techniques et économiques.

Le même mois, l'US Air Force signe un contrat avec une société d'ingénierie, la Parson-Macco-Kiewit Company, pour définir un site pour les essais au sol du système de General Electric. Si possible, le site devait également convenir aux essais en vol à une date ultérieure. Vers la fin de l'année, Parson-Macco-Kiewit avait choisi Arco en Idaho et avait commencé le travail sur le programme d’aménagement du site.

En se basant sur les progrès accomplis, l'US Air Force pouvait lancer la sélection des sous-traitants pour les divers équipements associés à l'avion nucléaires en 1952. L'installation du système de General Electric à Arco, l’assemblage du réacteur du banc d'essai, la modification des turboréacteurs, la modification d’un appareil en X-6 et les essais en vol de certains équipements étaient programmés pour 1953.

L'US Air Force espérait commencer les essais en vol d'un réacteur factice en 1955 et les essais en vol du système complet en 1956 ou début 1957. Pendant le premier semestre 1952, General Electric termine les études du moteur X-39 et reçoit douze moteurs J-47 pour les modifier en X-39. Parallèlement, les études continuaient sur des sujets comme les transferts thermiques, l'adéquation des éléments combustibles, la longévité de l'isolation thermique du cœur nucléaire, l'efficacité du réflecteur de contrôle dans un réacteur critique à Oak Ridge ainsi que des travaux de développement sur des appareils de manutention du réacteur nucléaire.

En juillet 1952, l'US Air Force prend la décision de sélectionner le Convair B-36 comme base pour le X-6. En conséquence, le prototype XB-36 est rendu à Convair pour des essais au sol sur les effets du rayonnement. Plus tard, un B-36H qui avait été endommagé dans une tempête à Carswell AFB est choisi comme banc d'essai volant pour les boucliers anti-radiations.

Cependant le programme subissait quelques dérapages en raison des retards de certains équipements et d’une réduction générale de la semaine de travail aux USA de 48 à 40 heures. Début septembre 1952, Convair signe un contrat avec l'US Air Force pour modifier deux B-36 en appareil d’essai au sol et en vol. Le 29 Septembre, l’ARDC approuve une division administrative du programme en trois projets.

Le projet R-446-8-1, sous la responsabilité de General Electric et de Convair, concernait le développement d'un système de propulsion nucléaire à cycle direct et d'un banc d'essai en vol. Le projet R-446-48-2 concernait le travail de Pratt & Whitney, General Electric, Lockheed, et Boeing sur des appareils opérationnels pour l’US Air Force. Le projet R-446-48-3 concernait le développement par Convair d'un bouclier de protection de l'équipage du X-6.

Vers la fin septembre 1952, General Electric avait terminé l'assemblage du premier moteur X39 et étudiait la possibilité d'utiliser le J-57 comme moteur de vol X40. Les caractéristiques du système P-1 étaient presque inchangées quant aux températures de fonctionnement, aux dimensions, aux masses, et à la composition du noyau atomique. D’autre part, une liste de 17 conditions qui provoqueraient l'arrêt du réacteur atomique avait été établie pendant les études de système de contrôle.

La sélection finale d'un turboréacteur pour propulser le X-6 était un problème difficile. Des cinq principaux compétiteurs, le J53-GE-1 avait un taux de compression trop faible et a été éliminé, le GE-X-5-0 a existé seulement sous forme de projet, le J57-P-5 produisait une poussée insuffisante dans une configuration quatre moteurs et devrait probablement être utilisé par nacelle de trois moteurs, le J57-P-1 ne serait pas disponible en production avant octobre 1956 et le YJ67-W-1 devrait nécessairement être utilisé par groupe de cinq moteurs.

La version de vol du module de propulsion, désigné P-3 par General Electric, devait conserver la plupart des dispositifs initialement prévus. Elle incorporait un réacteur R-1 avec les mêmes caractéristiques de fonctionnement que le système d'essai au sol. Quatre moteurs X40, développant un total de 11 793 kgp propulseraient le X-6 à 480 km/h à 4500 mètres d’altitude. La distance du bouclier d'équipage au réacteur avait été réduite de 19,8 à 18,6 mètres. La masse totale du système de propulsion (à l'exclusion du bouclier d'équipage mais avec le bouclier de réacteur) avait été calculé à environ 64 tonnes.

