Qu'est-ce qu'un économiste?

Discussions traitant de l'impact du pic pétrolier sur l'économie.

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Dagobert
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Re: Qu'est-ce qu'un économiste?

Message par Dagobert » 17 janv. 2010, 09:54

Il faut protéger le travail contre les délocalisations, par Maurice Allais, prix Nobel d’économie

16 janvier 2010

« Tout libéraliser amène les pires désordres », constate le prix Nobel d’économie Maurice Allais, qui se définit comme « libéral et socialiste », préoccupé à la fois par « l’efficacité de la production » et de « l’équité de la redistribution des richesses ». Il est « fou d’avoir supprimé les protections douanières aux frontières », tonne-t-il, car le commerce international est un moyen et non une fin en soi : le « chômage résulte des délocalisations, elles-mêmes dues aux trop grandes différences de salaires... À partir de ce constat, ce qu’il faut entreprendre en devient tellement évident ! Il est indispensable de rétablir une légitime protection. » Déplorant la quasi unanimité en faveur de la mondialisation qui prévalait avant la crise, Maurice Allais dénonce « un pourrissement du débat et de l’intelligence, par le fait d’intérêts particuliers souvent liés à l’argent », et rappelle que malgré ses demandes répétées, les médias ont toujours refusé de donner la parole au seul Nobel d’économie français.


Par Maurice Allais, Marianne, 5 décembre 2005

Le point de vue que j’exprime est celui d’un théoricien à la fois libéral et socialiste. Les deux notions sont indissociables dans mon esprit, car leur opposition m’apparaît fausse, artificielle. L’idéal socialiste consiste à s’intéresser à l’équité de la redistribution des richesses, tandis que les libéraux véritables se préoccupent de l’efficacité de la production de cette même richesse. Ils constituent à mes yeux deux aspects complémentaires d’une même doctrine. Et c’est précisément à ce titre de libéral que je m’autorise à critiquer les positions répétées des grandes instances internationales en faveur d’un libre-échangisme appliqué aveuglément.

Le fondement de la crise : l’organisation du commerce mondial

La récente réunion du G20 a de nouveau proclamé sa dénonciation du « protectionnisme » , dénonciation absurde à chaque fois qu’elle se voit exprimée sans nuance, comme cela vient d’être le cas. Nous sommes confrontés à ce que j’ai par le passé nommé « des tabous indiscutés dont les effets pervers se sont multipliés et renforcés au cours des années » (1). Car tout libéraliser, on vient de le vérifier, amène les pires désordres. Inversement, parmi les multiples vérités qui ne sont pas abordées se trouve le fondement réel de l’actuelle crise : l’organisation du commerce mondial, qu’il faut réformer profondément, et prioritairement à l’autre grande réforme également indispensable que sera celle du système bancaire.

Les grands dirigeants de la planète montrent une nouvelle fois leur ignorance de l’économie qui les conduit à confondre deux sortes de protectionnismes : il en existe certains de néfastes, tandis que d’autres sont entièrement justifiés. Dans la première catégorie se trouve le protectionnisme entre pays à salaires comparables, qui n’est pas souhaitable en général. Par contre, le protectionnisme entre pays de niveaux de vie très différents est non seulement justifié, mais absolument nécessaire. C’est en particulier le cas à propos de la Chine, avec laquelle il est fou d’avoir supprimé les protections douanières aux frontières. Mais c’est aussi vrai avec des pays plus proches, y compris au sein même de l’Europe. Il suffit au lecteur de s’interroger sur la manière éventuelle de lutter contre des coûts de fabrication cinq ou dix fois moindres - si ce n’est des écarts plus importants encore - pour constater que la concurrence n’est pas viable dans la grande majorité des cas. Particulièrement face à des concurrents indiens ou surtout chinois qui, outre leur très faible prix de main-d’œuvre, sont extrêmement compétents et entreprenants.

Il faut délocaliser Pascal Lamy !

