par energy_isere » 03 nov. 2006, 16:22
Un article sur le rapport STERN dans les Echos (c'est un quotidien d' économie Francais) :
Climat : quand les gens « sérieux » s'en mêlent
de ANNE BAUER
On aurait dû se douter que si les Nations unies réunissent tous les ans depuis plus de vingt ans des experts et des ministres du monde entier pour parler du climat, ce n'est pas uniquement pour évoquer la pluie et le beau temps ou pour faire plaisir à quelques groupuscules écologiques. On sait aussi qu'il vaut mieux ne pas reporter au lendemain ce que l'on peut faire aujourd'hui. Que les choses bon marché finissent par coûter cher. Qu'il vaut mieux pécher par excès de prudence que par défaut. Et... qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire !
Telle est la leçon du professeur Sir Nicholas Stern, chef du service économique du gouvernement britannique. Une leçon que le monde scientifique et associatif s'efforce d'enseigner depuis plus de vingt ans. Sans grand succès. Toujours soupçonné d'en faire trop dans le catastrophisme, ne serait-ce que pour justifier ses demandes de crédits de recherche pour les uns ou de cotisations et de reconnaissance sociale pour les autres. Or, cette fois-ci, c'est l'ancien économiste en chef de la Banque mondiale, docteur en économie de l'université d'Oxford, homme réputé pour sa modération et sa capacité de travail, qui sort l'artillerie lourde ! Avec un message simple : si l'on ne s'occupe pas du problème, la note sera salée. Très salée, équivalente chaque année à une perte d'au moins 5 % du PIB mondial, et même si cela tourne mal à une perte de 20 %, soit en gros le prix de la crise de 1929 et des deux dernières guerres mondiales ! Bigre, le risque vaut-il d'être couru et y a-t-il une issue ? S'occuper sérieusement du problème coûtera l'équivalent de 1 % du PIB mondial chaque année, avertit Sir Stern, et, bonne nouvelle, si on agit tout de suite, il est encore temps d'éviter les pires conséquences du changement climatique. Avec un écart de 1 à 5 ou de 1 à 20, le rapport coût-bénéfice est donc imparable. Comme s'est exclamé Tony Blair, qui cherche, à travers le dossier climat, à retrouver une position centrale sur l'échiquier international et dans l'opinion publique britannique, « le rapport Stern est décisif, il démolit les derniers arguments en faveur du statu quo face au réchauffement ». Son chancelier de l'Echiquier, Gordon Brown, s'est, de son côté, félicité qu'un dossier « environnemental » devienne enfin un dossier « économique ».
Le rapport Stern est-il décisif, comme le souligne le Premier ministre britannique ?
D'un point de vue diplomatique, certainement pas autant que la composition du futur Congrès américain, dont on attend une nouvelle répartition des sièges entre les pro et les anti-protocole de Kyoto.
D'un point de vue économique, il conforte et amplifie des travaux antérieurs. Car les travaux d'analyse économique de la lutte contre le réchauffement climatique ne datent pas d'aujourd'hui. « En 1987, je participais à une étude de 2.000 pages réalisée pour les Pays-Bas avec une université de Californie », se souvient Pierre Radanne, expert du sujet. D'une manière générale, la plupart des recherches ont estimé la dépense annuelle nécessaire contre le réchauffement climatique à 1 % du PIB mondial. Ce qui n'est pas rien : 450 milliards de dollars. Mais il ne s'agit que d'une vision statique, sans calcul des retombées positives du développement, par exemple, de nouvelles technologies.
Là où les travaux du rapport Stern sont nouveaux, c'est qu'ils ont chiffré les coûts de l'inaction. En prenant les dommages supposés et en les traduisant en valeur monétaire. Dotée de moyens importants, l'équipe de l'économiste britannique a pu faire tourner de multiples modèles. Reste que la contestation sera non seulement possible, mais aussi inévitable. Car personne ne sait répondre à cette question fondamentale et terrible sur un plan éthique : en cas de montée des océans, combien coûte un réfugié climatique du Bangladesh par rapport à un réfugié de Miami, et, en cas de sécheresse, comment indemniser un champ du Mali par rapport à un champ du sud-ouest de la France ?
