par franck1968 » 20 avr. 2006, 00:15
Reponse envoyer à Allégre en commentaire à un article sur l'express
où il jouait les pompiers sans rien expliquer il a laissé une adresse internet pour avoir des réactions, voilà ma réponse, j'ai eu 0 réponse mais cela ne me dérange pas.
Mr Claude Allegre,
Je tiens à répondre à l'article que vous avez écrit pour l'Express.
Tout d'abord je suis choqué par le peu de réalisme et de rigueur scientifique que vous exprimez dans cet article.
Sans doute parce qu'il s'agit du pétrole et que, vu les enjeux vous ne voulez pas affoler les gens et préférez leur faire croire que le pétrole, et l'énergie en général, n'est pas un problème : "Bref, la première crise pétrolière ne surgira vraiment qu'à la fin du XXIe siècle".
Vous expliquez : "La crise actuelle en effet n'est pas une crise des prix de revient: celui-ci varie de 2 dollars le baril en Arabie saoudite à 11 dollars en mer du Nord. Ces tarifs offrent d'ailleurs aux compagnies pétrolières des recettes record. Exxon a enregistré en 2005 une hausse de 42% de son bénéfice, estimé à 36,13 milliards de dollars, supérieur au PIB de 125 pays de la planète. Mais, la demande étant supérieure à l'offre, les prix flambent. Le développement de la Chine et de l'Inde et les besoins croissants des Etats-Unis et de l'Europe font que les besoins dépassent les capacités de production (un peu affaiblies par la guerre en Irak)". et ensuite "Il faut ajouter à cette situation l'insuffisance des capacités de raffinage en Occident. Deux ou trois ans seront nécessaires pour remédier à cette situation, mais entre-temps les besoins auront augmenté"!
Vous n'allez pas jusqu'au bout de votre raisonnement. Si, comme vous dites aujourd'hui, les besoins dépassent les capacités de productions, dans 2 ou 3 ans quelles nouvelles ressources, pas encore utilisées, pourraient l'être ? Alors même qu'il n'y a plus de découvertes majeures depuis les années 80 et qu'on consomme 4 barils pendant qu'on en découvre 1.
Les nouveaux champs qui seront mis en exploitation dans les années à venir produiront du pétrole de moins bonne qualité ou, plus difficile, plus cher, énergiquement moins rentable à extraire (huiles lourdes, pétrole soufré, sable bitumineux, pétrole en eaux profondes). Ce qui ne permettra pas d'augmenter le débit que nous avons atteint. Il y aura d'ailleurs besoin d'adaptation des raffineries pour traiter ces pétrole.
Donc ce n'est pas la fin du pétrole mais cela ne permettra pas de continuer une expansion de la consommation d'énergie mondiale. Le débit maximum de pétrole est atteint ou sur le point de l'être aux alentours de 85 millions de barils par jour. Et ensuite par effet de déplétion des champs majeurs qui ont été mis en exploitation en premier car le pétrole était de bonne qualité ou facile et pas cher à extraire la production commencera à diminuer.
Vous dites : « Le pétrole, au sens actuel du terme, ne sera pas épuisé avant cinquante ans »!
Peut-être 50 ans en effet, ou moins. Mais une chose est sûre, pas avec le débit actuel. Une fois le pic atteint, la production mondiale diminuera pendant effectivement 40 ou 50 ans.
La déplétion sera d'autant plus rapide que l'organisation de la société poursuivra son fonctionnement de gigantesque gaspillage. Transport tout camion par exemple.
Vous dites :"L'Arabie saoudite est maître du jeu. Elle produit avec les champs existants 9,5 millions de barils/jour. Pour faire baisser le prix du brut, il faudrait qu'elle passe à 13 millions de barils/jour".
C'est totalement irréaliste. Le champs géant Ghawar est en déplétion. Il produit à lui seul aujourd'hui 4,5 millions de barils/jour. Pour comprendre voici les commentaires d'un ingénieur qui a travaillé sur Ghawar :
1. L'ennoiement des puits périphériques de Ghawar résulte d'un bon management de l'injection d'eau, et de l'excellente qualité du réservoir, comme en témoigne le taux de récupération de 20% du volume de pétrole en place avant les premières arrivées d'eau significatives aux puits.
2. Ghawar a produit la moitié ou presque de ses réserves, et a commencé à décliner depuis 1998. Nous ne savons pas s'il s'agit de limitations de capacités de production, ou de contraintes liées aux caractéristiques du gisement.
3. En fonction du volume de pétrole en place que l'on adopte, le rythme actuel d'extraction de Ghawar représente annuellement 1,1% à 1,5% du volume de pétrole en place.