Mon analyse étant que le chômage actuel est dû à cette libéralisation totale du commerce, la voie prise par le G20 m’apparaît par conséquent nuisible. Elle va se révéler un facteur d’aggravation de la situation sociale. À ce titre, elle constitue une sottise majeure, à partir d’un contresens incroyable. Tout comme le fait d’attribuer la crise de 1929 à des causes protectionnistes constitue un contresens historique. Sa véritable origine se trouvait déjà dans le développement inconsidéré du crédit durant les années qui l’ont précédée. Au contraire, les mesures protectionnistes qui ont été prises, mais après l’arrivée de la crise, ont certainement pu contribuer à mieux la contrôler. Comme je l’ai précédemment indiqué, nous faisons face à une ignorance criminelle. Que le directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, Pascal Lamy, ait déclaré : « Aujourd’hui, les leaders du G20 ont clairement indiqué ce qu’ils attendent du cycle de Doha : une conclusion en 2010 » et qu’il ait demandé une accélération de ce processus de libéralisation m’apparaît une méprise monumentale, je la qualifierais même de monstrueuse. Les échanges, contrairement à ce que pense Pascal Lamy, ne doivent pas être considérés comme un objectif en soi, ils ne sont qu’un moyen. Cet homme, qui était en poste à Bruxelles auparavant, commissaire européen au Commerce, ne comprend rien, rien, hélas ! Face à de tels entêtements suicidaires, ma proposition est la suivante : il faut de toute urgence délocaliser Pascal Lamy, un des facteurs majeurs de chômage !

Plus concrètement, les règles à dégager sont d’une simplicité folle : du chômage résulte des délocalisations, elles-mêmes dues aux trop grandes différences de salaires... À partir de ce constat, ce qu’il faut entreprendre en devient tellement évident ! Il est indispensable de rétablir une légitime protection. Depuis plus de dix ans, j’ai proposé de recréer des ensembles régionaux plus homogènes, unissant plusieurs pays lorsque ceux-ci présentent de mêmes conditions de revenus, et de mêmes conditions sociales. Chacune de ces « organisations régionales » serait autorisée à se protéger de manière raisonnable contre les écarts de coûts de production assurant des avantages indus a certains pays concurrents, tout en maintenant simultanément en interne, au sein de sa zone, les conditions d’une saine et réelle concurrence entre ses membres associés.

Un protectionnisme raisonné et raisonnable

Ma position et le système que je préconise ne constitueraient pas une atteinte aux pays en développement. Actuellement, les grandes entreprises les utilisent pour leurs bas coûts, mais elles partiraient si les salaires y augmentaient trop. Ces pays ont intérêt à adopter mon principe et à s’unir à leurs voisins dotés de niveaux de vie semblables, pour développer à leur tour ensemble un marché interne suffisamment vaste pour soutenir leur production, mais suffisamment équilibré aussi pour que la concurrence interne ne repose pas uniquement sur le maintien de salaires bas. Cela pourrait concerner par exemple plusieurs pays de l’est de l’Union européenne, qui ont été intégrés sans réflexion ni délais préalables suffisants, mais aussi ceux d’Afrique ou d’Amérique latine.

L’absence d’une telle protection apportera la destruction de toute l’activité de chaque pays ayant des revenus plus élevés, c’est-à-dire de toutes les industries de l’Europe de l’Ouest et celles des pays développés. Car il est évident qu’avec le point de vue doctrinaire du G20, toute l’industrie française finira par partir à l’extérieur. Il m’apparaît scandaleux que des entreprises ferment des sites rentables en France ou licencient, tandis qu’elles en ouvrent dans les zones à moindres coûts, comme cela a été le cas dans le secteur des pneumatiques pour automobiles, avec les annonces faites depuis le printemps par Continental et par Michelin. Si aucune limite n’est posée, ce qui va arriver peut d’ores et déjà être annoncé aux Français : une augmentation de la destruction d’emplois, une croissance dramatique du chômage non seulement dans l’industrie, mais tout autant dans l’agriculture et les services.

De ce point de vue, il est vrai que je ne fais pas partie des économistes qui emploient le mot « bulle ». Qu’il y ait des mouvements qui se généralisent, j’en suis d’accord, mais ce terme de « bulle » me semble inapproprié pour décrire le chômage qui résulte des délocalisations. En effet, sa progression revêt un caractère permanent et régulier, depuis maintenant plus de trente ans. L’essentiel du chômage que nous subissons -tout au moins du chômage tel qu’il s’est présenté jusqu’en 2008 - résulte précisément de cette libération inconsidérée du commerce à l’échelle mondiale sans se préoccuper des niveaux de vie. Ce qui se produit est donc autre chose qu’une bulle, mais un phénomène de fond, tout comme l’est la libéralisation des échanges, et la position de Pascal Lamy constitue bien une position sur le fond.

