De si précieux métaux…
PUBLIÉ LE 17/11/2020
L'Usine Nouvelle Le blog de Julien Fosse
Sans eux, ni smartphones, ni panneaux photovoltaïques. Indispensables aux technologies du numérique et aux énergies renouvelables, omniprésents dans notre vie quotidienne mais invisibles, les métaux font l’objet d’une consommation exponentielle depuis les années 70. Un boom synonyme d’extractions massives, et donc d’émissions de gaz à effet de serre. Des émissions dont les coûts réels ne sont pas intégrés aux prix du marché mondial. Tenir compte de ce "coût climatique" au moyen d’une taxe carbone, y compris pour les métaux importés, pourrait permettre de réduire ces émissions selon certains économistes de l’environnement. Le moyen de redonner leur juste valeur à ces ressources naturelles, et ainsi enrayer la surexploitation de ces métaux si précieux....
UNE ÉCONOMIE MONDIALE ACCRO AUX MÉTAUX
Ferreux, précieux, d’alliage ou rares, les métaux se distinguent par leurs propriétés physico-chimiques, électriques et magnétiques, qui expliquent la grande variété de leurs usages, en fonction des pays et des évolutions technologiques. Ainsi que leur surexploitation. Car depuis la révolution industrielle, l’usage des métaux a évolué à mesure que les innovations surgissaient. Leur consommation est ainsi passée de 2,6 milliards de tonnes en 1970 à 9,1 milliards en 2017, soit 250 % de hausse. Une tendance qui conduirait à consommer 18 milliards de tonnes en 2060.
Les métaux lourds (plomb et mercure), très polluants, voient leur demande décliner, grâce à des réglementations environnementales de plus en plus strictes. Les métaux ferreux sont pour leur part liés à l’urbanisation, l’industrialisation et aux infrastructures de transport. Leur demande croît faiblement (2,5 % par an en moyenne sur vingt-cinq ans) mais cette croissance provient majoritairement des pays en développement. Les métaux d’alliages (cuivre, zinc) ont une croissance et une cyclicité plus fortes (de 3 % à 5 % de croissance). Les métaux high-tech et stratégiques, enfin, voient leur demande suivre les innovations. Leur croissance peut dépasser les 20 % par an, même si une large part des métaux high-tech a une production inférieure à 200 000 tonnes par an. La demande provient essentiellement des pays développés, grands consommateurs de numérique.
10 % DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE
À eux seuls, l’extraction et le raffinage des métaux sont à l’origine d’un dixième des émissions mondiales de gaz à effet de serre, avec toutefois des variations considérables. Certains métaux rares ou précieux ont ainsi une très grande intensité en carbone : 20 600 tonnes de CO2 émises pour une tonne extraite et raffinée de platine, et 5 100 tonnes de CO2 pour une tonne d’or, contre 2 tonnes pour l’acier et 17 pour l’aluminium. En volume, deux métaux concentrent l’essentiel des émissions : l’acier et l’aluminium produisent à eux seuls près des neuf dixièmes des émissions de CO2 des principaux métaux utilisés dans le monde. En appliquant une taxe carbone de 57 euros par tonne, comme le recommande le rapport Stern-Stiglitz, la prise en compte de cette externalité carbone renchérirait le prix de marché de 25 % pour l’acier, de 60 % pour l’aluminium et à plus de 100 % pour le magnésium. Pour tous les autres métaux, le coût additionnel serait inférieur à 11 %. En raison des importants volumes produits, l’aluminium et l’acier auraient logiquement à supporter l’essentiel d’une tarification du carbone aux frontières, en tant que responsables de la majorité des émissions de carbone liées au secteur de l’extraction et du raffinage. De quoi modifier quelques équilibres commerciaux mondiaux, ainsi que de nombreuses pratiques industrielles…
Le paiement de l’"externalité carbone" pourrait ainsi conduire à une transformation substantielle de l’usage des métaux, dans le sens d’une sobriété accrue, en favorisant l’économie circulaire. Une évolution qui permettrait sans doute de respecter les objectifs de l’Accord de Paris et de la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Mais qui impliquerait le renchérissement de bon nombre de matières premières. Reste à savoir si l’industrie européenne y est prête, et les consommateurs aussi.
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