4. L'historique de production est conforme aux courbes très classiques donnant la teneur en eau en fonction du pourcentage déjà récupéré du volume en place d'une part, et de la production cumulée de pétrole d'autre part.
5. A la fin des années 70, la production de pétrole de Ghawar s'élevait à 6,5 millions de barils par jour, avec très peu d'eau. La capacité de production hydratée de 6,5 à 7 millions de barils par jour, déterminée pour le début des années 1990 suggère qu'il a été foré très peu de puits complémentaires dans cette période de 15 ans. Avec l'arrivée de l'eau, et son augmentation jusqu'à atteindre 40%, les Saoudiens ont augmenté les capacités de production dans la fin des années 90, par forage de puits intercalaires, mise en pompage et séparation triphasique, doublant ainsi la production de fluides à 15 millions de barils par jour. La production de pétrole a culminé à 8 millions de barils par jour. Depuis lors, le pourcentage d'eau a augmenté jusqu'à la valeur actuelle estimée de 60%, et continue d'augmenter au rythme de 3% l'an.
Lorsque le gisement aura atteint un taux de récupération de 60% du volume de pétrole en place, l'évolution de la courbe de teneur en eau suggère que Ghawar pourra encore fournir de façon économique
1 million de barils par jour avec 83-84% d'eau vers 2017-2022. Des techniques nouvelles ou émergeantes, comme par exemple les puits avec de multiples drains, maximisant la surface de contact avec la roche, pourraient ajouter 900 000 barils par jour de production, et 20 milliards de barils supplémentaires de réserves entre maintenant et la fin du siècle.
Ensuite vous dites : "Le nucléaire s'impose, mais beaucoup de pays, cédant aux écologistes, se le sont interdit"!
Le problème n'est pas si simple : les centrales électriques de génération 2 et EPR de génération 3 utilisent de l'uranium 235 très rare sur terre et pas en quantité suffisante pour généraliser l'énergie nucléaire à de nombreux pays qui voudraient adopter cette énergie.
La génération 4 (dite à surgénération pourrait utiliser d'autres combustibles : Thorium 232, Uranium 238 beaucoup plus courant que l'Uranium 235) mais selon les spécialistes cette technologie ne pourrait pas être au point avant 2035.
Pour conclure nous sommes devant un défi énergétique, si nous voulons le surmonter, il faut voir clairement les choses.
Franck
Reponse envoyer à Allégre en commentaire à un article sur l'express
où il jouait les pompiers sans rien expliquer il a laissé une adresse internet pour avoir des réactions, voilà ma réponse, j'ai eu 0 réponse mais cela ne me dérange pas.
Mr Claude Allegre,
Je tiens à répondre à l'article que vous avez écrit pour l'Express.
Tout d'abord je suis choqué par le peu de réalisme et de rigueur scientifique que vous exprimez dans cet article.
Sans doute parce qu'il s'agit du pétrole et que, vu les enjeux vous ne voulez pas affoler les gens et préférez leur faire croire que le pétrole, et l'énergie en général, n'est pas un problème : "Bref, la première crise pétrolière ne surgira vraiment qu'à la fin du XXIe siècle".
Vous expliquez : "La crise actuelle en effet n'est pas une crise des prix de revient: celui-ci varie de 2 dollars le baril en Arabie saoudite à 11 dollars en mer du Nord. Ces tarifs offrent d'ailleurs aux compagnies pétrolières des recettes record. Exxon a enregistré en 2005 une hausse de 42% de son bénéfice, estimé à 36,13 milliards de dollars, supérieur au PIB de 125 pays de la planète. Mais, la demande étant supérieure à l'offre, les prix flambent. Le développement de la Chine et de l'Inde et les besoins croissants des Etats-Unis et de l'Europe font que les besoins dépassent les capacités de production (un peu affaiblies par la guerre en Irak)". et ensuite "Il faut ajouter à cette situation l'insuffisance des capacités de raffinage en Occident. Deux ou trois ans seront nécessaires pour remédier à cette situation, mais entre-temps les besoins auront augmenté"!
Vous n'allez pas jusqu'au bout de votre raisonnement. Si, comme vous dites aujourd'hui, les besoins dépassent les capacités de productions, dans 2 ou 3 ans quelles nouvelles ressources, pas encore utilisées, pourraient l'être ? Alors même qu'il n'y a plus de découvertes majeures depuis les années 80 et qu'on consomme 4 barils pendant qu'on en découvre 1.