Crise et mondialisation sont liées

Les grands dirigeants mondiaux préfèrent, quant à eux, tout ramener à la monnaie, or elle ne représente qu’une partie des causes du problème. Crise et mondialisation : les deux sont liées. Régler seulement le problème monétaire ne suffirait pas, ne réglerait pas le point essentiel qu’est la libéralisation nocive des échanges internationaux, Le gouvernement attribue les conséquences sociales des délocalisations à des causes monétaires, c’est une erreur folle.

Pour ma part, j’ai combattu les délocalisations dans mes dernières publications (2). On connaît donc un peu mon message. Alors que les fondateurs du marché commun européen à six avaient prévu des délais de plusieurs années avant de libéraliser les échanges avec les nouveaux membres accueillis en 1986, nous avons ensuite, ouvert l’Europe sans aucune précaution et sans laisser de protection extérieure face à la concurrence de pays dotés de coûts salariaux si faibles que s’en défendre devenait illusoire. Certains de nos dirigeants, après cela, viennent s’étonner des conséquences !

Si le lecteur voulait bien reprendre mes analyses du chômage, telles que je les ai publiées dans les deux dernières décennies, il constaterait que les événements que nous vivons y ont été non seulement annoncés mais décrits en détail. Pourtant, ils n’ont bénéficié que d’un écho de plus en plus limité dans la grande presse. Ce silence conduit à s’interroger.

Un prix Nobel... téléspectateur

Les commentateurs économiques que je vois s’exprimer régulièrement à la télévision pour analyser les causes de l’actuelle crise sont fréquemment les mêmes qui y venaient auparavant pour analyser la bonne conjoncture avec une parfaite sérénité. Ils n’avaient pas annoncé l’arrivée de la crise, et ils ne proposent pour la plupart d’entre eux rien de sérieux pour en sortir. Mais on les invite encore. Pour ma part, je n’étais pas convié sur les plateaux de télévision quand j’annonçais, et j’écrivais, il y a plus de dix ans, qu’une crise majeure accompagnée d’un chômage incontrôlé allait bientôt se produire, je fais partie de ceux qui n’ont pas été admis à expliquer aux Français ce que sont les origines réelles de la crise alors qu’ils ont été dépossédés de tout pouvoir réel sur leur propre monnaie, au profit des banquiers. Par le passé, j’ai fait transmettre à certaines émissions économiques auxquelles j’assistais en téléspectateur le message que j’étais disposé à venir parler de ce que sont progressivement devenues les banques actuelles, le rôle véritablement dangereux des traders, et pourquoi certaines vérités ne sont pas dites à leur sujet. Aucune réponse, même négative, n’est venue d’aucune chaîne de télévision et ce durant des années.

Cette attitude répétée soulève un problème concernant les grands médias en France : certains experts y sont autorisés et d’autres, interdits. Bien que je sois un expert internationalement reconnu sur les crises économiques, notamment celles de 1929 ou de 1987, ma situation présente peut donc se résumer de la manière suivante : je suis un téléspectateur. Un prix Nobel... téléspectateur, Je me retrouve face à ce qu’affirment les spécialistes régulièrement invités, quant à eux, sur les plateaux de télévision, tels que certains universitaires ou des analystes financiers qui garantissent bien comprendre ce qui se passe et savoir ce qu’il faut faire. Alors qu’en réalité ils ne comprennent rien. Leur situation rejoint celle que j’avais constatée lorsque je m’étais rendu en 1933 aux États-Unis, avec l’objectif d’étudier la crise qui y sévissait, son chômage et ses sans-abri : il y régnait une incompréhension intellectuelle totale. Aujourd’hui également, ces experts se trompent dans leurs explications. Certains se trompent doublement en ignorant leur ignorance, mais d’autres, qui la connaissent et pourtant la dissimulent, trompent ainsi les Français.

Cette ignorance et surtout la volonté de la cacher grâce à certains médias dénotent un pourrissement du débat et de l’intelligence, par le fait d’intérêts particuliers souvent liés à l’argent. Des intérêts qui souhaitent que l’ordre économique actuel, qui fonctionne à leur avantage, perdure tel qu’il est. Parmi eux se trouvent en particulier les multinationales qui sont les principales bénéficiaires, avec les milieux boursiers et bancaires, d’un mécanisme économique qui les enrichit, tandis qu’il appauvrit la majorité de la population française mais aussi mondiale.

Question clé : quelle est la liberté véritable des grands médias ? Je parle de leur liberté par rapport au monde de la finance tout autant qu’aux sphères de la politique.

Deuxième question : qui détient de la sorte le pouvoir de décider qu’un expert est ou non autorisé à exprimer un libre commentaire dans la presse ?

