Climat : les émissions de CO2 en Chine affichent leur première baisse depuis le Covid
Selon une étude, les émissions de dioxyde de carbone ont baissé de 1 % dans le pays au deuxième trimestre 2024. Plusieurs signaux positifs laissent espérer que la tendance sera durable.
Par Anne FEITZ le 17 août 2024 lesechos
Si les calculs se confirment, il s'agit de l'une des rares bonnes nouvelles à signaler ces temps-ci sur le front du climat. Pour la première fois depuis la pandémie de coronavirus, les émissions trimestrielles de CO2 de la Chine ont reculé : elles ont affiché une baisse de -1 % au deuxième trimestre de 2024, selon les calculs de Lauri Myllyvirta, du Center for research on energy and clean air (CREA), publiés il y a quelques jours sur le site Carbon Brief .
Les experts ont été nombreux à relever ces travaux. « Sachant que ce pays représentait, en 2023, 32 % des émissions mondiales de CO2 fossile, cette nouvelle ne serait pas mineure si elle se confirmait », a par exemple commenté l'expert Jean-Marc Jancovici, sur son compte LinkedIn . Depuis l'an 2000, les émissions de la Chine liées à l'énergie (plus de 90 % du total) ont plus que triplé, alors qu'elles ont baissé pour les autres gros émetteurs (Union européenne et Etats-Unis).
Pic atteint en 2023 ?
Le même Lauri Myllyvirta avait déjà relevé il y a trois mois une baisse des émissions de l'Empire du milieu en mars (de 3 %), là aussi pour la première fois depuis la pandémie. Une évolution notable, car mars 2024 était le premier mois à ne pas souffrir d'un effet de base artificiel : l'économie chinoise était encore ralentie par l'épidémie de Covid-19 en janvier et février 2023.
L'auteur réitère dans cette nouvelle étude l'idée selon laquelle le pic des émissions de la Chine pourrait avoir été atteint en 2023. La baisse observée au deuxième trimestre est certes en partie due à des facteurs conjoncturels, liés au ralentissement de la construction. Celui-ci a notamment fait chuter la production de ciment (-7 %) et contribué à la baisse de consommation de produits pétroliers (-3 %).
Mais Lauri Myllyvirta relève aussi des tendances lourdes plutôt encourageantes. Cette baisse est survenue alors même que la consommation d'énergie augmentait sur la période (+4,2 %). Car le solaire et l'éolien ont couvert 71 % de la hausse de la demande d'électricité depuis mars, grâce à la mise en service massive de nouvelles capacités : 171 térawattheures au premier semestre, soit plus que la production totale du Royaume-Uni sur les six premiers mois de 2023, souligne-t-il. Reste à voir si la tendance durera .
Autre donnée notable de l'étude, la proportion de voitures électriques dans les ventes cumulées de voitures neuves depuis 10 ans (passée de 7,7 % à 11,5 % en un an), a entraîné la baisse de consommation de carburants carbonés, de 4 % environ, estime-t-il.
Lauri Myllyvirta émet toutefois un bémol : il s'attendait à mieux. L'industrie chimique a consommé plus de charbon que prévu, en remplacement des produits pétroliers, relève-t-il. Une évolution liée à la baisse des prix du charbon, mais aussi à la volonté de la Chine d'accroître sa sécurité énergétique.
Aciéries électriques
Cette baisse sera-t-elle durable ? Plusieurs signaux positifs le conduisent à l'optimisme. Lors du plénum du Comité central du Parti communiste , qui s'est tenu en juillet, la Chine a évoqué pour la première fois la question de sa décarbonation. Le gouvernement semble aussi avoir cessé d'autoriser les nouvelles aciéries utilisant du charbon, au profit d'aciéries électriques, et a par ailleurs annoncé une nouvelle politique sur les centrales électriques à charbon, qu'il souhaite voir converties en centrales moins émettrices - toutefois sans objectifs chiffrés.
Enfin, le Conseil d'Etat du pays a publié une circulaire fin juillet, pour annoncer que la Chine ne considérerait désormais plus seulement son « intensité carbone », comme c'est le cas aujourd'hui, mais aussi ses émissions en valeur absolue. Une bonne nouvelle, car en rapportant les émissions à la croissance de son PIB, le premier indicateur ne dit rien sur les émissions réelles du pays.
Les analystes attendent maintenant de savoir quel objectif la Chine se fixera pour ses émissions en valeur absolue. Sur l'intensité carbone, les autorités visent une baisse de 18 % entre 2020 et 2025 : selon les calculs de Lauri Myllyvirta, on en est encore loin, malgré la baisse du deuxième trimestre 2024.