Les nouveaux champs qui seront mis en exploitation dans les années à venir produiront du pétrole de moins bonne qualité ou, plus difficile, plus cher, énergiquement moins rentable à extraire (huiles lourdes, pétrole soufré, sable bitumineux, pétrole en eaux profondes). Ce qui ne permettra pas d'augmenter le débit que nous avons atteint. Il y aura d'ailleurs besoin d'adaptation des raffineries pour traiter ces pétrole.
Donc ce n'est pas la fin du pétrole mais cela ne permettra pas de continuer une expansion de la consommation d'énergie mondiale. Le débit maximum de pétrole est atteint ou sur le point de l'être aux alentours de 85 millions de barils par jour. Et ensuite par effet de déplétion des champs majeurs qui ont été mis en exploitation en premier car le pétrole était de bonne qualité ou facile et pas cher à extraire la production commencera à diminuer.
Vous dites : « Le pétrole, au sens actuel du terme, ne sera pas épuisé avant cinquante ans »!
Peut-être 50 ans en effet, ou moins. Mais une chose est sûre, pas avec le débit actuel. Une fois le pic atteint, la production mondiale diminuera pendant effectivement 40 ou 50 ans.
La déplétion sera d'autant plus rapide que l'organisation de la société poursuivra son fonctionnement de gigantesque gaspillage. Transport tout camion par exemple.
Vous dites :"L'Arabie saoudite est maître du jeu. Elle produit avec les champs existants 9,5 millions de barils/jour. Pour faire baisser le prix du brut, il faudrait qu'elle passe à 13 millions de barils/jour".
C'est totalement irréaliste. Le champs géant Ghawar est en déplétion. Il produit à lui seul aujourd'hui 4,5 millions de barils/jour. Pour comprendre voici les commentaires d'un ingénieur qui a travaillé sur Ghawar :
1. L'ennoiement des puits périphériques de Ghawar résulte d'un bon management de l'injection d'eau, et de l'excellente qualité du réservoir, comme en témoigne le taux de récupération de 20% du volume de pétrole en place avant les premières arrivées d'eau significatives aux puits.
2. Ghawar a produit la moitié ou presque de ses réserves, et a commencé à décliner depuis 1998. Nous ne savons pas s'il s'agit de limitations de capacités de production, ou de contraintes liées aux caractéristiques du gisement.
3. En fonction du volume de pétrole en place que l'on adopte, le rythme actuel d'extraction de Ghawar représente annuellement 1,1% à 1,5% du volume de pétrole en place.
4. L'historique de production est conforme aux courbes très classiques donnant la teneur en eau en fonction du pourcentage déjà récupéré du volume en place d'une part, et de la production cumulée de pétrole d'autre part.
5. A la fin des années 70, la production de pétrole de Ghawar s'élevait à 6,5 millions de barils par jour, avec très peu d'eau. La capacité de production hydratée de 6,5 à 7 millions de barils par jour, déterminée pour le début des années 1990 suggère qu'il a été foré très peu de puits complémentaires dans cette période de 15 ans. Avec l'arrivée de l'eau, et son augmentation jusqu'à atteindre 40%, les Saoudiens ont augmenté les capacités de production dans la fin des années 90, par forage de puits intercalaires, mise en pompage et séparation triphasique, doublant ainsi la production de fluides à 15 millions de barils par jour. La production de pétrole a culminé à 8 millions de barils par jour. Depuis lors, le pourcentage d'eau a augmenté jusqu'à la valeur actuelle estimée de 60%, et continue d'augmenter au rythme de 3% l'an.
Lorsque le gisement aura atteint un taux de récupération de 60% du volume de pétrole en place, l'évolution de la courbe de teneur en eau suggère que Ghawar pourra encore fournir de façon économique
1 million de barils par jour avec 83-84% d'eau vers 2017-2022. Des techniques nouvelles ou émergeantes, comme par exemple les puits avec de multiples drains, maximisant la surface de contact avec la roche, pourraient ajouter 900 000 barils par jour de production, et 20 milliards de barils supplémentaires de réserves entre maintenant et la fin du siècle.
Ensuite vous dites : "Le nucléaire s'impose, mais beaucoup de pays, cédant aux écologistes, se le sont interdit"!
Le problème n'est pas si simple : les centrales électriques de génération 2 et EPR de génération 3 utilisent de l'uranium 235 très rare sur terre et pas en quantité suffisante pour généraliser l'énergie nucléaire à de nombreux pays qui voudraient adopter cette énergie.
La génération 4 (dite à surgénération pourrait utiliser d'autres combustibles : Thorium 232, Uranium 238 beaucoup plus courant que l'Uranium 235) mais selon les spécialistes cette technologie ne pourrait pas être au point avant 2035.
Pour conclure nous sommes devant un défi énergétique, si nous voulons le surmonter, il faut voir clairement les choses.
Franck