VIDÉO. Le « Neoliner Origin » en escale à Marseille, au pied de la tour CMA CGM
Le très attendu roulier à propulsion vélique de l'entreprise Neoline, a accosté à Marseille lundi 6 octobre, au pied de la tour CMA CGM, actionnaire de référence de l'entreprise. Il s'agit de la deuxième escale française du « Neoliner origin », après avoir touché le port de Bastia dans le week-end. Il est désormais attendu à Saint-Nazaire, son port d'attache avant une première transatlantique prévue le 15 octobre.
Thibaud TEILLARD Publié le 06/10/2025 Le marin
Le Neoliner Origin, parti de Bastia la veille par un temps difficile, a redéployé son gréement vers minuit dans la nuit du 5 au 6 octobre. Et, majestueux, il est arrivé en rade nord de Marseille, avec ses deux voiles.
« Avec un vent de 17 nœuds, le navire filait 8 nœuds dans un silence total », salue Xavier Leclercq. Le vice-président en charge des constructions neuves chez CMA CGM avait deux bonnes raisons de l’accueillir : CMA CGM, qui en détient 37 % depuis 2022, est l’actionnaire de référence de Neoline aux côtés d’Ademe investissement et de Corsica ferries, et à titre, personnel, l’ancien directeur technique des Chantiers de l’Atlantique n’est pas pour rien dans le projet. « Tout est parti d’un croquis pour imaginer cette voile Solidsail à Saint-Nazaire en 2009. Je remercie Laurent Castaing (NDLR : le patron des Chantiers de l’Atlantique) d’avoir poursuivi le projet. »
Quelques minutes
Un projet devenu réalité avec les deux mâts en carbone de 75 mètres, autoportés, sans gréement pour les tenir, capables d’être inclinés à 70° pour passer sous certains ponts, qui accueillent chacun 1 500 m² de voilure.
Démonstration faite au pied de la tour CMA CGM : il ne faut que quelques petites minutes pour la déployer. « En appuyant sur un bouton, tout se fait tout seul, explique le commandant du navire Mathieu Poulain, à la tête d’un équipage de treize marins. C’est juste un peu plus compliqué pour le foc. »
Après avoir reçu son navire du chantier turc RMK de Tuzla le 26 septembre, Jean Zanuttini, le président et cofondateur de Neoline, a de quoi être fier de voir ce prototype devenir réalité. Le navire a débarqué, au terminal Socoma, 315 voitures de location chargées à Bastia, avant de déhaler quelques heures chez Marseille manutention au pied de la tour CMA CGM, et, après avoir laissé à Marseille un autre voilier emblématique, Le Ponant (en arrêt technique chez Sud marine). Il continue maintenant sa route vers l’estuaire de la Loire, sans fret ou presque. « Mais le 16 octobre, on part de Saint-Nzaire pour Saint-Pierre-et-Miquelon et on sera quasiment plein. »
Tous les mois, avec ses fidèles chargeurs qui ont dit banco avant même que le navire ne soit financé (Renault pour Saint-Pierre-et-Miquelon, Beneteau, Manitou, Clarins, Alliance Europe, l’importateur saint-pierrais…), le roulier chargera à Saint-Nazaire vers le territoire français qui n’avait plus de ligne directe depuis la métropole depuis les années 1970, puis Baltimore et Halifax.
Sur cette route, les vents sont favorables et réguliers et l’objectif est d’utiliser la voile à 70 à 80 % pour une décarbonation à 80 %, pour seulement deux jours de plus de voyage transatlantique. « Car ce qui est nouveau pour nous, insiste Xavier Leclerq, c’est que ce n’est pas un navire à assistance vélique mais à propulsion vélique ! Une carte parmi d’autres pour que nous arrivions, chez CMA CGM, à être neutre en carbone en 2050. »
Petit frère
Le prototype pourrait faire un petit frère, voire deux, assez rapidement. « Nous espérions passer la commande d’un deuxième d’ici mi-2026 pour multiplier par deux notre fréquence de départ, explique Jean Zanuttini. Mais, après avoir réussi à financer ce navire et à le construire, nous avons encore trois objectifs passionnants à mener : démontrer que nos objectifs de diviser par cinq la consommation énergétique sur une telle ligne, ça marche, être à l’heure sur nos horaires et faire que cette ligne soit rentable. »
Sur le roulier (1200 mètres linéaires à bord, soit 350 à 400 voitures), le Neoliner Origin sera dans le coup côté tarif. Sur le conteneur (265 EVP, avec la possibilité de deux boîtes sur une remorque en cale), ce n’est pas encore gagné par rapport à des porte-conteneurs de 4 000 EVP ou plus déployés sur l’Atlantique nord.
Le Neoliner Origin espère bien être compétitif grâce à son coût d’exploitation car, côté investissement, chacun des deux gréements coûte 10 à 12 millions de plus, soit un navire à plus de 60 millions d’euros pour un roulier normal de 136 mètres de long plutôt à 40 millions.
D’ores et déjà, les mâts Solidsail ont fait des petits – trois par navire cette fois – chez Orient express. Et la filière française vertueuse de ce projet – avec aussi Fouré-Lagadec au Havre pour les ailerons anti-dérive déployables sur la coque ou le routage de D-Ice – en espère beaucoup d’autres. Tout le monde travaille déjà sur des mâts de 95 mètres car il faudra raisonnablement, montrent les essais en bassin de carène, se limiter à trois mâts à l’avenir.