Mieux vaut finalement se concentrer sur les arguments qui expliquent pourquoi il faut se lancer plus vite et plus massivement dans le combat. Car chacun sait que l'approvisionnement énergétique de la planète sera l'un des soucis majeurs du XXIe siècle. Or, pour ne prendre que le cas de la France, les études économiques ont bien démontré que les investissements publics réalisés après les chocs pétroliers ont rapporté plus qu'ils n'ont coûté et ont renforcé au final la performance économique française. Les économies d'énergie restent un gisement énorme, de même que la nécessité de mettre un terme définitif à la déforestation, dossier explosif sur le plan diplomatique.
D'ailleurs, d'un point de vue programmatique, le rapport Stern est très décevant : tout en insistant sur la nécessité de doubler les dépenses de recherche sur les technologies propres, d'organiser le marché pour qu'il donne à la tonne de carbone son juste prix et de trouver de nouvelles voies de coopération internationale, il n'esquisse guère de pistes nouvelles. Il est même timide, tant du point de vue des règles fiscales internationales que du dialogue Nord-Sud.
D'un point de vue politique en revanche, ce rapport marque une étape capitale dans la longue marche de ceux qui luttent contre les émissions de gaz à effet de serre. « Ce rapport vaut par le statut et la personnalité de son auteur, note-t-on au CNRS. C'est un travail solide, consciencieux, le gouvernement britannique lui ayant donné des moyens et du temps pour rendre ses conclusions. » Pour une fois, les écologistes se sentent moins seuls. L'establishment s'intéresse enfin à leur dada. Le cheminement des idées, c'est comme un escalier, chaque marche compte, et, cette fois-ci, ce sont des personnes plus proches des milieux du pouvoir qui prennent position : un ancien vice-président, Al Gore, un ancien gourou de la Banque mondiale, Nicholas Stern.
Il reste dix ans pour agir, note M. Stern. Alors M. Stern, encore un effort : ouvrez le débat de fond sur le prix « juste » de la tonne de carbone et sur la nécessité de taxer le secteur dont les émissions croissent le plus vite et qui paie actuellement le moins ses externalités, à savoir le transport : maritime, aérien, terrestre. Un petit effort encore pour avouer qu'il est absurde qu'un pot de ketchup fasse deux fois le tour de la planète avant d'atterrir sur la table d'une nappe vichy à Vierzon !
ANNE BAUER est journaliste au service Enquêtes des « Echos ».
source :
http://www.lesechos.fr/info/analyses/4493399.htm
Un article sur le rapport STERN dans les Echos (c'est un quotidien d' économie Francais) :
[quote] [b] Climat : quand les gens « sérieux » s'en mêlent [/b]
de ANNE BAUER
On aurait dû se douter que si les Nations unies réunissent tous les ans depuis plus de vingt ans des experts et des ministres du monde entier pour parler du climat, ce n'est pas uniquement pour évoquer la pluie et le beau temps ou pour faire plaisir à quelques groupuscules écologiques. On sait aussi qu'il vaut mieux ne pas reporter au lendemain ce que l'on peut faire aujourd'hui. Que les choses bon marché finissent par coûter cher. Qu'il vaut mieux pécher par excès de prudence que par défaut. Et... qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire !
Telle est la leçon du professeur Sir Nicholas Stern, chef du service économique du gouvernement britannique. Une leçon que le monde scientifique et associatif s'efforce d'enseigner depuis plus de vingt ans. Sans grand succès. Toujours soupçonné d'en faire trop dans le catastrophisme, ne serait-ce que pour justifier ses demandes de crédits de recherche pour les uns ou de cotisations et de reconnaissance sociale pour les autres. Or, cette fois-ci, c'est l'ancien économiste en chef de la Banque mondiale, docteur en économie de l'université d'Oxford, homme réputé pour sa modération et sa capacité de travail, qui sort l'artillerie lourde ! Avec un message simple : si l'on ne s'occupe pas du problème, la note sera salée. Très salée, équivalente chaque année à une perte d'au moins 5 % du PIB mondial, et même si cela tourne mal à une perte de 20 %, soit en gros le prix de la crise de 1929 et des deux dernières guerres mondiales ! Bigre, le risque vaut-il d'être couru et y a-t-il une issue ? S'occuper sérieusement du problème coûtera l'équivalent de 1 % du PIB mondial chaque année, avertit Sir Stern, et, bonne nouvelle, si on agit tout de suite, il est encore temps d'éviter les pires conséquences du changement climatique. Avec un écart de 1 à 5 ou de 1 à 20, le rapport coût-bénéfice est donc imparable. Comme s'est exclamé Tony Blair, qui cherche, à travers le dossier climat, à retrouver une position centrale sur l'échiquier international et dans l'opinion publique britannique, « le rapport Stern est décisif, il démolit les derniers arguments en faveur du statu quo face au réchauffement ». Son chancelier de l'Echiquier, Gordon Brown, s'est, de son côté, félicité qu'un dossier « environnemental » devienne enfin un dossier « économique ».
