Le pétrole : du puits à la pompe

Discussions traitant de l'impact du pic pétrolier sur l'économie.

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tom
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Le pétrole : du puits à la pompe

Message par tom » 30 mars 2006, 15:09

Avant d’aboutir dans nos réservoirs et ailleurs, le pétrole est le fruit d’un long processus historique, ainsi que d’un long cheminement logistique, dont les utilisateurs n’ont pas toujours conscience. Bien que subissant la concurrence partielle du charbon, du gaz naturel, de l’hydroélectricité, du nucléaire… à l’aube de ce 21ème siècle, le pétrole reste toujours la sève nourricière la plus polyvalente et la plus économique de l’industrie et de la vie moderne. Pour bien mesurer son importance, il faut imaginer les conséquences cauchemardesques de son absence : pas de voitures, pas de trains (chez nous), pas de bateaux, pas d’avions, pas de production dans certaines industries, pas d’électricité dans certaines centrales thermiques, pas de cuisine (pour ceux qui n’ont pas de bois), pas d’engrais, pas de plastiques… On dit donc du pétrole, ressource inégalement distribuée sur la planète, que c’est une matière première stratégique. Sa possession assure aux Etats une certaine indépendance énergétique et parfois, de confortables revenus. Mais, plus que la possession, c’est le contrôle du pétrole qui a de tout temps été le secret leitmotiv des Etats les plus puissants de notre planète. Les revenus du pétrole se sont traduits dans quelques pays (Moyen Orient, Norvège…) par une amélioration sensible des infrastructures et du niveau de vie général des habitants alors qu’en Afrique, malheureusement, l’exploitation du pétrole s’est souvent traduite par un délabrement de nos pays.
En effet, l’absence d’un contrôle démocratique et citoyen sur l’exploitation de cette ressource a longtemps laissé le champ libre au dialogue exclusif et intéressé entre les compagnies exploitantes et nos dirigeants, lesquels en ont profité pour se bâtir des fortunes colossales, dont ils se servent pour nous narguer et surtout, pour s’imposer indéfiniment à la tête de nos pays. Dans un passé récent, une caricaturale affaire “ Elf ” en France, a levé un mince pan de voile sur les relations incestueuses qui entourent l’exploitation pétrolière en Afrique, relations qui sont rarement profitables aux peuples africains.
A l’Approce (Association des droits de l’homme pour la protection des consommateurs et de l’environnement), où nous estimons que le contrôle citoyen commence par l’information, nous avons jugé utile, à travers une série d’articles, de vous emmener naviguer dans les dédales de l’industrie pétrolière, un univers d’initiés, où les prouesses technologiques inouïes côtoient les jongleries financières les plus sophistiquées.
L’industrie pétrolière est une chaîne que l’on subdivise en amont (exploration-production) et aval (raffinage-distribution). Elle englobe aussi le commerce ainsi que le transport, du pétrole brut et des produits pétroliers. De nos jours, on devrait plutôt parler de l’industrie des hydrocarbures, puisque l’usage du gaz naturel (qui est du pétrole gazeux) prend aussi de l’ampleur. Quant à la pétrochimie, c’est une industrie en plein essor, qui interagit beaucoup avec le raffinage. Avant de vous promener dans cet univers complexe qui charrie beaucoup d’argent et de mythes, notre expert maison va tenter de vous résumer l’histoire mouvementée et la genèse de l’ “ or noir ”, matière qui a souvent sculpté le cours récent de l’humanité.

I – l’histoire et la genèse du pétrole
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le pétrole n’est pas une découverte récente de l’homme moderne : depuis l’antiquité, dans les régions du monde où il y avait des suintements ou des dépôts de pétrole à la surface de la terre, nos ancêtres ont trouvé à cette matière plusieurs utilisations, cependant à l’état brut : calfatage de navires, combustibles, médicaments, mortier, etc. On retrouve même des traces de puits de pétrole en Chine dès le deuxième siècle de notre ère. Mais, tout cela se faisait sur le mode artisanal.