Dernière question : pourquoi les causes de la crise telles qu’elles sont présentées aux Français par ces personnalités invitées sont-elles souvent le signe d’une profonde incompréhension de la réalité économique ? S’agit-il seulement de leur part d’ignorance ? C’est possible pour un certain nombre d’entre eux, mais pas pour tous. Ceux qui détiennent ce pouvoir de décision nous laissent le choix entre écouter des ignorants ou des trompeurs. =D>

(1) L’Europe en crise. Que faire ?, éditions Clément Juglar. Paris, 2005.

(2) Notamment La crise mondiale aujourd’hui, éditions Clément Juglar, 1999, et la Mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance : l’évidence empirique, éditions Clément Juglar, 1999.


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Voilà au moins un économiste qui s'exprime autrement, et je relève particulièrement la liberté de la presse, et je pense encore et toujours aux mensonges qui sont véhiculés au sujet du 11 septembre2001
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Re: Qu'est-ce qu'un économiste?

Message par Dagobert » 17 janv. 2010, 10:02

J'ai oublié de le dire; c'est paru dans contrinfo ce matin =D>
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Re: Qu'est-ce qu'un économiste?

Message par Remundo » 17 janv. 2010, 12:43

Mr Allais dit la vérité, il sera pendu :roll:

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Re: Qu'est-ce qu'un économiste?

Message par energy_isere » 12 févr. 2010, 19:22

Joseph Stiglitz était hier à 23h invité chez Taddei sur la 3.
Il me plait bien dans ce qu' il dit ce gars.

Son dernire livre ""Triomphe de la cupidité" va étre dispo d' un moment à l' autre en librairie.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Eugene_Stiglitz

Image

un article sur la sortie de ce livre : http://www.cdurable.info/Le-triomphe-de ... ,2351.html
Voici un livre qui était très attendu : l’analyse de la crise et de l’avenir de l’économie mondiale par le célèbre prix Nobel qui dénonce, depuis plus de 10 ans, le fondamentalisme du marché, la libéralisation à outrance des capitaux, les dérégulations et la montée des inégalités. Joseph Stiglitz est l’un des très rares économistes qui avait prédit les risques de crise. Pour l’auteur, ce qui s’est passé en septembre 2008 est comparable à la chute du mur de Berlin pour le communisme en 1989. Il s’agit donc aujourd’hui de la fin d’un système et de la nécessité vitale de penser autrement le monde. Ce livre sera sans conteste un livre de référence tant la réputation mais également la force d’analyse et de prédictions de l’auteur sont grandes.

.....
Au sommaire : Fabrication d’une crise - La chute et l’après-chute - Réaction malheureuse - Le scandale des prêts hypothécaires - Le grand hold-up américain - La cupidité triomphe de la prudence - Un nouvel ordre capitaliste - De la reprise mondiale à la prospérité du monde - Réformer la science économique - Pour une nouvelle société.

Éditeur : Les liens qui libèrent -
Parution : 10/02/2010 - 474 pages -
Prix public : 23,00 €
Voir aussi l' article dans LeMonde d' aujourdhui : http://www.lemonde.fr/economie/article/ ... _3234.html
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Re: Qu'est-ce qu'un économiste?

Message par kercoz » 12 févr. 2010, 20:55

Il est passé sur Fr inter ou cult ? assez cru le gus ds ses tirs au jugé ! Il dit que l'on a sauvé des banques qui , maintenant s'attaquent a des etats . Que Glden machin est payé comme conseiller par la grece et le portugal et qu'enn meme temps elle participe aux attaques contre ces pays .
L'Homme succombera tué par l'excès de ce qu'il appelle la civilisation. ( Jean Henri Fabre / Souvenirs Entomologiques)

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Re: Qu'est-ce qu'un économiste?

Message par sylva » 15 févr. 2010, 16:35

Remundo a écrit :Mr Allais dit la vérité, il sera pendu :roll:
ignoré des média, ce qui revient au même... :-)
(Kercoz ne dit-il pas ici que la pire sanction n'est pas l'insulte mais le fait qu'on t'ignore... ;) )
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Re: Qu'est-ce qu'un économiste?

Message par bruno lemaire » 16 févr. 2010, 14:39

vincent128 a écrit :
Environnement2100 a écrit :
vincent128 a écrit : Aussi, je pose la question : quelle définition donneriez-vous du mot "économiste"?
Je suis également interloqué par ton approche : veux-tu simplement faire de l'humour, ou lancer une polémique ?
L'humour doit-il être mis au ban d'une discussion sérieuse?