Le rapport Stern est-il décisif, comme le souligne le Premier ministre britannique ?
D'un point de vue diplomatique, certainement pas autant que la composition du futur Congrès américain, dont on attend une nouvelle répartition des sièges entre les pro et les anti-protocole de Kyoto.
D'un point de vue économique, il conforte et amplifie des travaux antérieurs. Car les travaux d'analyse économique de la lutte contre le réchauffement climatique ne datent pas d'aujourd'hui. « En 1987, je participais à une étude de 2.000 pages réalisée pour les Pays-Bas avec une université de Californie », se souvient Pierre Radanne, expert du sujet. D'une manière générale, la plupart des recherches ont estimé la dépense annuelle nécessaire contre le réchauffement climatique à 1 % du PIB mondial. Ce qui n'est pas rien : 450 milliards de dollars. Mais il ne s'agit que d'une vision statique, sans calcul des retombées positives du développement, par exemple, de nouvelles technologies.
Là où les travaux du rapport Stern sont nouveaux, c'est qu'ils ont chiffré les coûts de l'inaction. En prenant les dommages supposés et en les traduisant en valeur monétaire. Dotée de moyens importants, l'équipe de l'économiste britannique a pu faire tourner de multiples modèles. Reste que la contestation sera non seulement possible, mais aussi inévitable. Car personne ne sait répondre à cette question fondamentale et terrible sur un plan éthique : en cas de montée des océans, combien coûte un réfugié climatique du Bangladesh par rapport à un réfugié de Miami, et, en cas de sécheresse, comment indemniser un champ du Mali par rapport à un champ du sud-ouest de la France ?
Mieux vaut finalement se concentrer sur les arguments qui expliquent pourquoi il faut se lancer plus vite et plus massivement dans le combat. Car chacun sait que l'approvisionnement énergétique de la planète sera l'un des soucis majeurs du XXIe siècle. Or, pour ne prendre que le cas de la France, les études économiques ont bien démontré que les investissements publics réalisés après les chocs pétroliers ont rapporté plus qu'ils n'ont coûté et ont renforcé au final la performance économique française. Les économies d'énergie restent un gisement énorme, de même que la nécessité de mettre un terme définitif à la déforestation, dossier explosif sur le plan diplomatique.
D'ailleurs, d'un point de vue programmatique, le rapport Stern est très décevant : tout en insistant sur la nécessité de doubler les dépenses de recherche sur les technologies propres, d'organiser le marché pour qu'il donne à la tonne de carbone son juste prix et de trouver de nouvelles voies de coopération internationale, il n'esquisse guère de pistes nouvelles. Il est même timide, tant du point de vue des règles fiscales internationales que du dialogue Nord-Sud.
D'un point de vue politique en revanche, ce rapport marque une étape capitale dans la longue marche de ceux qui luttent contre les émissions de gaz à effet de serre. « Ce rapport vaut par le statut et la personnalité de son auteur, note-t-on au CNRS. C'est un travail solide, consciencieux, le gouvernement britannique lui ayant donné des moyens et du temps pour rendre ses conclusions. » Pour une fois, les écologistes se sentent moins seuls. L'establishment s'intéresse enfin à leur dada. Le cheminement des idées, c'est comme un escalier, chaque marche compte, et, cette fois-ci, ce sont des personnes plus proches des milieux du pouvoir qui prennent position : un ancien vice-président, Al Gore, un ancien gourou de la Banque mondiale, Nicholas Stern.
Il reste dix ans pour agir, note M. Stern. Alors M. Stern, encore un effort : ouvrez le débat de fond sur le prix « juste » de la tonne de carbone et sur la nécessité de taxer le secteur dont les émissions croissent le plus vite et qui paie actuellement le moins ses externalités, à savoir le transport : maritime, aérien, terrestre. Un petit effort encore pour avouer qu'il est absurde qu'un pot de ketchup fasse deux fois le tour de la planète avant d'atterrir sur la table d'une nappe vichy à Vierzon !
ANNE BAUER est journaliste au service Enquêtes des « Echos ». [/quote]
source : http://www.lesechos.fr/info/analyses/4493399.htm