C’est l’invention de la lampe à pétrole qui a initié l’histoire moderne du pétrole, au milieu du 19ème siècle, en Europe (Roumanie, Pologne) et aux Etats-Unis. En effet, à cette époque où l’électricité n’était pas encore inventée, les riches s’éclairaient avec une lampe qui utilisait l’huile de baleine, animal qui était traqué pour alimenter ce commerce fructueux mais dévastateur. C’est la raréfaction des baleines qui justifia l’intérêt industriel pour le pétrole. La baleine fut donc sauvée de l’extinction par ce liquide visqueux, dont le raffinage rudimentaire fournissait du kérosène (pétrole lampant) et un résidu, qui servait de lubrifiant ou qui était rejeté dans la nature. Les contraintes écologiques étaient inexistantes à l’époque !
Le développement rapide de la consommation du pétrole lampant va entraîner la raréfaction des ressources superficielles de pétrole. D’où l’idée d’aller le chercher en profondeur. On attribue au “ colonel ” Drake, la paternité du premier forage producteur de pétrole, en 1859, à Titusville en Pennsylvanie (Etats-Unis).
Toute la seconde moitié du 19ème siècle a été dominée par la course au pétrole, clé de l’éclairage. Cette course, commencée aux Etats-Unis, s’étendit peu à peu aux territoires où des indices évidents de pétrole avaient été décelés : Russie (mer Caspienne), Indonésie… Au début du 20ème siècle, l’essentiel de la production pétrolière provenait de ces trois régions.
Vers la fin du 19ème siècle, la donne changea : l’invention de l’électricité restreignit progressivement l’utilisation du pétrole pour l’éclairage. Mais, à l’aube du 20ème siècle, l’invention des moteurs à combustion interne et le subséquent essor de l’industrie automobile, offrit un vaste débouché aux produits pétroliers. Peu après, le fuel lourd issu du pétrole remplaça le charbon pour la propulsion des navires.
A cette époque, le pétrole était une industrie comme les autres, d’où émergeaient quelques hommes d’affaires européens (les frères Nobel, Alphonse de Rothschild, Marcus Samuel fondateur de Shell en 1897, Aielko Gans Zijlker fondateur de Royal Dutch en 1890…) et américains. Parmi ces derniers, John D. Rockfeller se distingua en créant une société, la Standard Oil, qui prit tellement d’envergure que les autorités américaines demandèrent son éclatement. Cette scission eut lieu en 1911 et donna naissance à 34 sociétés : certains de ses “ enfants ” sont d’ailleurs devenus les grandes compagnies pétrolières multinationales (Majors) du 20ème siècle (Exxon, Mobil, Chevron, Amoco, Arco …).
A cette époque aussi, des nouveaux territoires vinrent gonfler les rangs des producteurs de pétrole : Perse (Iran), Mésopotamie (Irak), Mexique, Venezuela, péninsule arabique (Arabie Saoudite, Koweït, Bahreïn…).
Ce sont les difficultés énergétiques éprouvées lors des “ guerres mondiales ” qui vont vraiment consacrer le caractère stratégique du pétrole, et faire entrer les Etats industrialisés dans la danse. Après la 1ère guerre mondiale, le gouvernement britannique renforça sa participation dans Anglo-Persian Oil company (ancêtre de British Petroleum - BP), société créée pour exploiter le pétrole perse (Iranien). En 1920, l’état italien créa Agip, une compagnie de raffinage. En 1923, le gouvernement français chargea un privé, l’homme d’affaires Ernest Mercier, de créer une société privée “ indépendante ”, la Compagnie française des pétroles (Cfp, ancêtre de Total). Pendant la deuxième guerre mondiale, l’Allemagne tenta vainement de s’emparer des gisements russes, saoudiens et koweïtiens. Elle mit d’ailleurs à profit l’ingéniosité de ses chercheurs, pour produire des carburants pétroliers à partir du charbon. A la fin de la 2ème guerre mondiale, Agip fut confié à un industriel italien ambitieux, Enrico Mattei, qui forma en 1953 un conglomérat intégré, l’Eni (Ente nazionale idrocarburi). En menant une politique active de contacts avec les pays producteurs, il parvint à s’introduire dans quelques pays du tiers-monde, notamment en Iran, où il proposa des conditions avantageuses au pays producteur, fait rare à l’époque.