La réponse de Tiennel montre bien qu'une discussion sérieuse peut résulter d'une question sous forme de boutade.

D'ailleurs, Tiennel, merci de cette réponse extrêmement constructive. Effectivement, dans un environnement social et médiatique qui survalorise l'"expert" et le "professionnel", il est important de décliner exactement les fonctions d'une personne. Ca ne nous dit pas tout sur son CV, ses thèses et son orientation idéologique et politique, mais c'est déjà plus précis que "économiste".
Alter Egaux a écrit :La question ne devrait elle pas être : quelles sont les économies ?

Car, après tout, les économistes ne sont que des techniciens d'une dicipline ayant de multiples facettes, non ?

Par exemple, se mettre d'accord sur ce qu'est une écomonie libérale (...) c'est déjà plus pertinent
Là je suis beaucoup moins d'accord. Tu semble confondre deux définitions du mot "économie" :
- l'économie, science des systèmes économiques,
- économie, synonyme de "système économique particulier", comme dans les expressions "économie libérale", "économie dirigée".

Un économiste, ou pour être plus précis, un professeur d'économie par exemple, doit être capable de comprendre et décrire divers systèmes économiques. S'il ne sait que faire la promotion d'un système économique au détriment des autres, il fait du prosélitysme, une attitude qui peut tenir du religieux et/ou du politique, mais il ne fait pas une action scientifique.

La question sous-jacente, je dirais que c'est plutôt celle-ci : l'économie est-elle une science exacte? Science dure, science molle, science humaine? Mais comme la qualité d'une science dépend beaucoup de ses représentants, je trouvais cela intéressant de prendre comme angle d'approche ces personnes que l'on dit, ou qui s'auto-proclament, des "économistes".
La "science économique" n'existe pas. En revanche, les "économistes" existent peut être.
Pour moi un économiste devrait tenter d'avoir une approche "scientifique" (peut être faudrait-il définir ce que serait une approche scientifique, c'est à dire une approche qui précise le plus possible ses a priori, et qui énonce les faits qui semblent contredire sa théorie, et pas uniquement ceux qui vont dans son sens) des différent systèmes économiques possibles.

Un économiste "libéral" devrait donc d'abord être un économiste, avant d'expliquer pourquoi il est libéral, c'est à dire pourquoi il pense qu'un système économique "libéral" est moins mauvais qu'un autre.

Cordialement, Bruno Lemaire.

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Re: Qu'est-ce qu'un économiste?

Message par Aerobar » 16 févr. 2010, 22:21

Puisque le principe de ce fil est de faire du copier-coller de citations de prix Nobel d'économie, en voici un qui répond à la question posée :
Gunnar Myrdal, Prix Nobel d'économie, en 1930 a écrit :L’économie, comme les autres sciences, consiste en un certain nombre de problèmes assez différents, réunis en partie par tradition et pour rendre la recherche et l’enseignement plus pratiques. Les tentatives pour en définir la portée exacte sont nécessairement artificielles. Elles sont souvent motivées par l’intention métaphysique de donner une définition, mais de manière à ce que du contenu normatif puisse être introduit en douce dans des propositions apparemment scientifiques.

De telles définitions sont à la fois non nécessaires et indésirables. Elles ne sont pas nécessaires car le seul concept qu’un économiste n’a pas besoin de définir précisément est « économie ». Aucun argument ne peut dépendre d’une telle définition, pas plus qu’un chimiste ne peut déduire de conclusions scientifiques de la définition de « chimie ». En économie, comme dans toute autre investigation empirique, nous analysons les relations entre des données observables. Nous sélectionnons les données selon leur pertinence par rapport à nos problèmes. Ces problèmes appartiennent à notre champ de recherches pour diverses raisons historiques et pratiques. Nous utilisons les méthodes qui promettent les résultats les meilleurs et les plus rapides.

Même si une définition stricte et non métaphysique était possible, elle serait toujours indésirable. Les forces qui contribuent à rigidifier les frontières entre les sciences sont déjà trop puissantes. Elles tendent à préserver le statu quo et à entraver le progrès scientifique, à imposer une limite non rationnelle à l’horizon scientifique. Nous pouvons espérer du progrès dans les sciences sociales seulement si les frontières établies par le passé à des fins didactiques sont abolies. Les avancées les plus prometteuses viendront probablement d’une exploration de ces zones frontalières.