Vers fin 1952, le premier X39 avait effectué 21 heures d'essais en fonctionnement " chimique " et le deuxième X39 commençait ses essais. Mi-janvier 1953, Convair prévoyait la fin des essais au sol du réacteur pour le printemps et ceux du bouclier de protection de l'équipage en juin. Le réacteur aéroporté devait être de 30 à 100 fois plus puissant que le réacteur d'essai au sol. Le compartiment blindé de l'équipage était conçu pour loger cinq hommes. Les vols d’essai initiaux de l'appareil de test en vol des protections anti-radiation devaient être faits à partir des installations de Convair à Fort Worth au Texas.



Le programme progressait normalement quand, début 1953, les conseillers politiques de la nouvelle administration ont décrété que l'avion à propulsion nucléaire n'avait aucune valeur militaire. Après plusieurs semaines de négociation et de compromis, l'annulation complète du projet a été évitée, mais au prix d'une réduction de budget et de l'élimination du programme de banc d’essai volant X-6.

Pendant les deux années qui suivirent, Convair conduisit un programme d’essai en vol d’un réacteur nucléaire en utilisant un B-36H fortement modifié et officiellement désigné NB-36H.



Cet avion avait un nez totalement remodelé conçu pour faciliter l’installation de la capsule spéciale de 12 tonnes de l'équipage. Le reste du fuselage était également remodelé pour installer les neuf réservoirs d'eau de protection anti-radiation, l'instrumentation d'essai et un réacteur nucléaire d'un mégawatts. Ce réacteur pesait 15 875 kg et était officiellement désigné Aircraft Shield Test Reactor (ASTR). Il était installé dans la vaste soute à bombes du NB-36H et pourrait être retirée après chaque vol pour des examens détaillés et d’éventuel essai au sol supplémentaire.

Le NB-36H a réalisé un total de 47 vols pendant son programme d'essai qui a duré de septembre 1955 à mars 1957. Pendant ces missions, beaucoup d'aspects concernant la propulsion nucléaire ont été examinés les effets des rayonnements sur les matériaux et les équipements d'avion. Le programme a montré que les principaux problèmes seraient :

les accidents pouvant répandre les produits de fission des réacteurs.
La limitation des fuites de radioactivité dans l'atmosphère (avec le concept cycle direct).
On a décidé que les risques encourus avec les rayonnements n'étaient pas plus grand que les risques qui avaient été encourus pendant le développement de l'énergie électrique, de l'avion, de l'automobile, ou des fusées.



Par ailleurs, les études sur les systèmes de propulsion nucléaires continuaient chez les constructeurs. Le concept à combustible nucléaire liquide gagnait des supporters, et certaines études préliminaires sur les ramjets et les fusées nucléaires étaient encourageantes. Pendant l’été 1952, Boeing propose à l'US Air Force le développement d’un bombardier utilisant un carburant chimique pour des performances supersoniques dans la zone de cible et l’énergie nucléaire pour une autonomie pratiquement illimité.



Cette proposition et d’autres études d’ingénierie conduisent à l'établissement d'un programme de système d'arme désigné sous le nom de WS-125 A en mars 1955. Le but du programme était le déploiement opérationnel d'une première escadrille de bombardier à propulsion nucléaires pour le début de 1964. Dès l'été 1955, le projet avait rencontré trois problèmes techniques qui devaient l'accabler jusqu’à son annulation : les boucliers anti-rayonnement indispensables paraissaient beaucoup trop lourds, les conditions de poussée et de températures de fonctionnement étaient si élevées que des matériaux disponibles ne pouvaient pas être utilisés et les spécifications du carburant chimiques étaient si ambitieuse que le rayon d’action requis ne pourrait pas être atteint.

Malgré plusieurs solutions ingénieuses aux problèmes, aucun des constructeurs ne pouvait obtenir les performances requises dans les délais exigés. L'US Air Force avait assigné au projet WS-125 A une priorité aussi haute que celle accordée au missile Atlas (voir le convair X-11), mais le budget nécessaire n’a jamais été débloqué. Début 1956, les industriels impliqués dans le programme WS-125 A se regroupent en deux équipes : Convair avec General Electric, et Lockheed avec Pratt & Whitney.

Bien qu’un réacteurs à combustible nucléaire liquide ait fonctionné avec succès, des problèmes de canalisation ont empêché son couplage avec un turboréacteur. De son coté, le réacteur à cycle direct a fonctionné en combinaison avec un moteur J47 modifié dès janvier 1956. Mais très vite il est devenu évident qu'un système de propulsion nucléaire capable de fournir les performances requises dans les délais du projet WS-125 A était au-delà des possibilités de l’époque.

Les incertitudes au sujet de l’avenir des avions à propulsion nucléaire ont persisté bien que l'activité technique ait continué à un niveau de budget d'environ $150 millions par an. En novembre 1957, des décisions sont prises pour convertir le programme en effort de recherche sur la propulsion nucléaire seule en dépit des efforts de l'US Air Force pour lancer un développement orienté système d’armes.