Ayant consacré le caractère stratégique du pétrole, les Etats industrialisés allaient frénétiquement entreprendre des prospections sous leurs sols, ainsi que dans les territoires alors sous leur souveraineté. L’exploration débuta sur le continent africain dès le début du 20ème siècle, mais la production ne débuta que plus tard : le Portugal fut l’un des premiers producteurs de pétrole africain, en 1955, en Angola. La France, pays dépourvu de grandes ressources de pétrole, créa des sociétés pour prospecter dans ses colonies, à partir des années 1920 : les recherches débutèrent en Algérie, au Congo, au Gabon, en Tunisie… Des découvertes significatives furent effectuées en 1956 en Algérie (Hassi Messaoud) et au Gabon (Pointe Clairette), dont la première cargaison de pétrole vint en France en 1957 ! Inutile de préciser que cette situation fut à la base de la guerre d’Algérie et de la tutelle rapprochée longtemps exercée sur le Gabon. Quant à la Grande-Bretagne, qui n’avait alors qu’une vague idée des potentialités pétrolières de son propre sous-sol, elle joua un rôle très actif pour le découpage arbitraire du Moyen-Orient et dans ses autres colonies (Nigeria, Malaisie…). La connaissance des potentialités du sous-sol sous-tendit donc beaucoup de décolonisations biaisées. Si les techniques modernes étaient alors disponibles, cela aurait été bien pire…
L’histoire du pétrole africain est donc d’abord une histoire coloniale, qu’il faut même resituer dans le contexte technologique de l’époque. Au Cameroun par exemple, l’histoire pétrolière commença sous l’égide de la France en 1947, avec la création de la Serepca (Société d’études et de recherches pétrolières du Cameroun), qui deviendra plus tard Elf Serepca, puis Total E&P d’aujourd’hui. Les premières recherches débutèrent en 1952, dans le bassin de Douala. Des découvertes furent certes effectuées, mais de gaz naturel, ce qui était très décevant à l’époque. Au début des années 1960, avec les grandes découvertes de pétrole au Sud-Est du Nigeria dans le delta du Niger, cette société réorienta ses recherches vers notre frontière avec le Nigeria, dans la zone dite du Rio del Rey, au Cameroun anglophone. Les recherches aboutirent au début des années 1970, à des découvertes de pétrole exploitables. La réunification, puis l’unification de notre pays sont fortement teintées de considérations pétrolières. Le Cameroun est producteur de pétrole depuis 1977, dans un contexte favorable de prix. Mais, à l’instar de beaucoup de pays africains, notre pays est encore sous-exploré, tributaire qu’il est des technologies et des capitaux étrangers.
En 1967, les intérêts pétroliers français cherchèrent même à gagner le gros lot nigérian. En effet, il est aujourd’hui avéré que la France fut le principal soutien, sinon l’instigateur de la tentative de sécession du Biafra, portion du territoire sur lequel se trouvait la majorité des gisements de pétrole nigérians. La guerre civile qui s’ensuivit perturba grandement la production pétrolière de notre géant voisin mais, il est tout aussi évident que les compagnies pétrolières anglo-saxonnes présentes dans ce pays ne restèrent pas inertes. On peut aussi s’étonner en découvrant que la compagnie nationale française Elf Aquitaine est devenue par la suite l’une des plus grandes compagnies opérant au Nigeria. Elle récidiva quelques années plus tard en Angola, en pilotant la tentative de sécession de l’enclave du Cabinda, où se produisait la majorité du pétrole angolais. Aujourd’hui absorbée par son alter ego Total, Elf Aquitaine s’est positionné dans presque tous les pays producteurs de pétrole d’Afrique noire : Gabon, Congo-Brazzaville, Cameroun, Nigeria, Angola… où ses relations incestueuses avec les régimes en place ont souvent défrayé la chronique.
