par energy_isere » 10 oct. 2014, 21:40
Écotaxe : la énième reculade du gouvernement
Le Point - Publié le 10/10/2014 à
Alors qu'elle était à peine votée, Royal a enterré la solution alternative à l'écotaxe imaginée par son gouvernement. Une décision qui risque de coûter cher au contribuable.
Il faut un peu se calmer quand même." Mardi sur France Info, Ségolène Royal défendait encore le "péage de transit poids lourds". La ministre de l'Écologie remettait sèchement à leur place les routiers et leur menace de blocage. Deux jours et une réunion avec les syndicats de transporteurs plus tard, elle annonçait le report sine die du dispositif.
Ou comment renoncer du jour au lendemain à quelque 500 millions d'euros de recettes fiscales attendues en 2015 censés participer au financement des infrastructures de transport. Et tout cela au moment où la France est épinglée par Bruxelles pour son incapacité à tenir ses engagements de réduction du déficit...
Un pas en avant, deux pas en arrière
Pas à une reculade près, le gouvernement a rayé d'un trait de plume un dispositif accouché dans la douleur, tout juste après l'avoir fait voter par sa majorité au mois de juillet, dans le cadre du budget rectificatif. Preuve d'une improvisation totale, une nouvelle expérimentation venait tout juste d'être mise en place depuis le 1er octobre en vue de la mise en service définitive du nouveau dispositif, prévue le 1er janvier 2015 mais déjà repoussée aux "tout premiers mois de l'année". Le site du ministère de l'Écologie affichait d'ailleurs encore, vendredi, le mode d'emploi du dispositif, publié il y a un peu plus de deux semaines.
De quoi déclencher la colère des associations environnementales, qui accusent le gouvernement d'avoir cédé aux lobbies des transporteurs routiers. "Depuis 2009, plusieurs cadeaux fiscaux ont été distribués pour anticiper l'éco-redevance (réduction sur la taxe à l'essieu, généralisation du 44 tonnes...) pour un total de près de 800 millions d'euros", attaque France Nature Environnement.
Astuce de vocabulaire
Communicante hors pair, la ministre de l'Écologie a immédiatement parlé de "la suspension du dispositif d'écotaxe" lors d'une conférence de presse, façon d'entretenir savamment la confusion entre le dispositif acté sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy à la suite du Grenelle de l'environnement et la solution de remplacement sortie du chapeau du gouvernement pour pallier la "suspension" de l'écotaxe, annoncée en octobre 2013 par l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, sous la pression des Bonnets rouges.
Le péage de transit poids lourds et l'écotaxe. Grâce à un GPS embarqué et les fameux portiques, le "péage de transit poids lourds" devait facturer les camions de plus de 3,5 t circulant sur un réseau de près de 4 000 kilomètres de routes nationales et locales, au plus près de leur parcours réel. Le dispositif destiné à financer les infrastructures de transport devait rapporter 500 millions d'euros. De nature similaire, "l'écotaxe", elle, devait porter sur 15 000 kilomètres de routes et rapporter près du double, toujours pour financer les infrastructures de transport.
Ségolène Royal s'était pourtant soigneusement employée à séparer les deux solutions dans l'imaginaire des Français lorsque le gouvernement avait sorti de son chapeau en juin son "péage de transit poids lourds", au terme de plusieurs mois d'incertitude, ponctués par une mission d'information et une commission d'enquête sénatoriale destinées à enterrer en bonne et due forme une écotaxe pourtant adoptée par des parlementaires quasi unanimes en 2009. "Elle a démarré toute sa communication en arrivant au ministère en disant l'écotaxe, c'est de la merde, je suis contre l'écologie punitive. Elle l'a ensuite convertie, en l'appelant péage transit pour mieux la faire accepter. On voit bien l'intention de l'époque de passer à autre chose et de signifier qu'on fait payer le transit, c'est-à-dire uniquement les poids lourds étrangers. Comme si les véhicules français n'allaient plus être taxés ! Puis on revient soudain à l'écotaxe pour l'enterrer", fulmine une source proche du dossier.
La croisade de Royal contre "l'écologie punitive"
Sur le fond, on ne peut toutefois guère reprocher à Ségolène Royal son inconstance. Depuis son retour au gouvernement en avril dans l'équipe de Manuel Valls, la ministre de l'Écologie ne cesse d'essayer de s'opposer à tout prélèvement sur les poids lourds qui ressemblerait, de près ou de loin, à l'écotaxe. En mai, elle avait même ouvertement affiché publiquement son différend avec son collègue des Finances à ce sujet. "Michel Sapin a une position institutionnelle qui colle, comme par hasard, à celle de la commission parlementaire présidée par le député Jean-Paul Chanteguet dont il est le suppléant. Ce qu'il m'avait caché, il a fallu que je le découvre par hasard", l'avait-elle attaqué dans Paris Match, en défendant l'idée d'un prélèvement alternatif, sur les profits réalisés par les sociétés concessionnaires d'autoroutes. Mais devant les impératifs budgétaires, la ministre de l'Écologie avait fini par perdre dans un arbitrage face à Bercy.