Les problèmes soulevés doivent être définis clairement, mais pas la science à laquelle ils appartiennent. Un examen plus attentif de ces problèmes révèlera qu’ils sont du type : « comment les individus se comportent-ils dans certaines conditions ? qu’arrive-t-il sous certaines hypothèses ? quel effet aurait une mesure donnée sur telle situation ? » mais jamais « qu’est-ce que l’économie ».
Source : ma femme est une économiste (et moi aussi)
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Re: Qu'est-ce qu'un économiste?

Message par Alain75 » 23 févr. 2010, 09:35

Un économiste "pas trop idiot" est Paul Krugman (prix nobel 2008), qui a le courage d'écrire sur son blog que la montée du prix du pétrole est sans due à des "fondamentaux" (et pas une bulle), et que les "contraintes de ressources" vont être un problème :

http://krugman.blogs.nytimes.com/2010/0 ... revisited/

Wow !! ;)

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Re: Qu'est-ce qu'un économiste?

Message par Yves » 23 févr. 2010, 10:29

Si tu te sens d'aller poster en Anglais sur son blog, faudrait lui montrer cela :

http://forums.oleocene.org/phpBB3/viewt ... 4&p=225823


Ce qui est marrant sur son blog, c'est que quand il parle de "fondamentaux", tous rebondissent sur les "fondamentaux économiques" c'est à dire l'offre est la demande uniquement controlés par des aspects économiques.

Par exemple lui dit "l'économie est en crise et le pétrole à 80$, c'est donc que le prix est dixté par les fondamentaux", et on lui répond "si l'économie est en crise, c'est pas possible que les fondamentaux [économiques] dictent ce prix là"
Trop tard, trop peu, trop cher, il n'y aura pas de miracle !!
Notre futur sera d'être la banlieue ouest de la Russie alors que celle-ci aura le regard tourné vers la Chine...

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Re: Qu'est-ce qu'un économiste?

Message par Remundo » 23 févr. 2010, 10:42

Alain75 a écrit :Un économiste "pas trop idiot" est Paul Krugman (prix nobel 2008), qui a le courage d'écrire sur son blog que la montée du prix du pétrole est sans due à des "fondamentaux" (et pas une bulle), et que les "contraintes de ressources" vont être un problème :

http://krugman.blogs.nytimes.com/2010/0 ... revisited/

Wow !! ;)
Oh purée, c'est fondamentalement un visionnaire ;-)

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Re: Qu'est-ce qu'un économiste?

Message par energy_isere » 23 févr. 2010, 11:34

February 22, 2010, Paul Krugman

The Oil Bubble Controversy, One of the curious things about economic debate in the later Bush years was the conviction among many on the right that there wasn’t a bubble in housing, but that there was one in oil.

We now know the truth about housing. But what about oil?

Oil prices did spike to triple-digit levels in early 2008, then drop sharply. But think about the fact that right now, with the world economy still seriously depressed, oil is at $80 a barrel. This suggests to me that high oil prices are largely caused by fundamentals.

And it also suggests that resource constraints will be an issue if and when we do get a full recovery.
C' est tout ce qu' il ya ?

C' est un peu maigre. :-k
J' en attendais un peu plus d' analyse de la part de P.Krugman.

Je comprends le second degré de Remundo juste au dessus.

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Re: Qu'est-ce qu'un économiste?

Message par Yves » 23 févr. 2010, 11:53

Vu comment ça se déchaine dans les réponses, il a bien fait de s'économiser là dessus.
Trop tard, trop peu, trop cher, il n'y aura pas de miracle !!
Notre futur sera d'être la banlieue ouest de la Russie alors que celle-ci aura le regard tourné vers la Chine...

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Re: Qu'est-ce qu'un économiste?

Message par Alain75 » 23 févr. 2010, 12:18

energy_isere a écrit :
C' est tout ce qu' il ya ?

C' est un peu maigre. :-k
J' en attendais un peu plus d' analyse de la part de P.Krugman.

Je comprends le second degré de Remundo juste au dessus.
Oui Krugman c'est court mais souvent, pas du twitter mais presque ! ;)

Et sinon dans les commentaires, pas mal de personnes conscientes du pic qd même je trouve

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Re: Qu'est-ce qu'un économiste?

Message par Alter Egaux » 24 févr. 2010, 15:44

Etape n°1 : Les africains nomment le pétrole : la "merde" du diable.
Etape n°2 : Restons cool, le PO arrive...
Etape n°3 : "Mais à cet endroit, en ce moment, l'humanité, c'est nous, que cela nous plaise ou non", Samuel Beckett

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