Après la seconde guerre mondiale, ayant constaté que le pétrole était rentable et recherché, les pays producteurs du tiers-monde revendiquèrent et obtinrent théoriquement un partage plus favorable des bénéfices avec les compagnies occidentales. Ils le firent avec d’autant plus de conviction qu’intervenait alors la grande vague des décolonisations. Bien plus, ces pays amorcèrent un mouvement de contrôle de leurs ressources (Iran, Irak). Astucieuses, les compagnies occidentales, qui avec leurs gouvernements maîtrisaient alors fermement la chaîne pétrolière, se mirent à baisser les prix de base de calcul des redevances et des impôts, qu’ils consentaient à payer aux pays dans lesquels ils produisaient du pétrole.

Très sûres de leur pouvoir, ces compagnies ne prêtèrent d’ailleurs qu’une oreille distraite à la création d’une Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), le 14 Septembre 1960 à Bagdad (Irak), par les 5 principaux pays exportateurs de l’époque (Venezuela, Arabie Saoudite, Iran, Irak, Koweït). Elles allaient le regretter car, chaperonnés par le Venezuela qui disposait d’un certain savoir-faire pétrolier, ces pays réussirent à obtenir la stabilité des prix de base sur une dizaine d’années. L’Opep est aujourd’hui une puissante organisation de 11 membres (5 fondateurs plus Qatar, Libye, Indonésie, Algérie, Emirats Arabe Unis, Nigeria) dont le siège est à Vienne (Autriche).
Par la suite, le pétrole va devenir une arme pour les pays exportateurs, surtout arabes. En 1969, le colonel Kadhaffi renversa le roi Idriss en Libye, le premier producteur de pétrole africain de l’époque. Il mit en place une politique de régulation de la production et commença à pressurer les compagnies pétrolières. Ce fut le point de départ d’un processus qui allait aboutir en l’espace de dix ans au monopole du pétrole par les Etats du tiers-monde et à la nationalisation (Algérie, Libye, Irak, Koweït, Qatar, Venezuela, Arabie Saoudite) des avoirs des compagnies étrangères opérant sur leur sol. On peut noter que plusieurs pays avaient déjà nationalisé leur industrie pétrolière : Russie (1918), Mexique (1938), Iran (1952), Inde (1958). Le but était d’augmenter les prix de base, donc les revenus des pays producteurs. Au départ, le choc fut rude pour les compagnies occidentales, qui tentèrent de négocier quelques accords transitoires (accords de Téhéran, de Tripoli, de Geneve, de New York…), que des événements postérieurs allaient vider de leur substance.
En effet, le 6 octobre 1973, l’Egypte et la Syrie attaquèrent Israël. Donnée pour vaincue, Israël parvint miraculeusement à rétablir l’équilibre grâce à ses alliés occidentaux. Le conflit cessa le 23 octobre 1973 mais, en représailles, les pays arabes décrétèrent une hausse abrupte (de 3 à 5 dollars par baril) du prix du pétrole, et un embargo pétrolier à l’encontre des amis d’Israël. Deux mois plus tard, ils portèrent la hausse à 12 dollars par baril : c’est le premier choc pétrolier, qui correspond à un quadruplement du prix du pétrole en l’espace de deux mois ! C’est alors que le pétrole commença à devenir vraiment intéressant, pour les pays exportateurs. Bien que l’embargo prit fin en avril 1974, l’impact économique et psychologique fut immense et planétaire, surtout dans les pays importateurs. Le mythe d’un pétrole abondant et bon marché avait vécu ! Les économies durent se rajuster, les économies d’énergies furent préconisées, les recherches substitutives au pétrole furent réactivées, les gisements difficiles et coûteux à produire retrouvèrent leur intérêt… Le chômage, l'inflation et la stagnation de l'économie revinrent hanter les pays occidentaux, après environ 30 années de croissance ininterrompue. Ces pays créèrent en 1974, dans le cadre de l’Ocde (Organisation de coopération et de développement économique), l’Aie (Agence internationale de l’énergie), un organisme chargé de gérer la veille et la coopération énergétique des pays membres.