L'heure de la revanche a donc sonné pour Royal. Mais la pilule a visiblement du mal à passer au ministère des Finances, où l'on ne croit pas à l'idée d'une taxe sur les sociétés d'autoroutes. "Les sociétés autoroutières ont bénéficié [...] de contrats extrêmement avantageux [...], extrêmement bien faits, ils prévoient que, s'il y a une augmentation de fiscalité [...], il doit y avoir une compensation, a rappelé Michel Sapin depuis Washington. Et la compensation, c'est l'augmentation du péage. Est-ce que c'est une bonne solution, y compris pour les camions ? Je n'en suis pas absolument certain", a-t-il enchaîné, selon ses propos rapportés par l'Agence France-Presse. Avant d'ajouter "si la compensation, c'est de rallonger encore la concession, alors que nous trouvons que cette concession est déjà extrêmement avantageuse, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne solution".
Vers une punition du contribuable ?
Si l'ancienne présidente de la région Poitou-Charentes a remporté une victoire, elle se fait donc au prix de nouvelles difficultés pour le gouvernement. "S'il n'y a plus le revenu de l'écotaxe, il faudra soit diminuer les dépenses [du fonds de financement des infrastructures alimenté par l'écotaxe], soit trouver une recette de substitution", a encore prévenu le ministre des Finances. Risqué, à l'heure où les collectivités locales taillent déjà dans leurs dépenses d'investissements pour compenser la baisse de la dotation de l'État de plus de 3 milliards d'euros du projet de loi de finances 2015.
Si le contrat avec la société chargée de la collecte de la taxe, Écomouv', n'est toujours formellement révoqué - officiellement, il ne s'agit que d'un nouveau report-, le nouveau renoncement du gouvernement risque de coûter encore bien plus cher au contribuable. L'État va en effet devoir indemniser le consortium qui possède Écomouv', détenue à 70 % par l'italien Autostrade et à 30 % par les groupes français SFR, Thales, la SNCF et Steria. Si le montant qui circule, 850 millions d'euros, peut encore varier, la facture devrait tout de même se chiffrer en centaines de millions d'euros. Comment si la France pouvait se le permettre.
http://www.lepoint.fr/economie/ecotaxe- ... 328_28.php
[quote][b] Écotaxe : la énième reculade du gouvernement [/b]
Le Point - Publié le 10/10/2014 à
[b]Alors qu'elle était à peine votée, Royal a enterré la solution alternative à l'écotaxe imaginée par son gouvernement. Une décision qui risque de coûter cher au contribuable. [/b]
Il faut un peu se calmer quand même." Mardi sur France Info, Ségolène Royal défendait encore le "péage de transit poids lourds". La ministre de l'Écologie remettait sèchement à leur place les routiers et leur menace de blocage. Deux jours et une réunion avec les syndicats de transporteurs plus tard, elle annonçait le report sine die du dispositif.
[color=#FF0000]Ou comment renoncer du jour au lendemain à quelque 500 millions d'euros de recettes fiscales attendues en 2015 censés participer au financement des infrastructures de transport. [/color]Et tout cela au moment où la France est épinglée par Bruxelles pour son incapacité à tenir ses engagements de réduction du déficit...
[b]Un pas en avant, deux pas en arrière[/b]
Pas à une reculade près, le gouvernement a rayé d'un trait de plume un dispositif accouché dans la douleur, tout juste après l'avoir fait voter par sa majorité au mois de juillet, dans le cadre du budget rectificatif. Preuve d'une improvisation totale, une nouvelle expérimentation venait tout juste d'être mise en place depuis le 1er octobre en vue de la mise en service définitive du nouveau dispositif, prévue le 1er janvier 2015 mais déjà repoussée aux "tout premiers mois de l'année". Le site du ministère de l'Écologie affichait d'ailleurs encore, vendredi, le mode d'emploi du dispositif, publié il y a un peu plus de deux semaines.
De quoi déclencher la colère des associations environnementales, qui accusent le gouvernement d'avoir cédé aux lobbies des transporteurs routiers. "Depuis 2009, plusieurs cadeaux fiscaux ont été distribués pour anticiper l'éco-redevance (réduction sur la taxe à l'essieu, généralisation du 44 tonnes...) pour un total de près de 800 millions d'euros", attaque France Nature Environnement.
[b]Astuce de vocabulaire[/b]
Communicante hors pair, la ministre de l'Écologie a immédiatement parlé de "la suspension du dispositif d'écotaxe" lors d'une conférence de presse, façon d'entretenir savamment la confusion entre le dispositif acté sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy à la suite du Grenelle de l'environnement et la solution de remplacement sortie du chapeau du gouvernement pour pallier la "suspension" de l'écotaxe, annoncée en octobre 2013 par l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, sous la pression des Bonnets rouges.