Pendant l'été 1958, une nouvelle série d'études et de rapport techniques (le Littlewood Committee Study, le Mills Report, et le Canterbury group report) souligne les problèmes techniques empêchant des progrès rapides. L'apparition d’une nouvelle étude (basé sur le concept de Continuous Airborne Missile Air Launcher [ CAMAL ]) et le début du travail sur un prototype expérimental d’avion à propulsion nucléaire donnent un nouvel espoir pour l’avenir du programme.

Vers la fin de 1958, le programme de propulsion nucléaire aéronautique s'était divisé en un programme à quatre phases (avion nucléaire piloté, fusées nucléaires, ramjets nucléaires et sources de puissance auxiliaire) mais fin 1960 toutes les recherches sur les avions à propulsion nucléaire étaient abandonnées.

Il paraît cependant curieux que les essais est étaient totalement stoppé, imaginez que 40 ans sépare la fin des essais officiels et nos connaissances actuels sur la maîtrise des propulsions nucléaires.

Source 1 : http://jpcolliat.free.fr/

Source 2 : http://jpcolliat.free.fr/x6/x6.php3?page=5

Source 3 : http://perso.wanadoo.fr/prototypes.com/index.html

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Re: Pourquoi des propulsions nucléaires dans l'aéronautique?

Message par energy_isere » 16 nov. 2005, 14:14

bill77 a écrit :La propulsion nucléaire aéronautique, etc ......
et ben heureusement que ca a été stoppé ! :evil:

quand on sait qu'il se scratche bien plus qu'un gros avion civil par mois, heureusement qu'il y en a aucun à propulsion nucléaire.

et le cas 11 Sept 2001, tu y pense ?

Je suis fana de l'aéronautique, mais la ça aurait vraiment été trop dangereux.

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Message par Tiennel » 16 nov. 2005, 16:19

On a vraiment joué avec la queue du dragon aux débuts de l'ère atomique. J'espère fortement que d'autres pays que les USA, disposant eux aussi du savoir-faire nucléaire mais sans pétrole ne sont pas en train de reconduire ce genre d'essais... :?

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Message par aleph0 » 16 nov. 2005, 16:34

Il me semble qu'il s'agissait de projets militaires, ce qui "autorisait" quelques libertés, je n'ai pas l'impression qu'on ait pensé généraliser celà à l'aviation civile, sauf à un niveau très théorique.
Mais de toute façon, un traité international du début des années 70 interdit la mise en marche d'un moteur nucléo-thermique dans l'atmosphère.
Il se peut qu'on utilise un jour ce type de moteur pour propulser des vaisseaux spatiaux, la NASA a toujours NERVA sur l'étagère, mais il sera lancé en orbite par une fusée classique.

Bon, maintenant, vu les centaines d'armes nucléaires qu'on a fait exploser dans l'atmosphère dans les années 50 et 60, on en était pas à ça près.

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Message par energy_isere » 16 nov. 2005, 17:52

Tiennel a écrit :On a vraiment joué avec la queue du dragon aux débuts de l'ère atomique. J'espère fortement que d'autres pays que les USA, disposant eux aussi du savoir-faire nucléaire mais sans pétrole ne sont pas en train de reconduire ce genre d'essais... :?
je crois que c'est complétement enterré ces avions à propulsion nucléaire.
Je lis Air et Cosmos toutes les semaines depuis des années, et ca n'est jamais évoqué.

les pseudos alternatives, ont en a déja parlé sur oléocéne, c'est les avions à Hydrogénes (je me marre) et les avions fonctionnant à l'éthanol (voir le prototype de chez Embraer). Je developpe pas ici, voir les topics la dessus.

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Message par Tiennel » 16 nov. 2005, 21:19

je lis également cette auguste revue de façon très régulière, et même si elle dispose de bons journalistes, notamment à Toulouse :-) elle n'est pas forcément au courant de tout. Sur les sujets militaires, notamment, je constate qu'elle ne sait pas toujours tout... Et d'autant plus si les expérimentations ont lieu dans le désert de Gobi par exemple :-D

Bon, je dois reconnaître que j'ai un peu fait le Jacquou le Croquant là. Un projet d'avion nucléaire reste fortement improbable.

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Message par Tiennel » 06 janv. 2006, 17:01

Je viens de mettre sur le wikice remarquable (triple) post de Stéphane. Il y a encore un peu de travail de mise en page, que les bonnes volontés n'hésitent pas ! Ca leur donnera l'occasion de le relire...
Méfiez-vous des biais cognitifs

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