De 1974 à 1978, le prix du pétrole, fixé par une Opep alors au faîte de sa domination, fut presque stable (12 $/b). Fin 1978, des troubles éclatèrent en Iran, qui réduisirent considérablement sa production pétrolière (de 6 millions à 400 000 barils par jour). Début 1979, le pro-occidental Shah Mohammad Reza Pahlavi, malade, fut contraint à l’exil et remplacé par l’Ayatollah Khomeyni, un religieux nationaliste. Les autres pays exportateurs essayèrent tant bien que mal de compenser la réduction. Mais, la demande étant très supérieure à l’offre, les prix allaient s’emballer, d’autant plus que quelques marchés “ libres ” de brut, où on pouvait négocier le pétrole comme n’importe quelle matière première, étaient apparus. Les prix “ libres ” atteignirent plus de 38 $/b, fin 1979. L’Opep suivit cette évolution : c’est le 2ème choc pétrolier.
En octobre 1980, l’Irak de Saddam Hussein, vivement encouragé par les pays occidentaux, au premier rang desquels les Etats-Unis, attaqua l’Iran, entraînant la baisse importante de la production pétrolière des deux pays. On n’assista cependant qu’à une brève flambée des prix : les mesures d’économies d’énergie et de substitutions prises dans les grands pays consommateurs commençaient à porter leurs fruits, entraînant une forte baisse de la demande pétrolière. Il faut aussi noter que parallèlement, la production mondiale augmentait rapidement suite aux découvertes et aux mises en production hors pays Opep (Nopep) de la Mer du Nord (Europe de l’Ouest), de l’Alaska (Usa), du Golfe de Guinée (Afrique) et de la Mer Caspienne (Urss), rendant l’offre très supérieure à la demande. Le manque de discipline de l’Opep contribua in fine à entraîner la chute vertigineuse du prix du brut. Ce fut le contrechoc pétrolier : le prix du pétrole passa de 25 $/b en Janvier, à 8 $/b en Juillet 1986. Les recettes des pays Opep, qui avaient atteint un sommet de 290 milliards de dollars en 1980, chutèrent à 75 milliards en 1986 ! On peut imaginer les conséquences…
Matière première autrefois chasse gardée des gouvernements et des compagnies pétrolières, le pétrole est presque devenu à partir de 1986, une matière première comme les autres, attirant beaucoup de spéculateurs. Son prix est désormais sujet à des fluctuations rapides et importantes, en fonction de l’équilibre offre-demande et des divers événements qui émaillent et influencent la scène pétrolière mondiale. Même l’Opep ne parvient plus à maintenir son prix dans une fourchette cible. On assiste depuis les crises asiatique (1997) et russe (1998) qui ont fait chuter le prix à environ 10 $/b, malgré un embargo sur l’Irak, à une remontée graduelle du prix du pétrole, qui dépasse de nos jours le sommet de 60 $/b ! S’achemine-t-on vers un troisième choc pétrolier ?
On ne peut pas se prononcer sur la seule vue de la courbe historique des prix (fig 1). En matière de prix du pétrole, l’histoire a montré que les prévisions sont souvent hasardeuses. En ce début de millénaire, quelques données font cependant craindre le pire (ou le meilleur, c’est selon). Les Etats unis, premiers consommateurs de pétrole, importent désormais plus de 60% de leur consommation. La Chine (1,3 milliards d’habitants) a supplanté le Japon en devenant le deuxième consommateur mondial et, ses importations croissent vertigineusement (+25% entre 2003 et 2004). L’Inde (800 millions d’habitants) importe 70% de sa consommation. En outre, la production européenne de la mer du Nord décline, l’Opep retrouve un rôle central…

Quel que soit son statut (producteur, exportateur, importateur), un pays ne peut et ne doit pas ignorer les évolutions de la scène pétrolière mondiale. Ces évolutions sont lourdes de conséquences économiques et sociales. Même dans les pays à l’économie résiduelle comme les nôtres.
Contraction étymologique de pétra (pierre) et oléum (huile), le pétrole est un mélange complexe d’atomes de carbone et d’hydrogène, que l’on nomme généralement hydrocarbures. Mais, quelles sont ses origines ?