Le péage de transit poids lourds et l'écotaxe. Grâce à un GPS embarqué et les fameux portiques, le "péage de transit poids lourds" devait facturer les camions de plus de 3,5 t circulant sur un réseau de près de 4 000 kilomètres de routes nationales et locales, au plus près de leur parcours réel. Le dispositif destiné à financer les infrastructures de transport devait rapporter 500 millions d'euros. De nature similaire, "l'écotaxe", elle, devait porter sur 15 000 kilomètres de routes et rapporter près du double, toujours pour financer les infrastructures de transport.
Ségolène Royal s'était pourtant soigneusement employée à séparer les deux solutions dans l'imaginaire des Français lorsque le gouvernement avait sorti de son chapeau en juin son "péage de transit poids lourds", au terme de plusieurs mois d'incertitude, ponctués par une mission d'information et une commission d'enquête sénatoriale destinées à enterrer en bonne et due forme une écotaxe pourtant adoptée par des parlementaires quasi unanimes en 2009. "Elle a démarré toute sa communication en arrivant au ministère en disant l'écotaxe, c'est de la merde, je suis contre l'écologie punitive. Elle l'a ensuite convertie, en l'appelant péage transit pour mieux la faire accepter. On voit bien l'intention de l'époque de passer à autre chose et de signifier qu'on fait payer le transit, c'est-à-dire uniquement les poids lourds étrangers. Comme si les véhicules français n'allaient plus être taxés ! Puis on revient soudain à l'écotaxe pour l'enterrer", fulmine une source proche du dossier.
[b]La croisade de Royal contre "l'écologie punitive"[/b]
Sur le fond, on ne peut toutefois guère reprocher à Ségolène Royal son inconstance. Depuis son retour au gouvernement en avril dans l'équipe de Manuel Valls, la ministre de l'Écologie ne cesse d'essayer de s'opposer à tout prélèvement sur les poids lourds qui ressemblerait, de près ou de loin, à l'écotaxe. En mai, elle avait même ouvertement affiché publiquement son différend avec son collègue des Finances à ce sujet. "Michel Sapin a une position institutionnelle qui colle, comme par hasard, à celle de la commission parlementaire présidée par le député Jean-Paul Chanteguet dont il est le suppléant. Ce qu'il m'avait caché, il a fallu que je le découvre par hasard", l'avait-elle attaqué dans Paris Match, en défendant l'idée d'un prélèvement alternatif, sur les profits réalisés par les sociétés concessionnaires d'autoroutes. Mais devant les impératifs budgétaires, la ministre de l'Écologie avait fini par perdre dans un arbitrage face à Bercy.
L'heure de la revanche a donc sonné pour Royal. Mais la pilule a visiblement du mal à passer au ministère des Finances, où l'on ne croit pas à l'idée d'une taxe sur les sociétés d'autoroutes. "Les sociétés autoroutières ont bénéficié [...] de contrats extrêmement avantageux [...], extrêmement bien faits, ils prévoient que, s'il y a une augmentation de fiscalité [...], il doit y avoir une compensation, a rappelé Michel Sapin depuis Washington. Et la compensation, c'est l'augmentation du péage. Est-ce que c'est une bonne solution, y compris pour les camions ? Je n'en suis pas absolument certain", a-t-il enchaîné, selon ses propos rapportés par l'Agence France-Presse. Avant d'ajouter "si la compensation, c'est de rallonger encore la concession, alors que nous trouvons que cette concession est déjà extrêmement avantageuse, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne solution".
[b]Vers une punition du contribuable ? [/b]
Si l'ancienne présidente de la région Poitou-Charentes a remporté une victoire, elle se fait donc au prix de nouvelles difficultés pour le gouvernement. "S'il n'y a plus le revenu de l'écotaxe, il faudra soit diminuer les dépenses [du fonds de financement des infrastructures alimenté par l'écotaxe], soit trouver une recette de substitution", a encore prévenu le ministre des Finances. Risqué, à l'heure où les collectivités locales taillent déjà dans leurs dépenses d'investissements pour compenser la baisse de la dotation de l'État de plus de 3 milliards d'euros du projet de loi de finances 2015.
Si le contrat avec la société chargée de la collecte de la taxe, Écomouv', n'est toujours formellement révoqué - officiellement, il ne s'agit que d'un nouveau report-, le nouveau renoncement du gouvernement risque de coûter encore bien plus cher au contribuable. L'État va en effet devoir indemniser le consortium qui possède Écomouv', détenue à 70 % par l'italien Autostrade et à 30 % par les groupes français SFR, Thales, la SNCF et Steria. Si le montant qui circule, 850 millions d'euros, peut encore varier, la facture devrait tout de même se chiffrer en centaines de millions d'euros. Comment si la France pouvait se le permettre.
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