Wirecard
J'avoue que je n'avais pas entendu parler de cette entreprise. J'étais plus focalisé sur le secteur technologique nord-américain.
Qu'est-ce que c'est? On parle de "fintech", autrement dit d'entreprise financière basée sur les nouvelles technologies. Wirecard, ça propose des solutions de paiement utilisant internet ou les paiements sans contacts, etc. On pense à PayPal par exemple.
Créé en 1999, l'entreprise qui était encore petite avait subit la crise internet. Et en 2002, Markus Braun devient CEO et CTO de l'entreprise en y injectant de l'argent. Peu de temps après (2004), l'entreprise fusionne avec l'acteur "Infogenie", qui avait lourdement chuté lors de l'éclatement de la bulle internet, ce qui donnera un accès à la bourse (Infogenie avait fait une IPO). S'ensuit une très forte période de croissance qui culminera fin 2018. L'entreprise et son patron sont cité en exemple de réussite... Mais c'est surtout depuis 2017 que l'entreprise monte fortement en bourse, l'action passant de 40€ à 200€ en une année et demi. Ils rachètent entre autre plein de petites entreprises. Elle entre ainsi dans l'indice DAX, atteignant €30 milliards de capital-action. Elle remplace ainsi Commerzbank, la deuxième plus grande banque allemande. L'entreprise donne des perspective de croissance, dopée par le commerce électronique, qui booste sa valeur. On est en plein dans le buzz, on parle d'un visionnaire, etc.
MUNICH/FRANCFORT, 9 octobre (Reuters) - Wirecard, la fintech allemande qui a remplacé il y a un mois Commerzbank au sein de l'indice Dax, a dit mardi anticiper une multiplication par six de son bénéfice brut d'ici 2025, à la faveur du boom mondial du commerce électronique et des paiements numériques.
Dans un document - Vision 2025 - publié à l'occasion d'une journée investisseurs à Londres, le groupe précise que le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements (Ebitda) devrait être supérieur à 3,3 milliards d'euros d'ici le milieu de la prochaine décennie.
"Tous les chiffres que nous fournissons représentent le bas de la fourchette - je tiens à le souligner", a déclaré le président du directoire Markus Braun, jugeant lui-même les prévisions du groupe prudentes, lors d'une interview en amont de cette journée investisseurs.
https://investir.lesechos.fr/actions/ac ... 797194.php
En 2015 pourtant, le Financial Times avait commencé à interroger les comptes de l'entreprise, sous son site blog "alphaville"
The puzzle is an accumulation of questions: why does the company pay big sums upfront, months before deals complete? Why are key parts of transactions not fully transparent? Why spend millions on struggling Asian businesses? Why do accounts filed in Singapore not match totals reported in Germany? What are €670m of intangibles on the balance sheet really worth?
https://ftalphaville.ft.com/2015/04/27/ ... -wirecard/
Et fin janvier 2019, le Financial Times publie un article citant un lanceur d'alerte qui évoque les pratiques frauduleuses de l'entreprise. Et Markus Braun parle de diffamation, accusations mensongères, et rejette en bloc ces articles. En avril 2019, Softbank (encore eux!!!) investi $1 milliard dans Wirecard... Toujours en avril, la BaFin (gendarme boursier allemand) porte plainte contre les journalistes et le FT pour avoir tenté de manipuler le cours de l'action à la baisse*. En 2008, une plainte contre des investisseurs qui questionnaient les comptes de l'entreprise avait d'ailleurs abouti à la condamnation de ces investisseurs.
En octobre 2019, le Financial Times remet ça avec de nouvelles accusations de fraude. Elle a des documents à l'appui qui force Wirecard à faire appel à KPMG pour un audit de ses comptes afin de laver ces soupçons. C'est le début de la procédure qui va conduire à la situation actuelle. Loin de laver les soupçons, l'audit va au contraire être incapable de valider les comptes.
On en arrive à la situation actuelle où l'entreprise ne peut plus cacher la fraude qui a pris une ampleur énorme. Une pratique qui s'est poursuivie sur 10 ans au moins, peut-être même depuis que Markus Braun a pris la tête de l'entreprise.
https://www.tradingsat.com/actualites/i ... 19195.html
Alors toutes les entreprise technologiques ne font pas de fraude de cette ampleur. Mais elles exploitent toutes des perspectives mirobolantes qui gonflent leur valuation. Je ne pense pas que Wirecard soit un domino qui puisse faire tomber d'autres pièces, mais on retrouve à nouveau la patte de Softbank dans cette histoire.
* C'est un truc que je vois souvent. Dès que quelqu'un met en doute la fiabilité d'une entreprise, ils sont attaqués pour diffuser de l'intox (FUD) afin de manipuler les cours et de faire profiter des investisseurs qui parient à la baisse. C'est très courant sur les réseaux sociaux, en particulier dans le cas de Tesla où n'importe quelle critique est contrée par une armée d'internautes ou peut-être aussi de bots.
On voit ici que même avec des preuves solides, c'est aussi ce qu'il se passe. Ce qui donne donc plus de liberté aux entreprises de falsifier leurs données, puisque de toute façon il suffit de soigner l'image que l'entreprise dégage pour que le populisme les protège.
https://www.usinenouvelle.com/article/p ... rd.N832385