Le pétrole exploité de nos jours est le fruit d’un long processus qui a commencé depuis des centaines de millions d’années. Il est aussi le fruit d’une conjonction géologique très particulière résultant de l'accumulation et la longue sédimentation des matières organiques, en milieu anaérobie (sans oxygène). On le trouve exclusivement dans les roches sédimentaires, d’où l’intérêt pour les pétroliers, de comprendre la genèse de ces roches, qui forment le gros de la surface terrestre : la recherche pétrolière est donc une activité relativement superficielle. Les forages les plus profonds atteignent seulement 10 km de profondeur, à comparer avec le rayon de la Terre (6400 km) !
Une roche sédimentaire résulte de dépôts successifs, puis d’un processus appelé diagenèse, qui transforme les sédiments déposés en roche. Dans tous les cas, les sédiments contiennent une certaine quantité de matière organique enfouie. Composée de carbone, d’hydrogène, d’oxygène et d’azote (Chon), cette matière organique est parfois protégée de l'oxygène, mais non de l'action des bactéries. Ces bactéries vont prélever dans le milieu l’oxygène O et l’azote N nécessaires à leur survie : c’est la dégradation biochimique. Le carbone C et l’hydrogène H restants vont alors s’unir pour former les hydrocarbures (HC), dont le pétrole n’est qu’un sous-ensemble.
Une des premières molécules à se former est le gaz naturel méthane. Quand il se trouve dans les couches terrestres les moins profondes, on dit alors qu’il s’agit du méthane biochimique. A mesure que l'empilement des sédiments sur le plancher océanique augmente, le reste de la matière organique se transforme d’abord en un pétrole embryonnaire appelé kérogène, puis les molécules d’hydrocarbures sont amenées à des températures et pressions de plus en plus élevées : c'est l'enfouissement. A partir de cet instant, les molécules d'hydrocarbures deviennent de plus en plus complexes. La dégradation passera alors de biochimique à thermique. Lorsque la température atteint 50°C-70°C, le kérogène se transforme en pétrole. Vers 120°C-150°C, le pétrole est craqué à son tour pour donner du gaz.
Comme la température augmente avec la profondeur, on conçoit aussi que la découverte du pétrole est une histoire de profondeurs. Après plusieurs décennies d’exploitation pétrolière, l’analyse et l’expérience ont permis de situer en probabilités, les chances de rencontrer des hydrocarbures dans les profondeurs de l’écorce terrestre.
En creusant le sous-sol, la probabilité de trouver du gaz est plus grande que celle de trouver du pétrole. En langage pétrolier, on appelle “ fenêtre à l'huile ” cette fourchette de profondeurs ou où on trouve majoritairement le pétrole, et “ fenêtre à gaz ” là où trouve surtout le gaz. Mais, dans un gisement de pétrole, il y a pratiquement toujours de l'huile et du gaz.
La roche dans laquelle se forment les gouttelettes d'hydrocarbures est appelée roche-mère. Ensuite, ces gouttelettes migrent de la roche-mère, pour venir se concentrer dans les pores de ce qu'on appelle une roche-réservoir, qui est une sorte d’éponge. La roche-réservoir est toujours poreuse, souvent perméable. Mais, ce n'est pas tout d'avoir une roche-mère, de la migration et une roche-réservoir ! Encore faut-il que le réservoir soit scellé pour empêcher la migration de se poursuivre. Il y a plusieurs situations géologiques qui fourniront ce piège imperméable appelé roche-couverture : anticlinaux, failles, dômes de sels… Il se peut même que ces conditions étant réunies, quelques interstices résultant des accidents tectoniques, offrent un passage au pétrole jusqu’à la surface terrestre où il suintera : c’est ainsi que les premiers gisements de pétrole ont été découverts par nos aïeux.
Le pétrole étant formé, il en reste encore enfoui dans les profondeurs de l’écorce terrestre. Comme il n’existe encore aucune méthode infaillible pour le localiser.


NDANGA André
Ingénieur pétrolier
Consultant APPROCE
inged03@yahoo.fr
Me MOMO Jean de Dieu
Président APPROCE
momojd@yahoo.fr



Le messager
Le 30-03-2006